vendredi 8 juillet 2016

Marianne COHN. Je trahirai demain, pas aujourd'hui





Je trahirai demain, pas aujourd'hui



Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.




Marianne Cohn
1943





_________________________ D'origine allemande, Marianne Cohn est née en 1922 à Mannheim. Elle était membre de la Résistance Juive, elle sauva des enfants par des placements dans des familles françaises ou par le passage vers la Suisse. Elle était membre des Eclaireurs Israélites de France (EIF).
La Gestapo de Lyon l'arrête, en mai 1944, près de la frontière suisse alors qu'elle tentait de faire de faire passer 28 enfants. Ces enfants-là seront sauvés.


Marianne Cohn a été longuement torturée. Elle est morte assassinée par les nazis, le 8 août 1944, à l'âge de 22 ans et son corps jeté dans la fosse commune, à Ville-la-Grand, dans l'Isère.

1 commentaire:

  1. Poème inouï.
    Un poing qui vous saisit à la gorge et ne vous lâche plus.

    RépondreSupprimer

Merci d'utiliser cet espace pour publier vos appréciations.