mardi 31 octobre 2017

Shoah









Yad Vashem et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah ont marqué l'aboutissement du projet de recherche des noms des victimes hongroises de la Shoah.

Au terme de près de 10 années de travail intensif, 225 000 nouveaux noms ont été retrouvés par les équipes de Yad Vashem. Aujourd'hui, plus de 80 % des victimes juives hongroises sont identifiées, soit près de 500 000 personnes.






Ce projet d'envergure a été financé par la 
Fondation pour la Mémoire de la Shoah et a bénéficié du soutien de sa première présidente, Simone Veil.


Un hommage particulier a été rendu à Mme Simone Veil au cours de la cérémonie qui s'est tenue le 26 octobre à Jérusalem.


En savoir plus (lien direct vers le site de Yad Vashem)


dimanche 29 octobre 2017

Le dimanche il n'y a pas photo

Parenthèse : Le 29 octobre 2017, c'était la Journée mondiale de l'accident vasculaire cérébral (AVC)



Combien de personnes sont atteintes par un AVC en France ?
Près de 800.000 personnes. Un quart d'entre elles ont moins de 65 ans et plus de 500.000 en gardent des séquelles. Chaque année, 140.000 nouvelles personnes sont touchées et environ 30.000 en décèdent. 85% des AVC sont dits "ischémiques" (la circulation sanguine vers ou dans le cerveau est interrompue par un vaisseau sanguin bouché) et 15% sont "hémorragiques" (la rupture d'un vaisseau sanguin provoque une hémorragie dans le cerveau).
Mais malgré les séquelles, on peut y survivre. La preuve ici.


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Cela dit, revenons au dimanche... car il n'y a pas photo

Bentley Continental GT - intérieur AVG
N.B : toutes les Bentley sont livrées de cette façon



N.B : toutes les DS ne sont pas livrées de cette façon



Austin Healey MKIII



Vivastella



à l'arrière des Jaguar



Dans le coffre des Mercedes (sinon il ne s'en vend pas)
ou (c'est pour cela qu'il s'en vend autant)

















-“The secret of success is making your vocation your vacation.” Mark Twain




à l'avant des tractions




















sur le capot de sa Ferrari Gt Lusso










































Matisse et le chien 
Photo obligeamment sélectionnée par un lecteur




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revoir les précédents dimanche il n'y a pas....

samedi 28 octobre 2017

Van Dongen et B.B.








Comme évoqué plus tôt (le 2 septembre) et repris en bas de page, une magnifique exposition consacrée à Kees Van Dongen, intitulée « Fauve, anarchiste et mondain », a eu lieu à Paris du 27 mars au 17 juillet 2011. Le Musée d’Art Moderne retraçait les années phares de ce célèbre peintre d’origine néerlandaise. L’exposition présentait environ 110 œuvres (peintures, dessins et céramiques) réalisées par l’artiste. Elle a été conçue par le musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam en collaboration avec le musée parisien.

Kees Van Dongen, de son vrai nom Cornelis Théodorus Marie van Dongen, est né le 26 janvier 1877 à Delfshaven (Pays-Bas) et décédé, à l'âge de 91 ans, le 28 mai 1968 à Monaco.    
Après des études aux Beaux-Arts de Rotterdam, il commence à peindre des matelots et des prostituées. En 1897, il séjourne pour la première fois à Paris où il présente ses œuvres et se marie. En 1905, lors du Salon d’Automne, il expose aux côtés d’Henri Matisse. Les couleurs vives de leurs œuvres seront à l’origine du nom de ce groupe de peintres : les Fauves.
A la fois anarchiste et dandy, Van Dongen peint surtout des portraits (de femmes), mais aussi des scènes de cabaret, des spectacles forains, des sujets exotiques. Il est très influencé par Degas et Toulouse-Lautrec mais aussi par ses nombreux voyages (Maroc, Espagne, Égypte). Paris reste cependant la source principale de son inspiration (Montmartre, Montparnasse et l’ambiance des Années Folles). Il est très rapidement introduit dans la haute société des années 1920-1930 ; il devient alors le portraitiste du Tout-Paris et « croquera » notamment Arletty, Sacha Guitry, Maurice Chevalier et… Brigitte Bardot. Et bon nombre de célébrités de l’époque, oubliées aujourd’hui… Il obtiendra la nationalité française en 1928.

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La rencontre avec Brigitte Bardot est plutôt marrante - ou plutôt les deux rencontres, car Van Dongen fera deux portraits d’elle à quelques années d’intervalle.
Mais laissons la toute jeune Brigitte nous raconter elle-même cette première rencontre en 1954…

« Puisqu’il fallait bien s’occuper à quelque chose entre deux films minables, j’acceptai pour un reportage télévisé d’aller déjeuner chez Maurice Chevalier à Marnes-la-Coquette et de poser pour le peintre Van Dongen. J’étais une inconnue, ils étaient deux monstres sacrés ! Van Dongen, qui m’impressionnait à mourir, fit un extraordinaire portrait de moi. La télé filmait la progression de l’œuvre, et me filmait par la même occasion…
Impossible d’acheter ce chef-d’œuvre, je n’avais pas un sou. J’en crevais de rage. Je fis en vain du charme à Van Dongen qui préférait les billets de banque aux sourires. Tant pis ! Ce portrait est maintenant dans le dictionnaire Larousse et passe pour l’un des chefs-d’œuvre du Maître.
Par la suite, j’ai recherché le tableau, qui avait été vendu à un Américain… Revenu en France, on m’a proposé de l’acheter en 1970 ; il valait alors 270 000 Francs et j’avais l’impression de voir un plat d’épinards avec du jambon… ».  

in Initiales B.B
Éditions Grasset, 1996

De son côté, le peintre en voyant arriver Brigitte, s’écrie sans aucun ménagement : « C'est tout ce que vous m'avez trouvé comme modèle pour représenter la parisienne ? C'est tout sauf ça ! Je ne suis pas un peintre animalier, je ne peins pas les pékinois ! ». Mais comme le précise Brigitte, il aimait l’argent et il s’était engagé. Il fit donc le portrait en déclarant que c’était « le plus mauvais de toute sa carrière ! ».
Mais deux ans plus tard, la jeune starlette deviendra une star mondiale avec le film Et Dieu... créa la femme. Alors, comme par miracle, Van Dongen n’hésitera pas à clamer que ce portrait est son favori et l’un de ses chefs-d’œuvre !

Ce premier portrait fera la couverture du célèbre magazine américain Life (28 mars 1960).

La deuxième rencontre a été organisée par l'hebdomadaire Paris Match. Elle a eu lieu le 12 septembre 1959, et Van Dongen a reçu Brigitte dans son atelier parisien, rue de Courcelles. Le résultat (on ne sait pas pourquoi...) est intitulé « B.B. aux yeux d’autruche » ! Dans ses Mémoires, Brigitte n’a pas évoqué cette ultime rencontre. Mais quand on voit la tête qu’elle fait en découvrant le travail d’ébauche du Maître, on comprend qu’elle a préféré s’abstenir de tout commentaire…




On observera la moue dubitative de Brigitte en découvrant l’œuvre ci-dessous…
BB aux yeux d’autruche , 1959



La première rencontre avec Van Dongen chez Maurice Chevalier en 1954.
La première rencontre avec Van Dongen chez Maurice Chevalier en 1954.


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Reprise du précédent article




Kees Van Dongen, de son vrai nom Cornelis Théodorus Marie van Dongen est un peintre néerlandais. Il est né le 26 janvier 1877 à Delfshaven, dans la banlieue de Rotterdam (Pays-Bas). Il mourut, à l'âge de 91 ans, le 28 mai 1968 à Monaco.




Baigneuses à Deauville, 1920




Femme sur un sofa, 1930




Parisienne




Marchandes d'herbes, 1910




La commode, 1912




La châle espagnol, 1913




La dame au chapeau noir, 1908




Le coquelicot ou graine de pavot, 1919









Tour d'horizon des toiles, l'expo de 2011







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(Ci-dessous un brillant article de P.Mandon à l'occasion de l'expo du Musée d'Arts Moderne de Paris en 2011)

La luxure d’un fauve

Kees Van Dongen, le demi-mondain
Après des années de purgatoire, le temps de Van Dongen est venu. Il faut dire que sa biographie comporte quelques épisodes mauvais genre, comme sa grande rétrospective à la Galerie Charpentier, en 1942, où l’on vit Mme Otto Abetz, vêtue, à son habitude, sans sobriété. Surtout, il fut du « maudit voyage» en compagnie du sculpteur Despiau, mais aussi de Vlaminck et de Derain, avec lesquels il s’était lié d’amitié, trente ans auparavant, à la fameuse Revue blanche, où l’avait introduit Félix Fénéon (1).  À Berlin, dans l’atelier d’Arno Breker, les trois compères, que les nazis auraient fort bien pu ranger parmi les représentants de l’art « dégénéré », feignirent d’admirer les gigantesques athlètes néo-grecs de ce Michel-Ange pour Reich crapuleux. À la Libération, Van Dongen paya cher ce déplacement déplacé.

Cela dit, Van Dongen ne fut pas seulement un homme comme les autres, mais un artiste unique et novateur. Il est temps d’oublier le premier pour célébrer le second.

Il se disait nul en tout, excepté dans l’art de peindre. D’ailleurs, il préférait parler de vice plutôt que de vocation. Né dans une famille de la petite bourgeoisie, en 1877, à Delfshaven, une bourgade hollandaise située au bord de la Meuse, entre Delft et Rotterdam, sans diplôme ni qualification, il n’aime que Rembrandt. Bien plus tard, se proclamant sans dieu ni maître, il prétendra n’avoir jamais pris de leçon et ne se reconnaîtra qu’un don, celui de la caricature. À la vérité, il s’inscrivit à l’Académie royale de dessin. Étudiant, il traîne dans les quartiers mal famés de Rotterdam où les marins serrent d’un peu près le corps las des dames rompues aux servitudes. Il arrive à Paris, pour la première fois, sans un sou en poche, le 12 juillet 1897. Le 14, il danse dans les rues. Les journées sont ensoleillées, les nuits douces ; il dort sur les « fortifs ».

Son séjour ne devait pas excéder trois jours : il repartira en Hollande un an plus tard. Pour quelques francs, il croque les enfants et leurs mères dans les squares. Aller-retour en Hollande, puis installation définitive à Paris : il s’enivre de cette ville absolue, traîne près des baraques de foire, découvre des formes, des lumières, des êtres insouciants, gais, quoique misérables. Il s’installe dans le « maquis » (c’était alors la campagne) de Montmartre. Au Bateau-lavoir, une bâtisse en planches peuplée de peintres et de clochards, il rencontre Picasso et toute la bohème : « C’est ici que j’ai appris à vivre. » Grand, mince, blond, beau gosse, affamé, il se glisse dans la coulisse du plaisir, se faufile dans les rangs des citoyens interlopes. Il observe, il se souvient, il peint. Il a laissé derrière lui l’austérité protestante de la Hollande pour se jeter dans la fête parisienne : « Van Dongen avait besoin de Paris », écrit André Siegfried.

On le connaît, puis on le reconnaît ; l’époque est favorable aux nouveaux talents. Il entre chez les Bernheim-jeunes : le voilà « lancé ». Peintre de la mondanité, certes, mais son trait audacieux, sa patte insolente rompent avec la tradition du portrait flatteur : « Mes clientes n’étaient pas toujours satisfaites du résultat. » Il peint les belles épouses des hommes riches, les noceurs, les artistes, les clowns, les lutteuses, et même Anatole France, suscitant l’effroi des lecteurs de ce dernier, qui jugent ses traits vieillis et sa silhouette rabougrie attentatoires à la dignité de l’écrivain.

Il peint comme il désire, il peint parce qu’il désire ; ses aplats violents, sa palette primitive font surgir l’énergie sensuelle. Comme saisi par sa fureur fauve, rehaussé de ses éclats expressionnistes, le corps féminin s’offre sans pudeur.

La Parisienne de Van Dongen n’est-elle pas l’héritière de celle de François Boucher qui, sous Louis XV, en imagina le modèle ? De l’une à l’autre, plus d’un siècle d’offrande charnelle, de péché souriant et pardonné, plus d’un siècle de fièvre, de postures aimables, joliment provocantes, de tendres pièges tendus et déjoués, de comédie des sentiments, d’enlacements perdus et toujours recommencés, plus d’un siècle d’exercice du plaisir définitivement français. Innocente des crimes passés, ignorante des crimes à venir, elle confie le soin de son allure, de son rythme, en un mot de sa métamorphose, à la peinture, à la poésie, à la musique. Sous la lumière d’une lampe, elle attend l’amour, en devance les caresses, en mime les contorsions, anticipe ses joies. Elle a le ventre rond, les cuisses pleines, les seins fermes, les yeux fardés de noir intense ; son corps est chargé d’électricité, d’« érotricité ».

La « manière » de Van Dongen se fonde sur l’affolante vigueur de la vie : elle en suggère, dans une vision presque foraine, l’éblouissant scandale.




(1)En novembre 1941, la propagande culturelle allemande organise un « voyage d’études » destiné aux artistes des beaux-arts (il y en eut également pour les comédiens, pour les écrivains). La délégation française compte des noms prestigieux : Paul Landowski pour la musique, Othon Friesz, Charles Despiau, Henri Bouchard, Paul Belmondo pour la sculpture, Kees Van Dongen, Maurice de Vlaminck, André Derain, pour la peinture. Les Français firent halte dans plusieurs villes avant de gagner Berlin, où les attendait Arno Breker, le sculpteur du régime. Il ne s’agissait nullement d’artistes ratés, qui auraient pu voir dans la Collaboration le moyen de gagner une reconnaissance. Au final, ils furent les dupes d’une opération dont ils ne comprirent pas la finalité.



« Van Dongen, fauve, anarchiste et mondain », Musée d’art moderne de la Ville de Paris,
11, avenue du Président Wilson, Paris 16e. Du vendredi 25 mars au dimanche 17 juillet 2011.


 © Patrick Mandon. Avec son aimable autorisation. Qu'il soit ici chaleureusement remercié.






vendredi 27 octobre 2017

Macron




Taxe sur les dividendes : autopsie d'un «scandale d'État» à 10 milliards



[nous confortons notre communication du 13 octobre 2017]




Ce prélèvement sur les grandes entreprises institué en juillet 2012 par François Hollande a été censuré en octobre par le Conseil constitutionnel. La facture, bien plus élevée que prévu, pourrait contrarier le retour du déficit sous les 3 %. Si la responsabilité de l'ancien exécutif est évidente, les coupables sont nombreux.




«Se préparer au pire, espérer le meilleur, prendre ce qui vient.» Dans l'affaire de la taxe à 3 % sur les dividendes, qui va coûter 10 milliards d'euros aux Français, l'État est resté imperméable à la sagesse de Confucius. Il a espéré le meilleur et pris ce qui venait sans se préparer au pire. La «contribution de 3 % sur les montants distribués», créée en juillet 2012 par François Hollande en pleine croisade contre son ennemie «la finance», visait à pénaliser les entreprises qui n'utilisent pas leurs profits pour investir, mais pour rémunérer leurs actionnaires. Après plus de trois ans de contentieux juridiques, cette taxe - créée pour financer un autre contentieux fiscal - a été censurée le 6 octobre en totalité par le Conseil constitutionnel. L'arme fiscale s'est retournée contre son maladroit créateur… La moitié de l'ardoise, soit 5 milliards, retournera dans les caisses des 13 plus grands groupes contributeurs, augmentée des intérêts moratoires, sorte de pénalités s'appliquant à l'État. D'après nos informations, le premier d'entre eux réclamerait quelque 600 millions à lui seul.
Le ministre Le Maire (!) tacle aujourd'hui «l'amateurisme» des socialistes qui ont provoqué ce«scandale d'État» et demande à l'Inspection générale des finances de rechercher les coupables… et ce, en guise de contre-feu, au moment même où la gauche mitraille l'exécutif sur un «budget 2018 pour les riches» avec la suppression partielle de l'ISF. Au banc des accusés, le ministre du Budget d'alors, Jérôme Cahuzac, celui de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici - aujourd'hui commissaire européen à l'Économie - et le député Christian Eckert. Ce dernier, retiré de la vie politique depuis juin, fait figure de coupable idéal. D'abord en tant que rapporteur du budget à l'Assemblée en 2012, lorsque la taxe a été créée. Ensuite en tant que secrétaire d'État au Budget d'avril 2014 à mai 2017. Mais comme toutes les grandes catastrophes, un homme seul n'a pas mené l'État au désastre. C'est l'addition de nombreuses négligences, couplée à une pincée de malchance et à l'habileté procédurale d'avocats fiscalistes qui a débouché sur la censure constitutionnelle la plus coûteuse de l'histoire.

Le gouvernement ne peut plus nier

Sur le fond, le dossier est horriblement technique. Christian Eckert a beau jeu de se défendre en prétendant que le sort mouvementé de la taxe était «inenvisageable» il y a cinq ans. Ni le Conseil d'État, ni les administrations de Bercy, ni l'Élysée - où officiait alors un certain Emmanuel Macron, comme secrétaire général adjoint en charge de l'économie - ne relève alors le risque qui a mené cette taxe à sa perte, argue-t-il aujourd'hui. «Nos conseils nous avaient prévenus que le dispositif était fragile», charge-t-on pourtant du côté du patronat. «Les employeurs avaient brandi une incompatibilité avec les textes européens, contre laquelle nous nous étions d'ailleurs prémunis, mais ils n'avaient pas soulevé l'argument qui sera utilisé pour censurer la taxe», répond un des artisans de la contribution fatale. Mais comme dans toute tragédie, la fin était cependant prévisible. En effet, un avocat fiscaliste, Philippe Derouin, «le meilleur de la place de Paris», dit-on, avait pourtant prédit dès juillet 2012 comment la taxe tomberait sous les coups de la justice européenne et du Conseil constitutionnel. Quatre jours après le vote du dispositif, cette Cassandre propose une tribune à un grand quotidien économique. À cause d'un amendement soufflé à Christian Eckert par Bercy qui élargit la portée de la taxe, le dispositif risque de taxer des profits qui l'ont déjà été dans d'autres pays de l'Union, y explique-t-il en substance. Or c'est illégal. Trop technique, sa tribune ne sera pas publiée. L'avocat développe à l'automne son argumentaire dans un article de la Revue de droit fiscal. En vain. «Très argumenté, le texte de Derouin a dû alerter les autorités qui n'en ont pas pour autant modifié leur texte», juge aujourd'hui Nicolas Jacquot, avocat associé chez Arsène Taxand, en pointe sur ce dossier depuis 2015. Résultat, le gouvernement Ayrault laisse les choses en l'état.





«Pardonnez-moi d'être quelque peu elliptique, mais sachez que la France n'est pas en conformité avec le droit européen»





Christian Eckert, devenu secrétaire d'État au Budget en novembre 2015

Pendant près de trois ans, l'exécutif socialiste peut se féliciter de ne pas s'être inquiété. La taxe rapporte plus que prévu (1,8 milliard de recettes par an, contre 800 millions attendus) et provoque peu de remous. Jusqu'à ce que Bruxelles engage, au printemps 2015, une procédure en manquement à l'encontre de la France. À cette époque, quelques plaintes ont été déposées par des entreprises, pour un risque estimé en septembre 2015 par Bercy à 340 millions. Mais le gouvernement ne peut plus nier le problème. D'ailleurs, Christian Eckert, entre-temps promu secrétaire d'État au Budget, le reconnaît benoîtement le 23 novembre 2015 devant les sénateurs. «Pardonnez-moi d'être quelque peu elliptique, mais sachez que la France n'est pas en conformité avec le droit européen», avoue-t-il alors. Ce n'est pas pour autant que l'exécutif réagit. «Voilà une nouvelle illustration malheureuse d'un gouvernement qui cherche à pousser la poussière sous le tapis pour le suivant, regrette un ancien cadre de Bercy. »
Avec le recul, c'est le dernier moment où le pouvoir aurait pu éviter la catastrophe, mais «la machine était partie pour exploser», résume aujourd'hui Philippe Derouin. Confortées par les interrogations de la Commission, les entreprises multiplient les recours. En juin 2016, les 20 plus grands groupes français - ils n'avaient pas souhaité réagir avant, de peur de voir la taxe remplacée par un autre prélèvement plus douloureux - prennent le train en marche et passent à l'attaque par le biais de la discrète Association française des entreprises privées (Afep), qui fédère les 110 plus grandes entreprises tricolores.
Les décisions de justice se succèdent alors, parfois prévisibles, parfois moins attendues. Toutes contribuent à donner des armes aux opposants. En février 2016, le Conseil constitutionnel interdit de facto la «discrimination à rebours». Et pour cause. «L'idée que les groupes français puissent se plaindre d'une discrimination en faveur de groupes étrangers, comme c'était le cas pour la taxe à 3 %, n'était pas une idée répandue», justifie Martin Collet, professeur de droit public et spécialiste des finances publiques à l'université Paris-II Panthéon-Assas. Puis, à l'automne, le rapporteur général de la Cour européenne de justice tacle une taxe belge similaire. «On pouvait dès lors anticiper la décision de la Cour, qu'elle rendra en mai 2017», estime Stéphane Austry, associé chez CMS Bureau Francis Lefebvre, qui a, avec Gauthier Blanluet, associé chez Sullivan & Cromwell, porté l'affaire pour l'Afep.
Las, le gouvernement Valls se contente de modifier à l'automne 2016 la taxe à la marge. Les élections sont si proches, les sondages si mauvais pour les socialistes et le projet de budget 2017, examiné par les députés, n'en est plus à une imperfection près! La bombe, taxée aujourd'hui de «scandale d'État» par Bruno Le Maire, tiendra bien jusqu'aux successeurs. Reste que Bercy provisionne fin 2016 discrètement 4,9 milliards d'euros dans les comptes de l'État. En mars 2017, la facture grimpe à 5,5 milliards, 5500  entreprises ayant alors fait des réclamations.
Une semaine et demie après l'élection d'Emmanuel Macron, le 17 mai, la Cour européenne de justice censure une grande partie de la taxe et c'est au nouveau président de traiter le problème. Dans la foulée, les avocats des entreprises posent une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur laquelle le Conseil d'État suggère le 7 juillet au Conseil constitutionnel de rendre une censure très large. «Les conclusions du rapporteur public posent clairement les termes du débat et le ministère des Finances aurait pu en tenir compte», analyse Nicolas Jacquot, qui avait porté l'affaire devant le Conseil constitutionnel.

Bercy espérait gagner du temps

Péché d'optimisme, négligence coupable ou manque de réactivité, le gouvernement Philippe ne modifie pas son projet de budget pour 2018. Le gouvernement ne prévoit de mettre de côté que 300 millions d'euros pour 2018, puis 1,8 milliard les trois années suivantes. «On espérait qu'une catégorie de revenus redistribués par les entreprises, à savoir les profits opérationnels, ne serait pas visée par le Conseil constitutionnel», explique-t-on à Bercy. Un avis qui aurait permis à l'administration de gagner du temps en réclamant aux entreprises de multiples justificatifs avant de les rembourser. Mais nul ne devine à ce moment-là que la décision des Sages du 6 octobre sera aussi radicale. Elle ira même au-delà des espérances des avocats. «L'étendue de la décision faisait partie des hypothèses envisageables, analyse cependant Stéphane Austry. Le fait que les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité n'aient pas été limités aux affaires en cours, laissant la possibilité à des entreprises qui ne l'avaient pas encore fait de déposer des recours, était plus inattendu.»
Au lendemain de la décision, Bercy compte pour 7,4 milliards d'euros de réclamations et table sur 1 milliard de plus non encore réclamé. En ajoutant les intérêts moratoires, la facture grimpe à 10 milliards, soit exactement ce que la taxe sur les dividendes aura généré en recette fiscale durant les cinq années de sa vie si…
Pcc : G. Guichard