vendredi 27 novembre 2015

Hommage national. Dufy, La Rue pavoisée








Raoul Dufy, La Rue pavoisée
1906




En juillet 1906, dans la foulée des prédécesseurs attentivement étudiés (Manet, Monet, Van Gogh), Dufy est rejoint dans sa ville natale du Havre par Albert Marquet, et réalise deux tableaux de la rue des Drapiers, pavoisée pour la fête nationale, qui seront exposés sous le titre Rue pavoisée (Le Havre) au Salon d’automne de 1906. Une vue comparable, Le 14 juillet au Havre de 1907, est restée dans la collection Bourdon jusqu’à sa dispersion en 1990. 

L’un des deux tableaux de 1906 est conservé par la Fondation Fridart; la version du Musée (cat. rais. I, n° 214) est considérée comme la plus aboutie : elle est sans aucun doute celle qui, tout en se référant aux icônes impressionnistes, introduit le plus grand nombre de facteurs de rupture. Si l’économie générale de la composition est identique à celle de la peinture de Monet, La Fête nationale, rue Montorgueil (1878, Musée des Beaux-Arts de Rouen) (même rue étroite, même point de vue surélevé), sa dynamique spatiale est différente. 

La lourde géométrie des aplats des drapeaux vient barrer la perspective tracée par les rectangles des fenêtres des habitations hâtivement peintes. Là où l’impressionnisme, trente ans auparavant, visait à restituer la vibration colorée des drapeaux tricolores animant les façades et celle de la foule dans la rue, Dufy cherche à transcrire le bouleversement de la perception qu’introduisent les drapeaux, en les présentant comme des masses inertes tout en suggérant leur légèreté et leurs mouvements par des effets de transparence. 

Cette préoccupation ne le quittera pas et, vingt ans plus tard, dégagé du fauvisme, il reviendra sur le motif des drapeaux dans des séries de régates et de fêtes nautiques. La Rue pavoisée , conservée dans l’atelier de Dufy jusqu’à sa mort, fera l’objet en 1950 d’une copie d’artiste de mêmes dimensions. Dédicacée au docteur Freddy Homburger, le médecin new-yorkais que Dufy est allé consulter pendant son séjour aux États-Unis pour soigner sa polyarthrite, cette réplique met l’accent sur la transparence des drapeaux ainsi que sur la couleur locale «Belle Époque en Normandie » : canotiers, costumes marins et militaires en pantalons garance se sont multipliés. Quant à la dame en corsage rose sur le pas de sa porte, elle est devenue – ce que Dufy avait peut-être rêvé en 1906 – une prostituée pour matelots, intégralement déshabillée. C’est le seul cas connu de reproduction tardive d’une œuvre de sa période fauve par Dufy.


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