samedi 6 août 2016

KIPLING, "Tu seras un homme, mon fils"





Voici le poème de Kipling. Traduit par André Maurois, il nous donne l’opportunité de se remémorer cet écrivain prolifique, fou des femmes, biographe de talent, tombé dans l’oubli des professeurs de français ou plutôt des programmes qui leur sont imposés. Son roman le plus connu et apprécié est bien entendu Climats.



Émile Salomon Wilhelm Herzog (1885-1967) est issu d’une famille d’industriels juifs alsaciens. Il restera dans l’entreprise une dizaine d’années avant de se consacrer, à la fin de la guerre, à sa carrière littéraire. C’est d’ailleurs pendant la guerre qu’il se retrouve à Maurois, petit village sur la célèbre chaussée Brunehaut, à quelques kilomètres du Cateau-Cambrésis. Son pseudonyme est trouvé.




En haut, André Maurois, peint par Philip Alexius de László  -1934-
Le cimetière militaire du village de Maurois, dans le Nord, sur la chaussée Brenehaut.




Le célèbre poème "If-" de Rudyard Kipling (1865-1936) a été beaucoup (trop) traduit et en de fort nombreuses langues. En français, c’est la traduction de André Maurois qui est généralement donnée. Elle paraît dans Les silences du colonel Bramble (1918). Cette traduction, il convient de le souligner, est librement adaptée pour l’esprit français et ne s’attache pas beaucoup à la lettre de la poésie originale de Kipling.
D’autres traductions vinrent à la suite, plus sérieuses, plus littérales, comme celles de Germaine Bernard-Cherchevsky en 1942, Jules Castier en 1949, Hervé-Thierry Sirvent en 2003, Jean-François Bedel en 2007 ou encore Leslie Tourneville en 2009.




Tu seras un homme, mon fils

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.


Traduction d'André Maurois (1918) 


*  *   *


Ecrit en 1895 mais publié en 1910, Rudyard Kipling a dédié ce poème à son fils John, âgé de 12 ans. John fut tué lors de la 1eguerre mondiale.




If...



If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you.
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting.
Or being lied about, don't deal in lies,
Or being hated, don't give way to hating,
And yet don't look too good, nor talk too wise:

If you can dream -and not make dreams your master
If you can think -and not make thoughts your aim
If you can meet Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you've spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools.
Or watch the things you gave your life to broken,
And stoop and build'em up with worn-out tools:

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: "Hold on!"

If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings -nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute,
With sixty seconds' worth of distance run.
Yours is the Earth and everything that's in it,
And -which is more- you'll be a Man, my son!


Rudyard Kipling 
(1910)


3 commentaires:

  1. Merci, je me souviens parfaitement du jour où j'ai lu pour la première fois ce poème, j'avais douze ans... Je peux dire, que d'une certaine façon, il a été fondateur.(J'ai toujours refusé de l'apprendre pour avoir le bonheur de le redécouvrir à chaque lecture)

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  2. "If you can meet Triumph and Disaster
    And treat those two impostors just the same"

    Le style de cette phrase me rappelle Shakespeare.

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