samedi 22 avril 2017

François Fillon : «Et je me permets de vous féliciter»





Les forces de l'ordre moral ne désarment pas. Alors que cette drôle de campagne présidentielle s'achevait avec la mort d'un flic, nombre de médias ont consacré, sur leur site internet, des articles circonstanciés, à quelques mots adressés par François Fillon à Léa Salamé - informer, c'est hiérarchiser, paraît-il. Il faut dire que le candidat LR cherche les ennuis. Imaginez, au cas où cela vous aurait échappé: un brin agacé de devoir répondre pour la centième fois à la même question, il a voulu adoucir son propos et, au passage, minimiser le tort de son interlocutrice, imputant son ressassement à son absence pour congé-maternité. Mais surtout, il a ajouté: «et je me permets de vous féliciter». Vous avez bien lu, elle vient d'avoir un enfant et ce mufle la félicite. Même dans l'émotion suscitée par l'attentat des Champs Élysées, un tel forfait ne pouvait rester impuni. Il s'est heureusement trouvé quelques courageux vigilants et vigilantes pour le dénoncer avec promptitude, sur les réseaux sociaux, devenus à la fois le théâtre de la surveillance et l'instance ultime de légitimation démocratique.
Quelques tweets relookés en saine colère populaire, une vidéo de dix secondes (et la pub qui va avec), un titre accusateur, une star de la télé, on remue le tout et on obtient un article qui ramène des milliers de «vues» (le graal de la presse numérique) sans se fatiguer. Une telle agitation vaut bien une dépêche AFP qui va, à son tour et accommodée à diverses sauces susciter une nouvelle flopée de papiers. Ce qui, in fine, est présenté comme la preuve indiscutable que toute la France est indignée, comme elle s'était indignée avec madame Angot. Et voilà comment à partir de rien, je vous mitonne une petite affaire. On s'en voudrait de ne pas citer l'hilarant salmigondis publié sur le site de Libé pour nous prouver, références scientifiques à l'appui, que Fillon fait preuve d'un «sexisme bienveillant». Et ça, c'est encore pire que la drague lourde du macho standard, parce qu'en plus, c'est sournois. Le type a l'air de dire une gentillesse mais c'est pour mieux te dominer mon enfant.
Parmi "celles-et-ceux" comme on dit chez Macron (et désormais, malheureusement, chez tout le monde) qui ont fait preuve d'un curieux sens des priorités, on mentionnera Laurence Haïm, ex-journaliste à Canal (celle qui pleurait pour la réélection de George Bush) et porte-parole du candidat En Marche. «Chère @leasalame je sais à quel point tu es journaliste et maman à 200%!», a-t-elle tweeté le lendemain. Perso je préfère une
gracieuseté sexiste à ce genre d'hommage nunuche mais bon. Très vite, elle est suivie par une cohorte de filles outragées qui s'étranglent parce que Fillon «a attaqué Léa Salamé sur sa grossesse». On ignore où elles sont allées chercher une attaque mais s'embarrasser avec le sens des mots, cela doit être réac. L'une se gausse d'une «allusion de gros lourdingue», l'autre pointe «le mépris et la condescendance» de Fillon pour Salamé - c'est l'impayable Laurence Rossignol.
On l'aura compris: pour nos dames-patronnesses (qui sont parfois des hommes) qui ne se fatiguent jamais de faire la police du langage et de la pensée, toute allusion à la féminité, donc à la grossesse qui en est l'un des attributs, est considérée comme une insulte. Enfin, surtout si elle vient d'un vieux mâle blanc. Ou d'un type de droite. Si la dernière gloire du rap, du cinéma ou de la mode avait complimenté Léa Salamé, tout le monde aurait trouvé cela charmant. Mais ce qui a été jugé encore plus intolérable peut-être que la bienveillance dans les propos de Fillon, c'est qu'ils contenaient une légère critique du travail d'une journaliste - ne sait-il pas que c'est interdit? Non content de laisser entendre que la propension des journalistes à être en boucle, sans doute parce qu'ils pensent que le mode «je ne lâche pas mon os» est un gage de talent, est parfois lassante, il a en outre envisagé que Léa Salamé ait pu poser une question sans intérêt, simplement parce qu'elle avait peut-être, pendant quelques semaines lâché l'affaire. Suspecter une éminente représentante d'une corporation aussi essentielle à la démocratie d'avoir pu oublier quelques instants sa haute mission de rééducation du bon peuple, c'est vraiment dégueulasse. En réalité, il est bien plus dégueulasse de souhaiter à quelqu'un, homme ou femme, d'être «journaliste à 200%»... Du reste, Léa Salamé a eu le bon goût de ne pas participer à cet ultime concert de casseroles dont on aimerait être sûr qu'il n'aura d'autre effet que de ridiculiser
ses auteurs. En vérité, le meilleur atout de François Fillon n'est peut-être pas son projet, mais la hargne de ses adversaires qui semblent en perdre tout sens commun.
On a en effet le sentiment que, jusqu'au bout, ils auront tout tenté, non pas pour le battre à la loyale, mais pour le noyer sous les ragots, insinuations et autres bidonnages ¬- l'un des derniers étant l'information parfaitement fantaisiste diffusée par Mediapart selon laquelle il n'avait pas restitué les bons costumes. Pendant des semaines, on nous a expliqué que le candidat LR était une sorte d'Al Capone de la politique. Et voilà qu'on essaie, à deux jours du vote, de le rhabiller en Trump français: en somme un voyou doublé d'un gros beauf. Sauf que l'américanisation ne vient pas par le trumpisme mais par l'extension continue du domaine du politiquement correct. De plus, ils oublient comment l'histoire s'est terminée de l'autre côté de l'Atlantique. On saura demain soir si les Français sont, eux aussi, d'humeur à dire enfin merde aux journaleux.

5 commentaires:

  1. Ce texte est extrait de quel ouvrage de poésie ?

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  2. Excellent article!

    Il fallait avoir le courage de protester ici, dans cet espace de liberté, contre la curée ignoble qui a visé Fillon.
    C'est à l'Institution judiciaire de condamner ou pas. Pas à la flicaille médiatique ! Ce principe est simple. Je m'y tiens, avec vous Nuage.

    Je le dis avec d'autant plus de conviction que, ne partageant pas les choix politiques de l’intéressé, je ne lui donnerai pas mon suffrage.
    Jacques.

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  3. Merci, Jacques, d'exprimer ici votre soutien.

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    1. Pas merci Nuageneuf de ne pas avoir répondu à ma question. :-)

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  4. C'est que le résultat est tellement malheureux que nous n'avons pas du tout l'esprit -ni le cœur - à chercher plus avant.

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