mardi 20 décembre 2016

Emile Verhaeren. Amours rouges. Extrait






Amours Rouges 

(extrait)

(...)    
Se regardant toujours et s’attirant l’un l’autre,
Ils se sont abattus, haletants et troublés.
Et c’est alors un cri des sens, une fringale,
Un assouvissement de désirs et d’instincts,
Un combat chair à chair de gouge avec son mâle,
Des étreintes de corps à se briser les reins,
Des vautrements si fous que l’herbe en est broyée
Comme après un assaut de vents et de grêlons,
Les buissons cassés net et la terre rayée
D’un grattage lascif de pieds et de talons.
Elle sert de sa chair autant qu’elle en demande,
Sans crier, se débattre ou simuler des peurs,
Ne craignant même plus que le village entende
L’explosion d’amour qui saute de leurs cœurs.
Ils songent aux fureurs échauffantes des bêtes,
Aux printemps allumant l’ardeur dans les troupeaux,
Aux chevaux hennissants, aux vaches toujours prêtes
A se courber au joug amoureux des taureaux.
Et lui, - roi de ce corps pâmé, lui maître d’elle,
Le choisi, parmi tous, pour mener le déduit,
La voyant dans ses bras frissonner comme une aile,
Sent son orgueil de gars puissant monter en lui.
Ses assauts enfiévrés comme un choc de rafales
Traversent la fureur de leurs accouplements,
Ses spasmes ont des cris plus profonds que des râles,
Son rut bondit sur elle avec des jappements,
Il voudrait l’accabler dans une ardeur plénière,
Et lui broyer les sens sous des poids de torpeur,
Et ce débordement de lutte dernière
Devient rage à tel point que leur amour fait peur.



Emile Verhaeren
Extraits du poème AMOURS ROUGES  
Les flamandes, 1883


...La voyant dans ses bras frissonner comme une aile,
Sent son orgueil de gars puissant monter en lui...

Egon SCHIELE
L'étreinte, 1917  

...Et ce débordement de lutte dernière
Devient rage à tel point que leur amour fait peur.

Egon SCHIELE
Couple d'amants, 1914








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