jeudi 31 mars 2016

L’écrivain hongrois Imre Kertész, Prix Nobel de littérature, est mort








Il était l’un des derniers survivants d’Auschwitz. Dans son discours de Stockholm, il disait d’ailleurs que cela résumait peut-être sa véritable histoire : « Etre mort une fois pour continuer à vivre. » L’écrivain hongrois Imre Kertész, Prix Nobel de littérature en 2002, s’est éteint à l’aube, jeudi 31 mars à son domicile de Budapest, où il était revenu s’établir après avoir résidé en Allemagne jusqu’en 2013. L’auteur d’Etre sans destin (Actes Sud, 1998) souffrait d’une maladie de Parkinson. Il était âgé de 86 ans.
On le revoit en compagnie de son épouse, Magda, dans son lumineux appartement de Meinekestrasse à Berlin – ou bien à deux pas de là, à l’hôtel Kempinski où il avait ses habitudes près de la cheminée –, les mains croisées sur le pommeau de sa canne, son fameux chapeau mou jamais très loin, ses lunettes rondes pendant sur son ventre – rond lui aussi. « Vous remarquerez que je ne me suis pas suicidé, nous avait-il dit un jour avec un sourire. Tous ceux qui ont vécu ce que j’ai vécu, Celan, Améry, Borowski, Primo Levi… ont préféré la mort. »


Créer à partir du non-sens

Kertész, lui, avait un fol appétit d’exister. Ce pessimiste qui avait fait le pari de la vie entendait la boire jusqu’à la dernière goutte. Parce que vivre était synonyme de créer et que créer était transformer la matière la plus abjecte de l’humain en quelque chose de fortifiant, d’éclairant et d’intemporel, la littérature. Faire du sens avec du non-sens. L’art comme réponse. Recours et secours à la fois. Dans L’Holocauste comme culture (Actes Sud, 2009), Kertész avait eu cette formule saisissante :
« Je peux dire peut-être que cinquante ans après, j’ai donné forme à l’horreur que l’Allemagne a déversée sur le monde (…), que je l’ai rendue aux Allemands sous forme d’art. »
Né le 9 novembre 1929, à Budapest, dans une modeste famille juive, d’un père marchand de bois et d’une mère employée, Kertész – prononcer Kertéss, un nom qui signifie « jardinier » en hongrois – est déporté en 1944, à l’âge de 15 ans. D’abord à Auschwitz puis à Buchenwald et dans le camp satellite de Zeits, en Allemagne. L’écrivain racontait sobrement son retour d’enfer, en 1945. Lorsqu’il avait voulu prendre un bus à Budapest et qu’on lui avait demandé de payer son ticket. Lorsqu’il s’était aperçu que l’appartement où il avait grandi avec ses parents était « occupé » par d’autres. Lorsqu’il avait compris que sa famille avait été exterminée et qu’il était seul… « C’était étrange, dira-t-il. Comme j’étais encore un enfant, je devais aller à l’école, alors que j’avais, si l’on peut dire, une certaine expérience de la vie… » Cette « expérience » est d’une certaine façon synthétisée dans Liquidation (Actes sud, 2004), où le personnage principal expose son « idée de base » : « Le mal est le principe de la vie (…). Ce qui est véritablement irrationnel, c’est le bien. » Toute l’œuvre de Kertész interroge la façon dont on peut survivre à cette idée.


Une langue qui « entre dans la chair »

Dans les années 1950, sous la dictature stalinienne, Imre Kertész devient journaliste. Mais le journal pour lequel il travaille se transforme bientôt en organe officiel du Parti communiste. Incapable d’écrire sur ordre, Kertész est mis à la porte. Il décide alors de devenir écrivain et vit avec sa femme dans une chambre minuscule, totalement en marge de la société hongroise. Il survit en écrivant des comédies musicales et en traduisant de grands auteurs germanophones – Nietzsche, Freud, Hofmannsthal, Canetti, Wittgenstein, Joseph Roth… « L’allemand reste pour moi la langue des penseurs, pas des bourreaux », disait-il non sans panache.
En 1960, il commence son grand « roman de dé-formation ou de formation à l’envers » qu’est Etre sans destin. Il mettra treize ans à l’écrire. Lorsque le livre sort en Hongrie, en 1975, il est accueilli de façon glaciale – de même que le sera son prix Nobel quelque trente ans plus tard. Interrogé par Le Monde en 2005, Kertész expliquait que le titre de ce qu’il persistait à appeler « roman » était « une conséquence éthique » de la Shoah :
« Ce que je voulais décrire, c’est comment, dans un univers concentrationnaire, un adolescent pouvait être méthodiquement spolié de sa personnalité naissante. C’est l’état dans lequel vous vous trouvez lorsqu’on vous a confisqué jusqu’à l’idée même de votre histoire. Un état où il est interdit de se confronter à soi-même. Tout le défi du roman consistait à inventer une langue qui lie ces notions et indique une existence verrouillée. »

 « Briser de l’intérieur les limites de la langue »

Cette langue – un phrasé extrêmement personnel, mélange unique de détachement apparent et de distance sarcastique –, cette langue « atonale », comme il la qualifiait, mais dont il a toujours voulu qu’elle « entre dans la chair » de son lecteur, Kertész expliquait qu’elle lui venait indirectement de Camus. Il avait souvent raconté comment à 25 ans il était un jour, par hasard, tombé sur L’Etranger. « Je me suis dit : ce livre est si mince qu’il ne va pas me coûter trop cher… J’ignorais tout de son auteur et j’étais loin de soupçonner que sa prose allait me marquer à ce point. En hongrois, L’Etranger était traduit par L’Indifférent. Indifférent au sens de détaché – du monde, de lui-même. Mais aussi au sens d’affranchi, c’est-à-dire d’homme libre… »


L’« affect » de l’Histoire

Un homme libre. Imperméable à toute sorte de pose, sociale ou littéraire : voilà ce qu’aura été Imre Kertész toute sa vie. A travers ses livres traduits tous chez Actes sud, dont Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas (1995), Liquidation (2004), Le Refus (2002) ; Journal de galère (2010), Le Chercheur de traces (2003)… – l’écrivain se présentait comme quelqu’un qui, « du nazisme au stalinisme, aura accumulé suffisamment de savoir intime sur la dictature » pour la traduire en une expérience créatrice. Une œuvre où « l’affect » de l’Histoire est aussi présent que la mémoire des crimes. Où l’écrivain cherche à cerner comment l’un et l’autre façonnent nos destins, fût-ce à notre insu. Une œuvre où l’humanisme triomphe toujours, du moins sur la page. Et où la notion de liberté rejoint toujours celle du langage. « Briser de l’intérieur des limites de la langue », voilà l’objectif que s’était imposé Imre Kertész.

Dans La Vocation de l’écriture : la littérature et la philosophie à l’épreuve de la violence (Odile Jacob, 2014), le philosophe Marc Crépon note ainsi que pour Kertész, l’écriture n’est pas seulement « une technique de survie », une manière d’échapper au « bourbier de l’inexistence ». C’est aussi un acte de résistance profondément éthique. « Dans les sociétés totalitaires, le “consentement au meurtre” va de pair avec le renoncement à la vérité, le culte de son illusion (sous la forme d’un dogme imposé) et les ruses du mensonge organisé. Le langage ainsi livré à la puissance de ceux qui ont tout pouvoir de le manipuler est d’abord un enfermement. » Marc Crépon souligne que pour Kertész, qui s’est toujours appliqué à étudier la façon dont s’élabore la langue de toutes les dictatures, écrire consiste justement à « ouvrir une brèche à travers laquelle luit l’étincelle d’une liberté possible ».


« Auschwitz n’a pas été un accident de l’Histoire »

Kertész avait « mal » lorsque les Hongrois lui reprochaient d’être le seul prix Nobel national alors même qu’il ne glorifiait pas la « hungaritude ». Il avait mal lorsqu’il voyait la Hongrie d’aujourd’hui « envoûtée par Viktor Orban comme par le joueur de flûte de Hamelin ». Il ne cachait pas son désarroi face à la situation d’un pays gangréné par l’antisémitisme et la « culture de la haine », où les rampes de métro, disait-il, sont couvertes d’affiches qui lui rappelaient douloureusement « celles du Parti des Croix fléchées en 1938 », parti pronazi fondé en 1939 par Ferenz Szalasi. Il ne cachait pas son « effarement » devant la recrudescence de l’antisémitisme tout comme le risque de voir « les gardes-frontières qui entreprennent de défendre l’Europe contre la barbarie montante » devenir « à leur tour des fascistes ». « Auschwitz n’a pas été un accident de l’Histoire », déclarait-il au Monde en 2015, « et beaucoup de signes montrent que sa répétition est possible ».



Pourtant – hormis peut-être dans son dernier ouvrage, L’Ultime auberge (2015) où l’on trouve ça et là quelques remarques déconcertantes de sa part (mais peut-être dues au grand âge ?) sur l’Europe et sur l’Islam – il y a toujours quelque chose de profondément lumineux et d’éminemment généreux chez Kertész. Qu’il vous prenne par la main et vous emmène en promenade au bord du lac Balaton ou le long des rives du Danube, qu’il vous parle de musique, de Bach, Wagner ou Schönberg, ou encore de « ses vieux amis », Musil, Arendt, Thomas Mann, Beckett et surtout Kafka, l’écrivain nous apprend humblement et intelligemment à tout savourer. A ne rien attendre. Dans son Journal de galère (2010), il note cette phrase de Lao Tseu qui lui va comme un gant : « “Non pas vivre en esclave de son avenir” mais “dans la liberté infinie de sa finitude”. »
La mort, qu’il avait frôlée si précocement et de si près, Imre Kertész s’y préparait en un sens depuis toujours. Afin qu’elle ne l’atteigne pas « comme un accident ou comme un malfrat qui vous assommerait au coin de la rue », il travaillait à « atteindre la sagesse d’une vie qui enseigne le savoir de l’aboutissement ». Lui qui avait côtoyé la barbarie n’avait jamais perdu son sens de l’humour si typique des écrivains de la Mitteleuropa. Un jour qu’il était descendu à l’hôtel Raphaël, à Paris, il nous avait confié en souriant : « Il ne fait sûrement pas bon être mort, mais avec le temps on doit pouvoir s’y faire… »


Eléments de bio et d'article de Florence Noiville, journaliste au Monde

mercredi 30 mars 2016

Comprendre la real politique







GUIDE SUCCINT et SUBJECTIF pour COMPRENDRE la REAL POLITIQUE
avec DEUX VACHES, selon les systèmes politiques :



IDEALISME : Vous avez 2 vaches. Vos voisins vous aident à vous en occuper et vous partagez le lait.



SOCIALISME GENERAL : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement vous promet de vous aider et taxe le lait à 60%.



SOCIALISME variante HOLLANDAIS (cf. hollandais: sous F.Hollande, "moi président") :  : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement promet de vous aider et taxe le lait à 75%.



COMMUNISME : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement vous prend les deux et rationne le lait.



FASCISME : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement vous prend les deux et vous vend le lait.



NAZISME : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement vous prend la vache blonde et abat la brune.



NAZISME département "Mort aux Juifs" : Vous avez 2 vaches. Les S.S. les confisquent, les revendent et vous fusillent.



FEODALITE : Vous avez 2 vaches. Le seigneur s’arroge la moitié du lait.



DEMOCRATIE : Vous avez 2 vaches. Un vote décide à qui appartient le lait...



DEMOCRATIE REPRESENTATIVE : Vous avez 2 vaches. Une élection désigne celui qui décidera à qui appartient le lait.



DEMOCRATIE DE SINGAPOUR : Vous avez 2 vaches. Vous écopez d’une amende pour détention de bétail en appartement.



ALTERMONDIALISME : Vous avez 2 vaches. Vous les laissez se traire en autogestion.



CAPITALISME : Vous avez 2 vaches. Vous en vendez une, et vous achetez un taureau pour faire des petits.



AFRICANISME : Vous avez 2 vaches. Le pouvoir vous raquette et en mange une, l’autre se tue en tombant du toit d’un transport en commun, vos frères’ palabrent sous la chaleur et les mouches pendant 5 jours pour la manger et personne ne se partagera de lait.



CAPITALISME DE HONG KONG : Vous avez 2 vaches. Vous en vendez 3 à votre société cotée en bourse en utilisant des lettres de créance ouvertes par votre beau-frère auprès de votre banque. Puis vous faites un « échange de lettres contre participation », assorti d’une offre publique, et vous récupérez 4 vaches dans l’opération tout en bénéficiant d’un abattement fiscal pour l’entretien de 5 vaches. Les droits sur le lait de 6 vaches sont alors transférés par un intermédiaire panaméen sur le compte d’une société dans les îles Caïman, détenue clandestinement par un actionnaire qui revend à votre société cotée les droits sur le lait de 7 vaches. Au rapport de ladite société figurent 8 ruminants, avec option d’achat sur une bête supplémentaire. Entre temps vous abattez les 2 vaches parce que leur horoscope est défavorable.



CAPITALISME SAUVAGE : Vous avez 2 vaches. Vous vendez l’une, vous forcez l’autre à produire comme quatre, et vous licenciez l’ouvrier qui s’en occupait en l’accusant d’être inutile.



BUREAUCRATIE A LA BELGE : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement publie des règles d’hygiène qui vous invitent à en abattre une. Après quoi il vous fait déclarer la quantité de lait que vous avez pu traire de l’autre, il vous achète le lait et il le jette. Enfin, il vous fait remplir des formulaires pour déclarer la vache manquante.



ECOLOGIE : Vous avez 2 vaches. Vous gardez le lait et le gouvernement vous achète la bouse.



FEMINISME : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement vous inflige une amende pour discrimination. Vous échangez une de vos vaches pour un taureau que vous trayez aussi.



SURREALISME & SOCIALISME HOLLANDAIS (cf. hollandais: sous F.Hollande, "moi président") : Vous avez 2 vaches. Le gouvernement exige par la loi "choc de compétivité & de simplification" que vous leur donniez des leçons d’harmonica.



PERETTEETLEPOTAULAITISME : Vous avez 2 vaches, vous êtes court vêtue et dans 1 an vous aurez 2 veaux, 4 dans 3 ans, 8 en 4 ans et au bout de 50 ans : 1 125 899 906 842 624 veaux, vous êtes immensément riche, vous sautez de joie mais vous vous faites mal en tombant, car votre plus vieille vache a 51 ans et est morte depuis 30 ans. Combien de vaches avez-vous et quelle est votre production de lait ?



CAPITALISME EUROPEEN : Vous avez 2 vaches. On vous subventionne la première année pour acheter une 3ème vache. On fixe les quotas la deuxième année et vous payez une amende pour surproduction. On vous donne une prime la troisième année pour abattre la 3ème vache.



MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE BRITANNIQUE : Vous tuez une des vaches pour la donner à manger à l’autre. La vache vivante devient folle. L’Europe vous subventionne pour l’abattre. Vous la donnez à manger à vos moutons.



SOCIALISME A LA FRANCAISE : Vous avez 2 vaches. Pour financer la retraite de vos vaches, le gouvernement décide de lever un nouvel impôt : la CSSANAB (cotisation sociale de solidarité avec nos amies les bêtes). Deux ans après, comme la France a récupéré une partie du cheptel britannique, le système est déficitaire. Pour financer le déficit, on lève un nouvel impôt sur la production de lait : le RAB (remboursement de l’ardoise bovine). Les vaches se mettent en grève. Il n’y a plus de lait. Les Français sont dans la rue : « DU LAIT ! ON VEUT DU LAIT ! ». La France construit un lactoduc sous la Manche pour s’approvisionner auprès des Anglais. L’Europe déclare le lait anglais impropre à la consommation. On lève un nouvel impôt pour l’entretien du lactoduc devenu inutile.



REGIME GENERAL CORSE : Vous avez deux cochons qui courent dans la forêt. Vous déclarez 200 vaches et vous cumulez les subventions françaises et européennes.








lundi 28 mars 2016

Blaise CENDRARS. Pâques à New-York


____________________________________________________________________
On terminera cette trilogie pascale par ce long poème de Blaise Cendrars qui laisse difficilement neutre. Bien des thèmes abordés sont prémonitoires - juifs, migrants etc...
______________________________________________________________






C'est un long poème, tragique, écrit d'une traite et jamais repris, à la suite d'une nuit d'errance et de fièvre dans le dédale de New York, un soir de Pâques en 1912.
Blaise Cendrars, l'athée, y cherche Dieu, dans ses souvenirs de voyage, dans ses rencontres de hasard, dans les quartiers pauvres, dans les différents types de ghettos de la mégalopole bigarrée.Toute la Passion du Christ s'y joue à l'échelle humaine: les prostituées de la ville sont de modernes Marie-Madeleine, les larrons, bons ou mauvais, sont la racaille et la pègre qui hantent les rues mal famées, "Seigneur, rien n'a changé depuis que vous n'êtes plus Roi", dit Blaise au Christ, "le Mal s'est fait une béquille de votre croix".


"Seigneur, rien n'a changé depuis que vous n'êtes plus Roi
le Mal s'est fait une béquille de votre croix"

Le poème est construit en strophes rimées ou "assonancées" qui sont autant de cercles concentriques dans cette descente aux enfers de la misère humaine. Le poème est tout entier adressé à celui que Cendrars cherche en vain, et qui ne lui répond pas. Désespéré, il s'enferme dans sa chambre et ne lui parlera plus, sauf une autre unique fois, dans le poème appelé "Christ". La place de Cendrars est désormais auprès et au plus près de ses frères de misère, les hommes.
Un poème superbe et violent, un cri, une évocation crue et terrible du New-York du début du XXè.
On notera enfin que ce poème est dédié à sa fille Agnès.

Pâques à New-York


à Agnès


Seigneur, c’est aujourd’hui le jour de votre Nom,
J’ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion,

Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles
Qui pleurent dans le livre, doucement monotones.

Un moine d’un vieux temps me parle de votre mort.
Il traçait votre histoire avec des lettres d’or

Dans un missel, posé sur ses genoux.
Il travaillait pieusement en s’inspirant de Vous.

À l’abri de l’autel, assis dans sa robe blanche,
il travaillait lentement du lundi au dimanche.

Les heures s’arrêtaient au seuil de son retrait.
Lui, s’oubliait, penché sur votre portrait.

À vêpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour,
Le bon frère ne savait si c’était son amour

Ou si c’était le Vôtre, Seigneur, ou votre Père
Qui battait à grands coups les portes du monastère.

Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.
Dans la chambre à côté, un être triste et muet

Attend derrière la porte, attend que je l’appelle!
C’est Vous, c’est Dieu, c’est moi, — c’est l’Éternel.

Je ne Vous ai pas connu alors, — ni maintenant.
Je n’ai jamais prié quand j’étais un petit enfant.

Ce soir pourtant je pense à Vous avec effroi.
Mon âme est une veuve en deuil au pied de votre Croix;

Mon âme est une veuve en noir, — c’est votre Mère
Sans larme et sans espoir, comme l’a peinte Carrière.

Je connais tous les Christs qui pendent dans les musées;
Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir à mes côtés.

Je descends à grands pas vers le bas de la ville,
Le dos voûté, le cœur ridé, l’esprit fébrile.

Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil
Et vos mains tout autour palpitent d’étincelles.

Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang
Et les femmes, derrière, sont comme des fleurs de sang,

D’étranges mauvaises fleurs flétries, des orchidées,
Calices renversés ouverts sous vos trois plaies.

Votre sang recueilli, elles ne l’ont jamais bu.
Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul.

Les fleurs de la Passion sont blanches, comme des cierges,
Ce sont les plus douces fleurs au Jardin de la Bonne Vierge.

C’est à cette heure-ci, c’est vers la neuvième heure,
Que votre Tête, Seigneur, tomba sur votre Cœur.

Je suis assis au bord de l’océan
Et je me remémore un cantique allemand,

Où il est dit, avec des mots très doux, très simples, très purs,
La beauté de votre Face dans la torture.

Dans une église, à Sienne, dans un caveau,
J’ai vu la même Face, au mur, sous un rideau.

Et dans un ermitage, à Bourrié-Wladislasz,
Elle est bossuée d’or dans une châsse.

De troubles cabochons sont à la place des yeux
Et des paysans baisent à genoux Vos yeux.

Sur le mouchoir de Véronique Elle est empreinte
Et c’est pourquoi Sainte Véronique est Votre sainte.

C’est la meilleure relique promenée par les champs,
Elle guérit tous les malades, tous les méchants.

Elle fait encore mille et mille autres miracles,
Mais je n’ai jamais assisté à ce spectacle.

Peut-être que la foi me manque, Seigneur, et la bonté
Pour voir ce rayonnement de votre Beauté.

Pourtant, Seigneur, j’ai fait un périlleux voyage
Pour contempler dans un béryl l’intaille de votre image.

Faites, Seigneur, que mon visage appuyé dans les mains
Y laisse tomber le masque d’angoisse qui m’étreint.

Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyées sur ma bouche
N’y lèchent pas l’écume d’un désespoir farouche.

Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous,
Peut-être à cause d’un autre. Peut-être à cause de Vous.

Seigneur dans les ghettos grouille la tourbe des Juifs
Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.

Je le sais bien, ils ont fait ton Procès;
Mais je t'assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais.

Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre,
Vendent des vieux habits, des armes et des livres.

Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques.
Moi, j'ai, ce soir, marchandé un microscope.

Hélas! Seigneur, Vous ne serez plus là, après Pâques!
Seigneur, ayez pitié des Juifs dans les baraques.


Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
Des vagabonds, des va-nu-pieds, des recéleurs.

Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.

Seigneur, l’un voudrait une corde avec un nœud au bout,
Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.

Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.

Je pense aussi aux musiciens des rues,
Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,

À la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier;
Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.

Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.

Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
Ce que l’on vit derrière, personne ne l’a dit.

La rue est dans la nuit comme une déchirure,
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.

Ceux que vous aviez chassés du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.

L’Étoile qui disparut alors du tabernacle,
Brûle sur les murs dans la lumière crue des spectacles.

Seigneur, la Banque illuminée est comme un coffre-fort,
Où s’est coagulé le Sang de votre mort.

Les rues se font désertes et deviennent plus noires.
Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.

J’ai peur des grands pans d’ombre que les maisons projettent.
J’ai peur. Quelqu’un me suit. Je n’ose tourner la tête.

Un pas clopin-clopant saute de plus en plus près.
J’ai peur. J’ai le vertige. Et je m’arrête exprès.

Un effroyable drôle m’a jeté un regard
Aigu, puis a passé, mauvais, comme un poignard.

Seigneur, rien n’a changé depuis que vous n’êtes plus Roi.
Le Mal s’est fait une béquille de votre Croix.

Je descends les mauvaises marches d’un café
Et me voici, assis, devant un verre de thé.

Je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos
Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.

La boutique est petite, badigeonnée de rouge
Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.

Ho-Kousaï a peint les cent aspects d’une montagne.
Que serait votre Face peinte par un Chinois ?

Cette dernière idée, Seigneur, m’a d’abord fait sourire.
Je vous voyais en raccourci dans votre martyre.

Mais le peintre, pourtant, aurait peint votre tourment
Avec plus de cruauté que nos peintres d’Occident.

Des lames contournées auraient scié vos chairs,
Des pinces et des peignes auraient strié vos nerfs,

On vous aurait passé le col dans un carcan,
On vous aurait arraché les ongles et les dents,

D’immenses dragons noirs se seraient jetés sur Vous,
Et vous auraient soufflé des flammes dans le cou,

On vous aurait arraché la langue et les yeux,
On vous aurait empalé sur un pieu.

Ainsi, Seigneur, vous auriez souffert toute l’infamie,
Car il n’y a pas de plus cruelle posture.

Ensuite, on vous aurait forjeté aux pourceaux
Qui vous auraient rongé le ventre et les boyaux.

Je suis seul à présent, les autres sont sortis,
Je me suis étendu sur un banc contre le mur.

J’aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église;
Mais il n’y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.

Je pense aux cloches tues: — où sont les cloches anciennes?
Où sont les litanies et les douces antiennes?

Où sont les longs offices et où les beaux cantiques?
Où sont les liturgies et les musiques?

Où sont tes fiers prélats, Seigneur, où tes nonnains?
Où l’aube blanche, l’amict des Saintes et des Saints?

La joie du Paradis se noie dans la poussière,
Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrières.

L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit
Des ombres crucifiées agonisent aux parois.

C’est comme un Golgotha de nuit dans un miroir
Que l’on voit trembloter en rouge sur du noir.

La fumée, sous la lampe, est comme un linge déteint
Qui tourne, entortillé, tout autour de vos reins.

Par au-dessus, la lampe pâle est suspendue,
Comme votre Tête, triste et morte et exsangue.

Des reflets insolites palpitent sur les vitres…
J’ai peur, — et je suis triste, Seigneur, d’être si triste.

« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via? »
– La lumière frissonner, humble dans le matin.

« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via? »
– Des blancheurs éperdues palpiter comme des mains.

« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via? »
– L’augure du printemps tressaillir dans mon sein.

Seigneur, l’aube a glissé froide comme un suaire
Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.

Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.

Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.

La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.

Une foule enfiévrée par les sueurs de l’or
Se bouscule et s’engouffre dans de longs corridors.

Trouble, dans le fouillis empanaché des toits,
Le soleil, c’est votre Face souillée par les crachats.

Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne…
Ma chambre est nue comme un tombeau…

Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre…
Mon lit est froid comme un cercueil…

Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents…
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle…

Cent mille toupies tournoient devant mes yeux…
Non, cent mille femmes… Non, cent mille violoncelles…

Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses…
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées…

Je ne pense plus à vous. Je ne pense plus à vous.



Blaise Cendrars

New York, avril 1912










Frédéric Louis Sauser, alias Blaise Cendrars (1887-1961), est de ces écrivains dont le nom est pour toujours associé au voyage. En train, en bateau, en voiture, il a parcouru l'Europe, la Russie, les Amériques... bien souvent sans un sou en poche.
De ses pérégrinations, Cendrars a tiré une oeuvre foisonnante. Passionné par les arts et techniques modernes, par les mystiques aussi, il fut à la fois un poète avant-gardiste et un prosateur généreux, un romancier et un reporter. Son oeuvre fascine par la simplicité et l'évidence de son style, par la force des tableaux et des portraits d'où jaillit une humanité rare.


jeudi 24 mars 2016

BAUDELAIRE. A une mendiante rousse






A une mendiante rousse

Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,

Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
A sa douceur.

Tu portes plus galamment
Qu'une reine de roman
Ses cothurnes de velours
Tes sabots lourds.

Au lieu d'un haillon trop court,
Qu'un superbe habit de cour
Traîne à plis bruyants et longs
Sur tes talons ;

En place de bas troués,
Que pour les yeux des roués
Sur ta jambe un poignard d'or
Reluise encor ;

Que des noeuds mal attachés
Dévoilent pour nos péchés
Tes deux beaux seins, radieux
Comme des yeux ;

Que pour te déshabiller
Tes bras se fassent prier
Et chassent à coups mutins
Les doigts lutins,

Perles de la plus belle eau,
Sonnets de maître Belleau
Par tes galants mis aux fers
Sans cesse offerts,

Valetaille de rimeurs
Te dédiant leurs primeurs
Et contemplant ton soulier
Sous l'escalier,

Maint page épris du hasard,
Maint seigneur et maint Ronsard
Épieraient pour le déduit
Ton frais réduit !

Tu compterais dans tes lits
Plus de baisers que de lis
Et rangerais sous tes lois
Plus d'un Valois !

- Cependant tu vas gueusant
Quelque vieux débris gisant
Au seuil de quelque Véfour
De carrefour ;

Tu vas lorgnant en dessous
Des bijoux de vingt-neuf sous
Dont je ne puis, oh ! pardon !
Te faire don.

Va donc ! sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté !

Charles BAUDELAIRE
in Les fleurs du mal 
1857






Egon SCHIELE
Jeune fille assise



Egon SCHIELE
Jeune fille se tenant debout


_________________
"Un amour naissant inonde le monde de poésie, un amour qui dure irrigue de poésie la vie quotidienne, la fin d’un amour nous rejette dans la prose."
Edgar Morin

mardi 22 mars 2016

GUENOUN. Le mot du mardi






Mémoire de Toulouse, 22 mars 2012-22 mars 2016


22 mars 2012-22 mars 2016 









Le 22 mars 2012, quelques minutes après l'assaut du Raid dans un appartement de Toulouse transformé en Fort Chabrol, la France découvre médusée le patronyme du tueur au scooter qui a semé la mort et l'épouvante entre Toulouse et Montauban, avec un bilan de 7 morts, dont 3 enfants. En quelques jours, Mohamed Merah a fait chavirer le pays dans une forme inédite de terrorisme. Celle d'une nouvelle guerre qui, quatre ans après, n'a fait que s'accentuer à mesure que l'islamisme radical a gangrené les esprits. 



Le raid sanglant de Merah commence le 11 mars 2012 avec le meurtre à Toulouse du militaire Imad Ibn-Ziaten, 30 ans. Il se poursuit le 15, avec l'exécution de sang-froid de deux parachutistes de Montauban, Abel Chennouf, 25 ans, et Mohamed Legouad, 23 ans. Le 19, Merah assassine dans une école juive toulousaine Jonathan Sandler, 30 ans, ses fils Arié et Gabriel, cinq et trois ans, et Myriam Monsonego, huit ans. L'horreur est à son comble. L'incompréhension, totale.
Rejeton désorienté de la cité «sensible» des Izards, Merah est l'archétype du raté devenu djihadiste sans boussole. Par deux fois, il a tenté de s'engager dans l'armée française, d'abord dans l'armée de terre, en 2008, puis dans la Légion étrangère. Par deux fois, cet apprenti carrossier au chômage a essuyé d'humiliants refus. Ses antécédents judiciaires de petit délinquant ne lui permettaient pas de prendre ce virage.


L'Accent tue ou l'accent tué?




Accent tué...Français
LE FLIC A COLLE UN TIMBRELE FLIC A COLLÉ UN TIMBRÉ
NOUS AIMIONS TOUS LE SUICIDENOUS AIMIONS TOUS LE SUICIDÉ
GISCARD CHAHUTE A L'ASSEMBLEEGISCARD CHAHUTÉ À L'ASSEMBLÉE
GISCARD : LE FILS DEPUTEGISCARD : LE FILS DÉPUTÉ
DIMANCHE : MARCHEDIMANCHE : MARCHÉ
LA DEMOISELLE A MILLE FRANCSLA DEMOISELLE À MILLE FRANCS
ETUDE DU MODELEÉTUDE DU MODELÉ
IL DORT OU IL TRAVAILLEIL DORT OÙ IL TRAVAILLE
CE MERVEILLEUX CHATEAU EST SINISTRECE MERVEILLEUX CHÂTEAU EST SINISTRÉ
LA RELIGIEUSE ADORAIT LES JEUNESLA RELIGIEUSE ADORAIT LES JEÛNES
LE PROFESSEUR MONTIGNAC ADORE LES CONGRESLE PROFESSEUR MONTIGNAC ADORE LES CONGRÈS
CETTE TACHE EST IMPARABLE.
(HEUREUSEMENT, IL Y A OMO !)
CETTE TÂCHE EST IMPARABLE.
(HEUREUSEMENT, IL Y A ROBOT !)
MON PASSEPORT EST VALIDE AU 31 DECEMBREMON PASSEPORT EST VALIDÉ AU 31 DÉCEMBRE
HELAS, MON BEAUJOLAIS EST LIQUIDE (?!)HÉLAS, MON BEAUJOLAIS EST LIQUIDÉ
MON MARI EST INTERNE A L'ASILE DE DAVEMON MARI EST INTERNE À L'ASILE DE DAVE
LE POLICIER TUE, UN DES BRIGANDS S'ENFUITLE POLICIER TUÉ, UN DES BRIGANDS S'ENFUIT
VIDE LE CARAFON ! ET J'AI ENCORE SOIF !VIDÉ LE CARAFON ! ET J'AI ENCORE SOIF !
IL RESTE UN PETIT PAIN GARNI DE PATEIL RESTE UN PETIT PAIN GARNI DE PÂTÉ
CESAR MONSIEUR ETAIT L'ENFANT LEGITIME DE HENRI IV ET DE GABRIELLE D'ESTREES ; IL RECUT LE DUCHE DE VENDOMECÉSAR MONSIEUR ÉTAIT L'ENFANT LÉGITIMÉ DE HENRI IV ET DE GABRIELLE D'ESTRÉES ; IL REÇUT LE DUCHÉ DE VENDÔME
CE JUGEMENT NE SERA PAS INFIRMECE JUGEMENT NE SERA PAS INFIRMÉ
VOICI LES QUATRE MOUSQUETAIRES,
ET ISABELLE EN DESHABILLE
VOICI LES QUATRE MOUSQUETAIRES,
ET ISABELLE EN DÉSHABILLÉ
VOICI LES QUATRE MOUSQUETAIRES,
ET ISABELLE EN NEGLIGE
VOICI LES QUATRE MOUSQUETAIRES,
ET ISABELLE EN NÉGLIGÉ
LE FOUTRE, C'EST SALELE FOUTRE, C'EST SALÉ
LE PERVERS VOIT AINSI SON DESIR SUBLIMELE PERVERS VOIT AINSI SON DÉSIR SUBLIMÉ
JEUNE FEMME 25 ANS
CHERCHE COMPAGNON, MEME AGE
JEUNE FEMME 25 ANS
CHERCHE COMPAGNON, MÊME ÂGÉ
LA COTE DU COTE COTELA COTE DU CÔTÉ COTÉ
UN CURE TUEUN CURÉ TUÉ
L'ODEUR D'UN ROT TROP SALE, REMUE DANS MON ASSIETTEL'ODEUR D'UN RÔT TROP SALÉ, REMUÉ DANS MON ASSIETTE
HORRIBLE : LES ROUES SE COUCHENT SUR LES ROUES.
PIQUANT : CETTE ROUEE SE COUCHE SOUS LES ROUES.ROULE, IL PERD LA BOULE ET EXECUTE UN ROULE-BOULE.FEDOR DOSTOIEVSKY, HUMILIE ET OFFENSE, SOUVENT.
HORRIBLE : LES ROUÉS SE COUCHENT SUR LES ROUES.
PIQUANT : CETTE ROUÉE SE COUCHE SOUS LES ROUÉS.ROULÉ, IL PERD LA BOULE ET EXÉCUTE UN ROULÉ-BOULÉ.FÉDOR DOSTOÏEVSKY, HUMILIÉ ET OFFENSÉ, SOUVENT.
PARITARISME PARASITEPARITARISME PARASITÉ
ARTICLES DE MACONNERIE - GROS - DETAILARTICLES DE MAÇONNERIE - GROS - DÉTAIL
DES LIVRES ILLUSTRESDES LIVRES ILLUSTRÉS
LE COUP DE DE DE DE GAULLELE COUP DE DÉ DE DE GAULLE
AUGMENTATION DES RETRAITESAUGMENTATION DES RETRAITÉS
LE CRIMINEL SERA JUGELE CRIMINEL SERA JUGÉ
UN TRAFIC DE FAUX BRONZES DEMANTELE EN ILE-DE-FRANCEUN TRAFIC DE FAUX BRONZES DÉMANTELÉ EN ÎLE-DE-FRANCE
J'ASSURE MES ARRIERESJ'ASSURE MES ARRIÈRÉS

samedi 19 mars 2016

NORGE. Je mets beaucoup d'ordre dans mes idées







Je mets beaucoup d'ordre dans mes idées. Ça ne va pas tout seul. Il y a des idées qui ne supportent pas l'ordre et qui préfèrent crever. À la fin, j'ai beaucoup d'ordre et presque plus d'idées. »


NORGE
in Les cerveaux brûlés, 1969



                                                                   *   *  *







*   *  *


Petite biographie de Norge (1898-1990)

Né à Bruxelles le 2 juin 1898 d'une famille de lainiers. Elève au collège jésuite Saint Michel de Bruxelles et condisciple d'Henri Michaux, de 1911 jusqu'en 1917. Accepte de reprendre le flambeau familial et devient représentant de commerce pour l'entreprise, se marie à 20 ans avec Jeanne Laigle dont il aura un fils Jean Mogin. Premiers poèmes en revue en 1923. En 1925 : fonde le Théâtre du Groupe libre avec Raymond Rouleau. En 1931, fonde une revue de poésie, le " Journal des poètes " et en 1932, invite les poètes à lire leurs poèmes dans son Grenier. En 1937, fonde " Les Cahiers blancs ". En 1941, épouse sa concubine Denise Perrier peintre, et en 1954 s'installe à côté de Saint Paul de Vence, à Mougins ; prend la nationalité française. En1986 : mort de son fils Jean, poète et dramaturge. . Le 25 octobre1990, il s'éteint au " Mas Amadou " du nom d'un saint invoqué contre le mal d'amour.

___________________________________________________________________________________

NORGE est très présent dans nos sélections de poèmes, tout autant qu’il ne l’est pas assez sur les cahiers des écoliers…



NORGE. Monsieur





Monsieur
   
Je vous dis de m’aider,
Monsieur est lourd.
Je vous dis de crier,
Monsieur est sourd.
Je vous dis d’expliquer,
Monsieur est bête.
Je vous dis d’embarquer,
Monsieur regrette.
Je vous dis de l’aimer,
Monsieur est vieux.
Je vous dis de prier,
Monsieur est Dieu.
Éteignez la lumière,
Monsieur s’endort.
Je vous dis de vous taire,
Monsieur est mort.



NORGE




DALI
Ascension, 1958


___________________________________________


Ainsi demain s'achèvera officiellement ce Printemps des Poètes millésime 2016. On espère qu'il ne cessera jamais sur Nuageneuf, sauf incident indépendant de notre volonté!(ne jamais dire jamais)

NORGE. La Faune




   5/20 mars 2016





La Faune
   
    Et toi, que manges-tu, grouillant ?
— Je mange le velu qui digère le
pulpeux qui ronge le rampant.

    Et toi, rampant, que manges-tu ?
— Je dévore le trottinant qui bâfre
l’ailé qui croque le flottant.

    Et toi, flottant, que manges-tu ?
— J’engloutis le vulveux qui suce
le ventru qui mâche le sautillant.

    Et toi sautillant que manges-tu ?
— Je happe le gazouillant qui gobe
le bigarré qui égorge le galopant.

    Est-il bon, chers mangeurs, est-il
bon le goût du sang ?
— Doux, doux ! tu ne sauras jamais
comme il est doux, herbivore !


Norge





Francis Picabia
L'adoration du veau, 1941



______________________________________________


Ainsi demain s'achèvera officiellement ce Printemps des Poètes millésime 2016. On espère qu'il ne cessera jamais sur Nuageneuf, sauf incident indépendant de notre volonté!(ne jamais dire jamais)

NORGE. Le petit non


 5/20 mars 2016






Le petit non


Le p'tit grain d'plomb qui faucha l'gros lapin,
Le p'tit couteau dans le cœur de Marie,
Le p'tit éclair sur l'épaul' de Firmin,
Mon Dieu ! tout ça, c'est d'la mort en série.

Le p'tit crochet dans la bouch' du gardon,
Le p'tit poison qui mordit l'sang d'Adèle
Le p'tit microb' dans l'intestin d'Raymond,
Mon Dieu ! tout ça, c'est d'la mort naturelle.

Le p'tit vent creux dans les poumons d'Julot,
Le p'tit lacet qui serra l'cou du loir,
Le p'tit marteau sur la caboch' du veau,
Mon Dieu ! tout ça, c'est d'la mort accessoire.

Mais le p'tit non sur les lèvres d'Anna
Quand je lui d'mande encore un peu d'amour,
Ca, c'est d'l'horreur, ça c'est d'l'assassinat,
D'la mort qui pue et d'la griff de vautour.

Anna, ma douc', Anna mon p'tit mouton,
Tout'les aut'morts, qu'est c'que tu veux qu'ça m'fasse ?
Mais ce p'tit non qui répond toujours non,
Ce p'tit non-là, c'est d'la mort dégueulasse.


NORGE



Egon Schiele
Le poète
______________________________________________

Ainsi demain s'achèvera officiellement ce Printemps des Poètes millésime 2016. On espère qu'il ne cessera jamais sur Nuageneuf, sauf incident indépendant de notre volonté!(ne jamais dire jamais)

jeudi 17 mars 2016

CHARPENTREAU. L'Arbre tout seul


 5/20 mars 2016




Perdu au milieu de la ville,
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les parkings, c’est pour stationner,
Les camions, pour embouteiller,
Les motos, pour pétarader,
Les vélos, pour se faufiler.
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les télés, c’est pour regarder,
Les transistors, pour écouter,
Les murs pour la publicité,
Les magasins pour acheter.
L ’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Les ascenseurs, c’est pour grimper,
Les présidents pour présider,
Les montres pour se dépêcher,
Les mercredis pour s’amuser.
L’arbre tout seul, à quoi sert-il ?
Il suffit de le demander
A l’oiseau qui chante à la cime.



Jacques Charpentreau 





René Magritte

Arbre-Feuille inscrit dans un rectangle
vers 1935
Etude pour "La Géante"


L'empire des Lumières, 1954

La Vie de Famille, date inconnue

Gouache sur papier collé sur carton

Signature en bas à gauche : Magritte
Dimensions : 236 x 187 mm
Origine : Legs de Mme Germaine Kieckens, Bruxelles, 1997
© Ch. Herscovici, avec son aimable autorisation c/o SABAM Belgium


___________

Provenance: Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : J. Geleyns 


COUSIN. L'arbre


   5/20 mars 2016


L'Arbre


        Un arbre devant moi.
        Frémissant, vivant comme la mer.

Contour déchiqueté.
Coulées de roches de ses branches noires.
Nuages le ceinturant de plages.

Le vent l'ondule comme des vagues et les crêtes
de ses feuilles renvoient la lumière-écume. Dans
les tempêtes passe le ressac des galets.

        Debout comme un homme
        Puissant comme la montagne
        Vivant comme une bête
        Sa sève circule avec mon sang

Squelette noir, symphonie du cuivre, odorante
fraîcheur verte, douce peau bourgeonnante, selon
les saisons.

Et son invisible chevelure souterraine accrochée
dans la terre.

Un monde là, devant moi, sculpture vivante.
Nous respirons ensemble.



Gabriel Cousin





René Magritte
Le Jockey perdu, 1942




mercredi 16 mars 2016

ARAGON. Les yeux d'Elsa


 5/20 mars 2016






Les Yeux d'Elsa

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Louis Aragon





"Le silence a le poids des larmes" 
 L. Aragon


Du surréalisme au communisme, du lyrisme au réalisme, du jaillissement libre de l'image à la maîtrise du rythme, l'œuvre - abondante - d'Aragon est placée sous le double signe de la diversité et de la fidélité. 
La permanence de ses convictions et de ses engagements politiques, le culte qu'il a voué à Elsa Triolet font de l'écrivain une sorte de figure emblématique où se superposent l'ancienne tradition courtoise et les vertus nouvelles du militantisme.

Élevé par sa mère, Marguerite Toucas, et ses tantes, Louis Aragon n'a connu qu'à l'âge adulte l'identité de son père, le député et préfet de police Louis Andrieux.

à gauche(!), photo d'Elsa Triolet

________________________________



...Le mercredi 7 novembre 1928, Louis Aragon et Elsa Triolet se réveillent pour la première fois dans les bras l'un de l'autre. Elle se pelotonne amoureusement contre lui. Il serre dans ses bras ce minuscule corps dont il a tiré tant de plaisir. Les deux amants se regardent, encore étonnés de la passion de la nuit. Voilà douze heures, ils ne se connaissaient pas. Et maintenant, ils ont fait l'amour comme des bêtes...
FRÉDÉRIC LEWINO ET GWENDOLINE DOS SANTOS vous raconteront la suite ici, clic-clic