vendredi 31 mars 2017

Apollinaire. Vitam impendere amori (Consacrer sa vie à l'amour)








Ce poème envoûtant d’Apollinaire a un titre controversé, on l’a traduit par « vivre empêche d’aimer » ou « dépenser sa vie en aimant », ce qui n’est pas très réussi. Les latinistes distingués se sont mis d’accord sur « consacrer sa vie à l’amour » ce qui  semble bien trouvé. D’ailleurs Apollinaire a mis toutes les chances de son côté pour que le sens reste sibyllin et que son poème se fasse mériter : absence de ponctuation, inversion de termes (« noire perfection », « s’enfuir l’entends-tu »). ..








Vitam impendere amori


L'amour est mort entre tes bras
Te souviens-tu de sa rencontre
Il est mort tu la referas
Il s'en revient à ta rencontre

Encore un printemps de passé
Je songe à ce qu'il eut de tendre
Adieu saison qui finissez
Vous nous reviendrez aussi tendre

Dans le crépuscule fané
Où plusieurs amours se bousculent
Ton souvenir gît enchaîné
Loin de nos ombres qui reculent

Ô mains qu'enchaîne la mémoire
Et brûlantes comme un bûcher
Où le dernier des phénix noire
Perfection vient se jucher

La chaîne s'use maille à maille
Ton souvenir riant de nous
S'enfuir l'entends-tu qui nous raille
Et je retombe à tes genoux


Tu n'as pas surpris mon secret
Déjà le cortège s'avance
Mais il nous reste le regret
De n'être pas de connivence

La rose flotte au fil de l'eau
Les masques ont passé par bandes
Il tremble en moi comme un grelot
Ce lourd secret que tu quémandes

Le soir tombe et dans le jardin
Elles racontent des histoires
À la nuit qui non sans dédain
Répand leurs chevelures noires

Petits enfants petits enfants
Vos ailes se sont envolées
Mais rose toi qui te défends
Perds tes odeurs inégalées

Car voici l’heure du larcin
De plumes de fleurs et de tresses
Cueillez le jet d’eau du bassin
Dont les roses sont les maîtresses

Tu descendais dans l'eau si claire
Je me noyais dans ton regard
Le soldat passe elle se penche
Se détourne et casse une branche

Tu flottes sur l'onde nocturne
La flamme est mon cœur renversé
Couleur de l'écaille du peigne
Que reflète l'eau qui te baigne

Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçon

Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Un clown est l’unique passant

Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souri

La vitre du cadre est brisée
Un air qu’on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir

Ô ma jeunesse abandonnée 
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison. 



Guillaume Apollinaire 
in  Alcools




mercredi 29 mars 2017

Authex. Le french qu'on speak




"Eh oui, les filles, on l’a vu sur les catwalks, c’est écrit partout et il y a même des magazines qui castent des tailles 44 pour faire leur cover. (... ) Mes sœurs de beurre, ne tombez pas dans cet énorme panneau qui veut nous faire croire que le must feel, cet été, c’est le Feel fat. Totally faux."

Voilà donc ce qu’on pouvait lire samedi dans un magazine (français) pour les djeuns branchés. Relevé plus loin : "Vous pourrez frimer en tiag" et  "la country botte devient city boot"


(Mais rassurez-vous ! Sur France Culture, on sert à répétition du “FRONT monétaire international”, du “Régistre” ou de “l’enrégistrement”. Quant au “déj’ner”, n’en parlons même pas.)





Pour votre gouverne, il s’agit d’un supposé engouement bien dans l’air du temps en faveur des femmes plus rondes que les cure-dents anorexiques dont Monsieur Lagerfeld, un grand humaniste, fait son ordinaire.
En ces temps de célébration de l’inculture générale, lorsque des bribes de rap et Mozart, c’est kif-kif, quand un clip de pub est trouvé plus fun (voir plus haut) qu’un film de Fellini, alors que l’on prend Christine Angot pour un écrivain (pardon une écrivaine) et que la politique n’est plus qu’une affaire de pipelette, il va de soi qu’on peut écrire n’importe comment, et que plus ce sera n’importe comment, plus ce sera cool (re-voir plus haut).

La langue de la pub et des magazines branchés n’est que la musiquette d’accompagnement d’une vision du monde où doivent triompher le show et le glam (idem). Laissons les choses barbantes aux barbons encore capables de pratiquer l’imparfait du subjonctif ! Mais qu’on ne s’y trompe, la tendance (mot branché s’il en est) n’est innocente qu’en apparence. Derrière la novlangue dans laquelle s’écrit et se parle le discours apologétique d’une société où la reine consommation, bien que se donnant les airs de se décliner sur une multitude de variantes, reste une et indivisible, c’est une société sans colonne vertébrale autre que celle que feint de lui procurer l’argent-roi qui s’avance masquée. Et tant pis si la plupart des fashion victims (idem, encore), ne sont pas capables de ressembler à Jennifer ou Angelina, ou de  quand la "country botte devient city boot" (extrait au hasard du même magazine). Il restera, pour ceux et celles qui se gavent de ce genre de presse, la solution des anti-dépresseurs et des gourous spécialisés en contemplations ombilicales. Pendant ce temps, "1984" lui-même paraît de plus en plus dépassé.


L.Authex




mardi 28 mars 2017

Joyce Mansour.






________ Joyce Mansour (1928-1986) est une poétesse juive égyptienne liées aux surréalistes, plus particulièrement à André Breton. Et, ce qui ne gâche rien, championne de course à pied!





Ses cheveux roux sentent l’océan.
Le soleil couchant se reflète sur le sable mort.
La nuit s’allonge sur son lit d’apparat
Tandis que la femme haletante tremblante
Reçoit entre ses jambes fléchies
Les derniers baisers d’un soleil mourant.







(...) Tandis que la femme haletante tremblante
Reçoit entre ses jambes fléchies
Les derniers baisers d’un soleil mourant.


lundi 27 mars 2017

Jean Tardieu – Le dilemme






Le dilemme    


J’ai vu des barreaux
Je m’y suis heurté
C’était l’esprit pur
J’ai vu des poireaux
Je les ai mangés
C’était la nature
Pas plus avancé !
Toujours des barreaux !
Toujours des poireaux.
Ah ! que je voudrais
Laisser les poireaux
Derrière les barreaux
Et partir ailleurs


Jean TARDIEU





...Et partir ailleurs













samedi 25 mars 2017

C.Angot, bientôt " nobélisée " ?





Il y a du Chateaubriand, du Hugo chez cette immense poétesse qui fait l'horreur l'honneur du roman français contemporain. Mots crus, absence de style, récit de dialogues sans intérêt; exemple :





"On faisait l’amour, on jouissait. Il me prenait dans le vagin mais par-derrière, en me demandant de serrer mes jambes et de croiser mes chevilles."

Comme Christine Angot refusait la sodomie, elle "écrit":

 "Il était un peu déçu, mais il ne se trompait pas de trou." (…) 

"Il me prenait, me mettait dos à la fenêtre, essayait de baisser mon pantalon pour introduire sa queue, en m’immobilisant contre le mur et la fenêtre. Ou alors j’étais à mon bureau, il la sortait et la mettait devant ma bouche. – Bruno non, non, je te dis. Pas maintenant. Pas comme ça. – Si. – Non Bruno, je ne veux pas. Pas comme ça. – Allez, juste un petit peu."

Christine Angot
in Le marché des amants



Joyce Mansour



________ Joyce Mansour (1928-1986) est une poétesse juive égyptienne liées aux surréalistes, plus particulièrement à André Breton. Et, ce qui ne gâche rien, championne de course à pied!











Un œuf sur le toit
Racontait ses amours
Aux seins doux et fétides
De la nuit.
Un œil de bœuf dans un trou
Hivernait incognito
Parmi les ours.
Et moi je tricotais sans laine et sans aiguilles
Les sous-vêtements de l’irréel
En attendant le Messie.





Photos de Joyce Mansour

vendredi 24 mars 2017

René Char. Le bâton de rosier, extrait






(...) Comme les larmes montent aux yeux puis naissent et se pressent, les mots font de même. Nous devons seulement les empêcher de s'écraser comme les larmes, ou de refouler au plus profond. Un lit en premier les accueille: les mots rayonnent. Un poème va bientôt se former, il pourra, par les nuits étoilées, courir le monde, ou consoler les yeux rougis. Mais pas renoncer.(...)
 



René Char
in Le bâton de rosier
Oeuvres complètes (Pléiade/Gallimard, 1983)

lundi 20 mars 2017

Youpi! C'est l'printemps (*)
















(*)  "Youpi ! C'est l'printemps" est un hommage non dissimulé à Georges Wolinski, auteur de la formule. 

samedi 18 mars 2017

Gérard de Nerval. El Desdichado






El Desdichado


Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ? ... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron ;
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.



Gérard de Nerval
Les Chimères, 1854





Albrecht Dürer
Melencolia I


1514

Burin sur cuivre, 239 × 168 mm

Musée Condé, Chantilly



vendredi 17 mars 2017

TOULET. Les poètes, gens précieux


du 4 au 19 mars 2017




Les poètes, gens précieux

Les poètes, gens précieux
Et bons à tout, sauf à se taire,
Qui croient, d’un verbe audacieux,
Moissonner l’azur spacieux,
Leur poids les attache à la terre.
Mais les fils de Bellérophon
De la nue écartant les voiles,
On doute à cet éclair que font
Leurs ailes dans le ciel profond,
Si c’est pour cueillir des étoiles.

Paul-Jean Toulet
1867-1920




Dans la mythologie grecque, Bellérophon (en grec ancien Βελλεροφῶν / Bellerophỗn) est le fils de Glaucos (ou de Poséidon, suivant les versions), roi de Corinthe et d'Eurynomé (ou Eurymédé), une mortelle. C'est aussi le petit-fils de Sisyphe. Bellérophon est « le plus grand héros et tueur de monstres, aux côtés de Cadmos et de Persée, avant la venue d’Héraclès ». Son plus grand exploit est d'avoir abattu la Chimère.


 Bellerophon et Pegase, 1888


On retrouve Bellérophon chez La Fontaine dans la fable l'Ours et l'Amateur des Jardins (livre VIII) dont voici les premiers vers :

Certain Ours montagnard, Ours à demi léché,
Confiné par le sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellérophon vivait seul et caché :
Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire
N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés :
Il est bon de parler, et meilleur de se taire,
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
Nul animal n'avait affaire
Dans les lieux que l'Ours habitait ;
Si bien que tout Ours qu'il était
Il vint à s'ennuyer de cette triste vie.
Pendant qu'il se livrait à la mélancolie,
Non loin de là certain vieillard
S'ennuyait aussi de sa part.
(...)




mardi 14 mars 2017

Saint-John PERSE









"A la question toujours posée :
"Pourquoi écrivez-vous ?" La réponse
du Poète sera toujours la plus brève :
"Pour mieux vivre."




Saint-John PERSE   




Après une enfance passée à la Guadeloupe, Alexis Saint Léger - plus connu sous le pseudonyme de Saint-John Perse - entreprend des études de droit en France. Obtenant le concours du Quai d’Orsay, il entame alors une brillante carrière de diplomate, qui le mène à Pékin. Principal collaborateur de Briand de 1925 à 1931, Secrétaire général aux Affaires Etrangères, il est désavoué par le régime de Vichy et contraint de s’exiler aux Etats-Unis. Il s’impose alors comme l’un des plus grands poètes, maniant la langue en vue de créer une respiration, un souffle particulier. Auteur d’une œuvre solaire, emplie des images et des sons de son enfance dans les îles, et conçue en louange à la Création, il obtient le Nobel de littérature en 1960, avant d’être édité à La Pléiade, véritable consécration de son génie littéraire.



dimanche 12 mars 2017

Macron accomplira Hollande ou La dernière prophétie de Nostradamour


Un article de Patrick Mandon paru le 4 mars dans le magazine Causeur et sur le site Causeur.fr, avec son aimable autorisation.


- Combien ai-je de doigts ?



Casanova s’invite

Les partisans d’Emmanuel Macron ont refermé le couvercle sur un lourd secret révélé par un document exceptionnel, provenant de la bibliothèque du château de Duchcov, en République tchèque. Jadis, cette petite ville baroque s’appelait Dux. Le comte Waldstein, châtelain, confia, par amitié, le soin de sa vaste bibliothèque à Casanova. Le brillant séducteur, alors vieilli, ruiné, fourbu, en était réduit à se remémorer ses bonnes fortunes par une formule mystérieuse, qu’il fredonnait en ritournelle dans les couloirs du château de son bienfaiteur : « Mille e tre, mille e tre ! ». On ne sut que bien plus tard ce qu’elle signifiait. Casanova lui-même connaissait-il l’existence de ce précieux document ? On peut le penser, car, dans le coffre qui le contenait, on trouva également un lot de gravures plus que polissonnes, qui avaient pour cadre la ville de Venise, et d’intrigants objets de forme oblongue de 24 cm exactement, arrondis en leurs deux extrémités, dans un bel acier lisse, qui portaient l’inscription suivante : « Quella di Giacomo era il modello per il piacere delle donne » (« Celle de Giacomo servit de modèle, pour le plaisir des femmes »). On s’interroge sur leur usage.

La longue marche

Il s’agit d’un parchemin dans un excellent état de conservation, portant la signature de Nostradamour, le fameux mage, dont la présence dans les parages est attestée en 1560 par de nombreux témoignages. En quelques lignes, il exprime une « prophétie pour France en l’an 2017 », que nous reproduisons ici, car nous y avons eu accès : « Un cavalier viendra, répondant au nom de Makron. Or, sa monture sera soustraite aux regards. Du roi Hôll-le-Navrant, si faible et méprisable, et qui l’aura précédé, procédera son avènement. Par Hôll, certes, s’accomplira cette écriture : il l’appellera à ses côtés, le fera grandir et prospérer, afin qu’il triomphe plus tard des reîtres et des bélîtres. Cet homme sera frêle et ardent, sa figure séduira les femmes et les hommes, endormira leur méfiance, éveillera leur vaillance. Sur son passage, la foule s’écartera et lui fera un cortège d’adoration. Le pouvoir lui fut donné sur la terre, pour effacer la mémoire du pays de France par l’illusion, par l’espérance, par le glaive 2.0, et par les bêtes apprivoisées du monde numérique. ».

On comprend mieux pourquoi le cercle de ses conseillers a voulu que demeurât caché ce texte prophétique. Par lui, on saisit le dessein d’Emmanuel Macron, tant de fois qualifié d’opaque ou de sibyllin. Le garçon au doux regard, dont les pas n’impriment pas le sable, accomplit une ancienne écriture. Il est roué, calculateur, et dissimulé. Il avance par le biais vers le but, que lui a réservé la prédiction de Nostradamour. Il s’est mis en marche, rien ne l’arrêtera.

- Et celle-là, tu la vois venir ?



Sa déclaration

« Je vous aime farouchement, mes amis », (Emmanuel Macron, Lyon, 4 février 2017). M. Macron a des lettres, et il possède un bel « équipement de la pensée ». En cela aussi, il se distingue de tous ses anciens collègues de gouvernement. À Lyon, Emmanuel Macron empruntait sa formule à un texte de René Char, extrait de « Fragment 128 » ( Feuillets d’Hypnos, 1943-1944, Paris, Gallimard, pp. 118-119) vrai et courageux résistant, poète célébré par les autorités, vénéré par les professeurs de morale, mais fui par quelques-uns, qui le regardent comme un écrivain abstrus et pontifiant. Le fringant Emmanuel ignorait-il que cette déclaration, d’une folle audace électoraliste, sonnait aussi comme un écho à celle, désespérée, de Michel Piccoli à Brigitte, non pas Macron mais Bardot, dans le film Le Mépris, de Jean-Luc Godard (1963). B.B. y dresse un adorable inventaire de son anatomie, qu’elle fait suivre toujours de la même question : « Est-ce que tu [les] l’aime », au pluriel ou au singulier, selon que les détails vont par paire ou par unité (mes pieds, mes genoux, mon derrière, mes fesses, mes seins, mon visage, ma bouche etc. …). Comme Piccoli répond à chaque fois par l’affirmative, BB conclut ainsi : « En somme, tu m’aimes totalement », alors, Piccoli : « Je t’aime totalement, tendrement, tragiquement. ». M. Macron nous aime-t-il tragiquement ?

Hamon, candidat de l’Élysée

À présent, tentons d’éclairer la situation préélectorale en France en l’examinant sous la lampe Macron. Le parti socialiste, hier menacé de disparaître, gardera la tête hors de l’eau, grâce à un vieux-jeune homme de l’appareil, Benoit Hamon. Après avoir promis de généraliser à l’ensemble de la population méritante le droit à un emploi fictif, il put enfiler l’habit de révolutionnaire pour militants en déroute, que des tailleurs, dans la coulisse, avaient raccommodé à la hâte. Depuis, il prépare un cocktail de campagne : quart de jeunes, tiers-état, et demi-mondains. Les socialistes français, bourgeois louis-philippards, se sont une fois de plus offert un petit frisson révolutionnaire en désignant, pour les représenter à l’élection présidentielle, un manipulateur de marionnettes verbales, bien propres à ranimer un théâtre d’ombres engourdies. La manœuvre du couple Hollande-Cambadélis a fonctionné. Voilà pour cette hypothèse, ou encore cette synthèse comme on dit au parti socialiste. Demeurait le cas de François Fillon.

Le liquidateur

Un déchaînement médiatique et juridique lui promet un avenir de pénitent, puis de réprouvé. Seul les autorités administratives connaissaient sa situation dans le détail où elle fut (et continue d’être) révélée. Ces autorités sont, principalement, le ministère de l’Économie et des finances. Toute l’affaire ne peut que profiter à Emmanuel Macron : les électeurs du champion déchu de la droite, affolés, colériques, trouveraient une consolation dans les bras du bel Emmanuel, et, en moins grand nombre, dans ceux de Marine Le Pen. Au deuxième tour, le « sursaut républicain » donnerait la victoire au « fils préféré » de François Hollande, qui saurait rappeler à son protégé les bienfaits qu’il lui doit. Le jeune Macron mènera à bien l’entreprise, que l’éternel premier secrétaire du parti socialiste aurait tant souhaité conduire, savoir la liquidation de la vieille France romaine, grecque, judéo-viennoise, catholique, apostolique et païenne, ce bijou préservé d’intelligence et d’égarement, ce pays élu qui distrait Dieu lui-même, ce signe visible de l’œuvre de l’Esprit dans la géographie.

Notre pays, épuisé, assailli, cherchait des bras pour accueillir son dernier soupir : elle les a trouvés. Le liquidateur, ce sera lui ; il a l’air aimable et la compétence des anesthésistes.
Nostradamour a dit le vrai : Macron accomplira Hollande.

Il a l’air aimable et la compétence des anesthésistes




______________
©Patrick MANDON
P.Mandon est écrivain, traducteur et éditeur

Les photos de l'illusionniste sont ajoutées par Nuageneuf

vendredi 10 mars 2017

RILKE. Eteins mes yeux - Lösch mir die Augen aus










Éteins mes yeux


Éteins mes yeux : je te verrai encore
Bouche-moi les oreilles : je t’entendrai encore
Sans pieds, je marcherai vers toi
Sans bouche, je t’invoquerai encore

Coupe-moi les bras : je te saisirai
Avec mon cœur comme avec une main
Arrache-moi le cœur et mon cerveau battra
Et si tu mets aussi le feu à mon cerveau
Je te porterai dans mon sang.



Rainer Maria Rilke
Le Livre d’images, 1899 



Lösch mir die Augen aus


Lösch mir die Augen aus: ich kann dich sehn,
wirf mir die Ohren zu: ich kann dich hören,
und ohne Füße kann ich zu dir gehn,
und ohne Mund noch kann ich dich beschwören.

Brich mir die Arme ab, ich fasse dich
mit meinem Herzen wie mit einer Hand,
halt mir das Herz zu, und mein Hirn wird schlagen,
und wirfst du in mein Hirn den Brand,
so werd ich dich auf meinem Blute tragen.


Rainer Maria Rilke
1875-1926




RILKE
Buste. Fondation Rainer Maria RILKE à SIERRE (Valais) SUISSE.