dimanche 21 février 2016

ANNA de NOAILLES. VERDUN


Verdun

Le silence revêt le plus grand nom du monde;
Un lendemain sans borne enveloppe Verdun.
Là les hommes français sont venus un à un,
Pas à pas, jour par jour, seconde par seconde,
Témoigner du plus fier et plus stoïque amour.

Ils se sont endormis dans la funèbre épreuve.

Verdun, leur immortelle et pantelante veuve,
Comme pour implorer leur céleste retour,
Tient levés les deux bras de ses deux hautes tours.                  

-Passant, ne cherche pas à donner de louanges
A la cité qui fut couverte par des anges
Jaillis de tous les points du sol français: le sang
Est si nombreux ici que nulle voix humaine
N'a le droit de mêler sa plainte faible et vaine
Aux effluves sans fin de ce terrestre encens.

Reconnais, dans la plaine entaillée et meurtrie
Le pouvoir insondable et saint de la Patrie
Pour qui les plus beaux coeurs sont sous le sol, gisants.

En ces lieux l'on ne sait comment mourir se nomme,
Tant ce fut une offrande à quoi chacun consent.
A force d'engloutir, la terre s'est faite homme.
Passant, sois de récits et de geste économe,
Contemple, adore, prie, et tais ce que tu sens.

Anna de NOAILLES

Novembre 1916

La Guerre

in Les forces éternelles, 1920
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La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née Bibesco Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et une romancière française, d'origine roumaine, née à Paris en 1876 et morte à Paris en 1933.




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