mercredi 31 mai 2017

Lettre de mon cousin ultra-marin





...Cette lettre date du mois d'avril dernier...




France Inter, radio de sévices publics





Il me faut commencer ce coup de gueule par une confidence personnelle. Là où j’habite, l’île de La Réunion, aucune radio nationale (ni France Musique, ni France Culture, ni aucune des grandes « radios commerciales ») autre que France Inter, n’est diffusée. Voilà pourquoi, si je veux échapper aux radios locales, lesquelles ne volent pas toujours très haut, je dois me résigner à me brancher de temps à autre sur la radio de « service public ».
Je dois donc accepter d’endurer – mais j’y suis par avance bien préparé – des bulletins d’information, trop souvent biaisés et tendancieux dans leur façon de sélectionner ou de présenter les événements dont ils choisissent de parler, des bulletins toujours orientés dans la même direction idéologique et dont on ne peut pas dire qu’ils soient caractérisés par un quelconque souci d’impartialité et par le plus petit effort d’ouverture en direction des diverses orientations présentes dans le champ politique.

J’évite généralement les émissions du matin, où règnent, sûrs d’eux, impérieux et souverains, M. Cohen et sa bande, lesquels, dans les différents domaines qu’ils abordent, pontifient et, sans vergogne, imposent leur propre vision des choses. Ceux-là, quand ils reçoivent des représentants du Front national (pendant longtemps ils s’en sont farouchement gardés mais il a bien fallu à la fin que, de temps en temps, ils s’y résignassent !), c’est pour les soumettre à un bombardement acharné de questions venimeuses, toujours les mêmes, inlassablement répétées, afin de leur couper systématiquement la parole et les empêcher de développer clairement et posément leurs positions devant les auditeurs, comme devrait normalement pouvoir le faire tout responsable politique reçu dans une radio. J’évite aussi les émissions se voulant de détente et affichant des prétentions comiques, celle de Nagui, en fin de matinée, et celle de Charline Vanhoenacker, en début de soirée, émissions honteusement colonisées par des humoristes gauchistes plus ou moins abjectes, voire franchement obscènes.

Sur France Inter, l’immigration n’a pas augmenté
Alors que reste-t-il d’audible, de décemment écoutable par un citoyen dans mon genre, un citoyen – je l’avoue humblement – de tendance plutôt réac ? Eh bien, les émissions de l’après-midi. Ainsi chaque fois que je le puis, j’écoute l’admirable « Marche de l’Histoire » de Jean Lebrun, une émission exemplaire pour le respect qu’y manifeste l’animateur envers l’auditeur et envers la personne invitée à échanger avec lui ; j’écoute aussi souvent « La tête au carré », une émission qui propose habituellement des aperçus très intéressants et forts instructifs sur divers aspects de l’actualité scientifique ; j’écoute parfois « Affaires sensibles », quand il advient que le sujet retenu m’intéresse, et j’écoute aussi bien sûr, quand j’en ai l’occasion, l’émission consacrée à la musique classique…

Ce long préambule un peu trop abstrait et général achevé, il est temps de nous tourner vers les faits concrets et précis qui me poussent aujourd’hui à prendre la plume, des faits qui me paraissent tout-à-fait « emblématiques » (comme on aime aujourd’hui à dire) et parfaitement révélateurs du problème. Lundi 27 mars, j’écoute « La tête au carré ». L’invité de ce jour-là, c’est Hervé Le Bras, un démographe immigrationniste, qui avec la complicité de l’animateur et à l’aide d’un discours d’allure scientifique, entreprend de nous persuader que non, il n’y a pas plus d’immigrés venant aujourd’hui s’installer en France qu’il n’y en eut par le passé, par exemple dans les années 30, et que toutes les inquiétudes qu’à ce sujet l’on entend ici ou là s’exprimer ne reposent sur rien de consistant et d’objectivement vérifiable. A écouter notre fier savant, ce ne seraient là que purs fantasmes dont les victimes ne peuvent être que des individus abusés, des personnes mal informées, intellectuellement déficientes et psychologiquement perturbées. Allons donc !



Cet ahurissant numéro d’acrobatie au cours duquel la réalité se voit allègrement escamotée (une réalité dont quiconque visite aujourd’hui les yeux ouverts nos villes et nos banlieues peut aisément faire par lui-même le constat), vise explicitement le FN et sa candidate. L’animateur, lui, laisse l’invité débiter tranquillement ses arguties les plus spécieuses et ses contrevérités les plus flagrantes sans jamais rien lui objecter. Pourquoi n’a-t-il pas songé à inviter une démographe plus sérieuse et plus honnête comme Michèle Tribalat afin que celle-ci puisse donner à son invité la réplique et contrebalancer ainsi un point-de-vue aussi scandaleusement partial et déséquilibré ? Choqué par ce que j’entends, je me dis que je m’en vais écrire au CSA pour lui faire connaître mon indignation et pour lui demander si, au nom de l’équité, des émissions aussi franchement partisanes ne devraient pas être comptabilisées au crédit ou au débit des divers candidats actuellement en compétition électorale…

Guy Bedos, invité donneur (de leçons)
Mercredi 29 mars, après le bulletin d’information de 11h, c’est l’émission de Nagui qui commence. Machinalement, dans un sain réflexe, je m’apprête à tourner le bouton mais, suspendant mon geste pour un instant, j’attends cependant d’apprendre quel va être son invité du jour. Ah, c’est l’abominable Guy Bedos ! Beurk… Alors là, d’un doigt décidé, un peu rageusement, j’éteins mon poste… Pourtant, quelques secondes plus tard, j’en viens à me raviser et me dis : « Tiens, après tout, pourquoi pour une fois ne pas l’écouter ? Cela ne pourrait-il pas être pour toi instructif d’observer jusqu’où une telle émission se permet d’aller ? » et, dans un élan d’abnégation aussi héroïque qu’exceptionnel, je décide alors de rallumer, afin de me permettre d’apprécier, « de auditu », l’étendue du désastre.



Comme prévu, ce fut affreusement éprouvant. Il y a d’abord la personnalité de Bedos, sa prévisibilité, sa phénoménale fatuité, son égocentrisme démesuré, son manque total d’humour, son incapacité à se mettre un seul instant lui-même en question. Sans cesse, il la ramène et se met en avant. Avec son très cher ami Rocard, un « frère » dont la disparition le laisse inconsolable, avec Mélenchon auquel (malgré le caractère quelque peu ombrageux du personnage), chaque fois qu’il est sollicité, il consent à accorder très généreusement son précieux appui, avec ses camarades Belmondo, Rochefort et Marielle qu’il a intimement côtoyés pendant ses études au Conservatoire, avec Brassens, Brel et Barbara qui ont tout de suite reconnu son talent naissant et ont couvé ses premiers pas sur la scène, avec Desproges dont il a su, immédiatement et le premier, détecter l’immense génie et qu’il a ensuite chaudement encouragé à poursuivre dans la voie où plus tard il s’illustrera…

Un homme insupportable, mais que tous, sur le plateau, s’ingénient à flatter d’une façon totalement indécente. Et c’est à qui se montrera à son égard le plus bassement flagorneur… On le loue et le félicite notamment pour avoir arraché à un tribunal ce que l’on devra désormais appeler « la jurisprudence Bedos », une conquête obtenue sur le front juridique dont il est particulièrement fier et pour laquelle il ne se prive pas d’afficher beaucoup de gloriole. Non, désormais, traiter publiquement sur scène comme il l’a fait Mme Morano de « grosse conne », ne constitue pas pour le juge une injure caractérisée. C’est là assurément – accordons-le lui volontiers – pour l’humanité en marche vers toujours plus de lumière et toujours plus de progrès, une avancée décisive ouvrant des voies très prometteuses !

Mais il y a aussi d’autres intervenants, des habitués apparemment, que Nagui, flanqué de sa bande pas si « originale » qu’il veut bien le proclamer, écoute avec gourmandise, en gloussant aux meilleurs moments. Un certain Daniel Morin, donne une imitation bête et méchante de Radio-Courtoisie (rebaptisée sans complexe Radio-facho). On commence par entendre la musique de « Maréchal nous voilà », puis un speaker doté d’une ridicule voix de pimbêche prend la parole et fait l’éloge de « Marie-Françoise, élue patriote frontiste qui, à 67 ans, dans un incroyable élan de chrétienté, se tire encore le lait pour le distribuer gratis aux femmes de sa commune qui, pour leur plus grand malheur, ont la mamelle sèche » avant de s’en prendre à « M. Guy Bédos, fantaisiste pamphlétaire léniniste qui depuis 50 ans salit la France de ses saillies bobos-gauchistes qui n’amusent que les traitres à la nation et les rastaquouères qui l’assiègent… » Il y en a aussi pour Ménard, pour Zemmour, pour Valeurs actuelles… et pour les pastilles Vichy (association particulièrement désopilante !) et, bien sûr, pour« Dame Marine qui bientôt sera présidente de la France »… L’humoriste, ayant fini son numéro parodique plein de finesse, reprend alors sa voix naturelle et conclut d’un ton grave : « Oui, je sais, ça fait peur… Mais, attention les amis, je vous rappelle que la menace frappe à notre porte. »

« Valeurs actuelles, le journal qu’on emporte quand on va aux chiottes »
Puis, c’est au tour d’un dénommé Pierre-Emmanuel Barré de nous livrer le résultat de ses « spirituelles » élucubrations. Qu’on en juge par cet extrait qui devrait séduire nos braves féministes : « Si ma meuf ne veut plus me sucer depuis trois semaines, je ne l’attrape pas par les cheveux pour la forcer. Hein, je me dis, c’est peut-être parce que depuis trois semaines je ne me suis pas lavé la bite. » Ou cet autre : « Nom de Dieu, on a retrouvé 10 ADN différents dans le cul de cet électeur ! Pourtant ils sont 11 candidats ? Oui, mais Mélenchon s’aimait tellement qu’il a préféré s’auto-enculer ! » Je ne me sens pas particulièrement bégueule mais je me pose sérieusement la question : peut-on considérer que ce genre de considérations parfaitement obscènes soit bien à sa place à la radio, surtout dans la journée, à une heure de grande écoute ? Qu’en pense là encore le CSA ?

Un exemple de l’impudence, mais aussi de l’inconscience de ces gens-là. On demande à M. Bedos si, afin d’éviter de se trouver contraint de côtoyer quelqu’un qui lui déplairait, il choisit soigneusement les émissions dont il décide d’accepter l’invitation. Il répond affirmativement mais ajoute aussitôt que, pour ce qui est de l’émission de Nagui, il est bien tranquille car il sait pertinemment ne pas risquer d’y rencontrer Robert Ménard. Si d’ailleurs, ajoute-t-il, une telle chose devait jamais lui arriver, il se retirerait illico. Et Nagui de le rassurer aussitôt : « Mais, mon cher, nous serions alors deux à quitter le studio ! » Qu’est-ce que trahit une telle connivence ? Quel est le postulat implicite, l’évidence sous-jacente, partagée aussi bien par l’inviteur que par l’invité, qui se révèle ainsi à nous ? Cela peut aisément se déduire : nous, c’est-à-dire Nagui, Bedos et les autres personnalités bien-pensantes, nous sommes ici chez nous, pas un Ménard ! Lui et ses semblables, on ne veut pas les voir. D’ailleurs, de fait, les voit-on ? France Inter, pour eux, c’est donc : « Les gauchistes reçoivent les gauchistes » et « Les gauchistes parlent aux gauchistes » ! L’antenne publique que l’Etat leur a confiée, ils l’ont privatisée et, sans vergogne, se la sont appropriée…

Et les auditeurs là-dedans, les citoyens ordinaires, ceux qui paient la taxe et financent la radio de leurs impôts, y sont-ils chez eux, dans cette radio publique ? Ça dépend… S’ils communient avec les valeurs généreuses, progressistes, tolérantes, fraternelles, « antifascistes », que nous prônons, oui, ils sont les bienvenus. Sinon, qu’ils aillent se faire voir ailleurs. Et s’ils se risquent malgré tout à laisser traîner ici leurs sales oreilles mal-pensantes et réactionnaires, tant pis pour eux ! Qu’ils acceptent alors docilement de se voir par nous moqués, piétinés, crachés dessus, traités de tous les noms : abrutis, étroits du bulbe, rétrogrades, coincés, grenouilles de bénitier ou fachos ! C’est tout ce qu’ils méritent.

Je n’écoute jamais l’émission de Mme Vanhoenacker, « Si tu écoutes j’annule tout », mais, à deux reprises, en voiture, j’en ai capté un bout au vol et, les deux fois, j’ai pu entendre cette dame mentionner en gloussant,« Valeurs actuelles, le journal qu’on emporte quand on va aux chiottes ». De sa part, ça a donc l’air d’être une plaisanterie récurrente, une pique jugée par elle tellement percutante, tellement spirituelle, tellement irrésistible, qu’elle la ressert à son public le plus souvent possible. Mais, moi, je regrette ; moi, je ne vois pas pourquoi je devrais tolérer que, sur la radio « nationale », l’on traite de cette façon le journal que, chaque semaine, je lis, moi, avec intérêt. Et pourquoi pas à la place, de temps en temps et pour changer, par exemple Libération, L’Obs ou Télérama ?

L’intolérance de ces gens-là, convaincus au plus profond d’eux-mêmes de leur indiscutable supériorité de droit divin sur les citoyens qui n’ont pas l’heur de penser comme eux, d’adhérer docilement à leurs détestations, de se rallier sans discuter à leurs goûts et préférences, de souscrire aveuglément à toutes leurs admirations, est vraiment sidérante. Pour eux, en effet, tous ceux-là ne sont que de vrais demeurés, d’indécrottables crétins, à qui on devrait même ôter le droit de voter, comme Bedos, ce grand démocrate, n’a pas craint de le suggérer chez Nagui !

CSA, te voilà?
Mais tout cela va plus loin que l’intolérance, plus loin que la suffisance béate et l’arrogance tranquille. Ce que bien souvent l’on perçoit à travers leurs propos, c’est plus que du simple mépris, véritablement de la haine. Une haine profonde et bien mal dissimulée. De la part de gens qui font si volontiers étalage de leur antiracisme, qui se réclament d’un humanisme sans frontières et proclament fièrement leur idéal de fraternité universelle, ce qu’ainsi ils manifestent à l’égard de ceux qu’ils appellent les « petits blancs », les « franchouillards », les « beaufs », ceux qui, excédés de voir leur cadre de vie envahi et détruit par la submersion migratoire, donnent leurs voix au Front national, c’est bien une sorte de racisme qui ne dit pas son nom !

Alors, n’y aurait-il pas, se demandera-t-on peut-être, un CSA pour contrôler tout cela, un CSA pour rappeler opportunément à l’ordre une radio qui, loin de respecter tous les Français, choisit d’en flatter certains et d’insulter les autres, un CSA pour dire de temps en temps : « Ça suffit, les gars, décidément vous allez trop loin » ? Il semble que non.

C’est pourquoi le vil mouchard, que je suis, le sycophante sans état d’âme, ne craint pas de demander poliment au CSA quelles sanctions celui-ci entend prendre à l’encontre de tous ces gens qui squattent impunément les ondes et s’y comportent comme s’ils en étaient les légitimes propriétaires. A l’encontre de tous ces gens qui, à l’aube du premier tour de la présidentielle violent aussi allègrement l’équité de traitement dont, sur les ondes nationales, devraient bénéficier tous les candidats.

Quelles sanctions, quels rappels à l’ordre sont envisagés pour ces gens débordant de mépris et de haine qui, au nom de la promotion de la fraternité et du « vivre-ensemble », n’hésitent pas à « discriminer » et « stigmatiser » gravement une part si considérable de leurs concitoyens, des concitoyens qu’à longueur d’antenne ils traitent comme des parias et des moins que rien. Obtiendrai-je une réponse ? Provoquerai-je une réaction ? Je n’en suis, hélas, pas du tout persuadé…


P.c.c ©André Pouchet

mardi 30 mai 2017

DRANCY. 30 MAI 1944. CONVOI N° 75





Drancy. 30 mai 1944. 

Rue de la Station, face à la gare du Bourget-Drancy, arrivent les autobus.

Les déportés sont entassés dans les wagons à bestiaux de la S.N.C.F.

Le convoi numéro 75 emporte vers Auschwitz 1000 personnes, dont 60 petites filles et 52 petits garçons.


Seront sélectionnés dès leur arrivée à Auschwitz 134 femmes et 239 hommes.

Seront assassinés par gazage dès leur arrivée à Auschwitz 627 personnes.

Survivront en 1945 : 35 hommes et 64 femmes.







lundi 29 mai 2017

Vincensini. Je ne suis pas si fou





Quelques jours en compagnie de Paul Vincensini...











Je ne suis pas si fou



Je ne suis pas si fou
 
De demander l’heure à mon chien
 
Mais regardez
 
Regardez donc
 
Où mettrait-il sa montre
 
Il n’a pas de poche
 
Le pauvre à son gilet 



Paul Vincensini


extrait d'une série de poèmes regroupés sous le titre ALPHABETES et NUMERALES

et dédicacée à Sylvie.

samedi 27 mai 2017

Vincensini. Toujours et jamais







***



Toujours et Jamais

Toujours et Jamais étaient toujours ensemble
Ne se quittaient jamais
On les rencontrait
Dans toutes les foires
On les voyait le soir traverser le village
Sur un tandem
Toujours guidait
Jamais pédalait
C’est du moins ce qu’on supposait
Ils avaient tous les deux une jolie casquette
L’une était noire à carreaux blancs
L’autre blanche à carreaux noirs

A cela on aurait pu les reconnaître
Mais ils passaient toujours le soir
Et avec la vitesse
Certains les soupçonnaient
Non sans raison peut être
D’échanger certains soirs leurs casquettes

Une autre particularité
Aurait dû les distinguer
L’un disait toujours bonjour
L’autre toujours bonsoir
Mais on ne sut jamais
Si c’était Toujours qui disait bonjour
Ou Jamais qui disait bonsoir
Car -entre nous- comme ils étaient toujours ensemble
Ils ne s'appelaient jamais. 



Paul Vincensini





Rare photo de Paul VINCENSINI




vendredi 26 mai 2017

Vincensini. Du VULUBUSU


Quelques jours en compagnie de Paul Vincensini...





VU-LU-BU-SU



Tout ça

C'est du déjà vu

Lu

Bu

Su

Du VULUBUSU


Paul Vincensini



Dessin de Chantal Rouquette

jeudi 25 mai 2017

Vincensini. En somme


Quelques jours en compagnie de Paul Vincensini...













En somme

 
La vie en somme
M’aura donné de tout
A satiété


Poil à gratter
Poudre à éternuer
Et d’escampette

Et la sagesse
D’aller sans cesse ailleurs
Cerner
Gratter
Creuser le vide

Le vide seul en fin de compte
N’a pas changé
Le vide seul

Aussi j’y tiens




Paul Vincensini
 

mercredi 24 mai 2017

Vincensini. La poésie



Quelques jours en compagnie de Paul Vincensini...




La poésie


La poésie ? Le temps passe. On a les cheveux gris, du cholestérol, de la barbe et des lunettes. On se console en disant qu'elle, au moins, elle n'a pas changé. Qu'elle est toujours cet enfant impossible, qui a pourtant accepté de vieillir avec nous, pour n'être pas seuls, lui et moi.

Lui et moi, pour finir, nous nous entendons bien car nous avons fait l'un et l'autre le tour de nous - moi mon cercle, lui son cerceau : superposables - et ça roule. A deux temps. Là où je dis noir, il barbouille de bleu car il tient à ses privilèges.

J'ai un peu honte de vous le dire : si vous écartez ma barbe (mais vous n'oserez pas le faire), vous apercevrez ma barboteuse. Et elle est bleue. 

Paul VINCENSINI


..."J'ai un peu honte de vous le dire : si vous écartez ma barbe (mais vous n'oserez pas le faire), vous apercevrez ma barboteuse. Et elle est bleue. "

Yves KLEIN , La Vénus d'Alexandrie (Vénus bleue) , 1962

mardi 23 mai 2017

VINCENSINI. Je n'ai jamais revu...



Quelques jours en compagnie de Paul Vincensini...




Je n'ai jamais revu


Je n'ai jamais revu cet enfant silencieux
Qui se lavait les yeux
La nuit
Dans les rivières
Je ne l'ai pas revu
Et ses amies les pierres
Ne m'ont rien dit tout bas
Il est près de la mer
Il s'est crevé les yeux
Il sort la nuit dans les clairières
Et tisse avec ses paupières
Des paniers pour les sourds  


Paul Vincensini
in Des paniers pour les sourds










EDOUARDO CHILLIDA
DEL HORIZONTE, 1956
Eloge de l'horizon

Côte de Gijon.


Les sculptures métalliques abstraites du Basque Eduardo Chillida entretiennent souvent un puissant rapport avec des phénomènes naturels, comme en témoignent ses célèbres « peignes du vent » érigés sur la côte près de San Sebastián. Le titre de cette œuvre pourrait faire allusion à ceux-ci. L’artiste s’intéressait de très près aux forces élémentaires du feu et de la chaleur qui ont donné naissance à cette sculpture. L’idée qui semble l’avoir le plus captivé ici est ce qui s’empare de l’espace et le circonscrit, l’infinie multiplicité des points de vue qui définissent la nature d’une sculpture en volume, et la distinguent d’un tableau bidimensionnel. Il s’agit dans le fond d’une sculpture sur la nature même de la sculpture, ce qui contribue à prêter à cette œuvre sa grande compacité et sa remarquable expressivité.




lundi 22 mai 2017

ROSTAND. Pyrame et Thisbé







Pyrame et Thisbé (en grec ancien Πύραμος καὶ Θίσϐη / Púramos kaì Thísbê) sont deux amants légendaires de la mythologie grecque et romaine. Leur histoire, issue de la matière orientale, est à l'intersection du mythe et du romanesque.



Mythe
Les noms de Pyrame et Thisbé sont mentionnés pour la première fois par Hygin, qui rapporte simplement leur suicide. Mais c'est Ovide qui, dans ses Métamorphoses, donne le premier leur légende : Pyrame et Thisbé sont deux jeunes Babyloniens qui habitent des maisons contiguës et s'aiment malgré l'interdiction de leurs pères. Ils projettent de se retrouver une nuit en dehors de la ville, sous un mûrier blanc. Thisbé arrive la première, mais la vue d'une lionne à la gueule ensanglantée la fait fuir ; comme son voile lui échappe, il est déchiré par la lionne qui le souille de sang. Lorsqu'il arrive, Pyrame découvre le voile et les empreintes du fauve : croyant que Thisbé en a été victime, il se suicide. Celle-ci, revenant près du mûrier, découvre le corps sans vie de son amant et préfère se donner la mort à sa suite.






« Ô vous, parents trop malheureux ! Vous, mon père, et vous qui fûtes le sien, écoutez ma dernière prière ! Ne refusez pas un même tombeau à ceux qu'un même amour, un même trépas a voulu réunir ! Et toi, arbre fatal, qui de ton ombre couvres le corps de Pyrame, et vas bientôt couvrir le mien, conserve l'empreinte de notre sang ! Porte désormais des fruits symboles de douleur et de larmes, sanglant témoignage du double sacrifice de deux amants ! »

Ovide, (trad. G. T. Villenave).

C'est de là que viendrait la couleur rouge des mûres d'après Ovide. De fait, dans la tradition latine, le terme de Pyramea arbor (« arbre de Pyrame ») était parfois utilisé pour désigner le mûrier.


Plusieurs récits de l'Antiquité tardive (Nonnos ou le roman chrétien des Recognitiones) rapportent une version sensiblement différente de celle d'Ovide. Situant la scène en Cilicie, ils montrent Thisbé se suicidant la première lorsqu'elle se découvre enceinte (par peur de ses parents), suivie par Pyrame ; les deux amants sont ensuite métamorphosés, Pyrame en fleuve et Thisbé en source. De fait, un fleuve nommé Pyrame coule en Cilicie, cette attestation toponymique semblant montrer que cette version de la légende remonte à une tradition plus ancienne et mieux établie que celle donnée par Ovide.


Évocations artistiques





La légende de Pyrame et Thisbé a inspiré de nombreuses œuvres. La plus célèbre est sans doute Roméo et Juliette de William Shakespeare (1595), qui en reprend librement l'intrigue. Shakespeare a également utilisé ce thème dans Le Songe d'une nuit d'été, où il est joué dans une version parodique pour le mariage de Thésée, duc d'Athènes, et Hippolyte, reine des Amazones.


Au XVIIe siècle, plusieurs tragédies françaises ont été composées sur le thème des amants malheureux : ainsi de Jean Puget de La Serre, Pradon, et surtout Théophile de Viau avec Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé (1621), très appréciée en son temps.


En 1897, Edmond Rostand fait dire à son Cyrano de Bergerac dans la fameuse tirade du nez (acte I, scène 4) :


Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l'harmonie ! Il en rougit, le traître ! »

En référence à l'extrait de la tirade de Thisbé lors de la mort de son amant dans la pièce de Théophile de Viau : « Ah voici le poignard qui du sang de son maître / S'est souillé lâchement. Il en rougit, le traître ! »


Elle inspira également des opéras :


Pyrame et Thisbé, tragédie lyrique en cinq actes et un prologue de François Francœur et François Rebel sur un livret de Jean-Louis Ignace de La Serre (1662-1756) représentée pour la première fois en 1726, reprise et remaniée en 1740, 1759 et 1771.
Piramo e Tisbe de Johann Adolph Hasse, représenté en 1768.
Piramo e Tisbe de Giuseppe Francesco Bianchi.
Piramo e Tisbe de Gaetano Andreozzi.
Piramo e Tisbe de Venanzio Rauzzini.
Piramo e Tisbe de Vincenzo Righini.
Piramo y Tisbe de Luis Mison.


Et des tableaux :


Pyrame et Thisbé, huile sur bois de Hans Baldung Grien, vers 1530, Berlin, Staatliche Museen ;
Pyrame et Thisbé, huile sur toile de Nicolas Poussin, 1651, Francfort, Stadel Kunstinstitut ;
Pyrame et Thisbé, tableau d'Andrea Boscoli aux Offices de Florence ;
Pyrame et Thisbé, tableau de Gregorio Pagani, Galeria degli Uffizi, Florence.
Thisbe, tableau de John William Waterhouse, 1909, coll. privée.





Thisbe
John William Waterhouse
1909, coll. privée.
Thisbé écoute Pyrame qui lui parle à travers la faille du mur