mercredi 31 janvier 2018

Baudelaire. Le galant tireur







Le galant tireur



     Comme la voiture traversait le bois, il la fit arrêter dans le voisinage d'un tir, disant qu'il lui serait agréable de tirer quelques balles pour tuer le Temps. Tuer ce monstre-là, n'est-ce pas l'occupation la plus ordinaire et la plus légitime de chacun? -- Et il offrit galamment la main à sa chère, délicieuse et exécrable femme, à cette mystérieuse femme à laquelle il doit tant de plaisirs, tant de douleurs, et peut-être aussi une grande partie de son génie.
     Plusieurs balles frappèrent loin du but proposé; l'une d'elles s'enfonça même dans le plafond; et comme la charmante créature riait follement, se moquant de la maladresse de son époux, celui-ci se tourna brusquement vers elle, et lui dit: "Observez cette poupée, là-bas, à droite, qui porte le nez en l'air et qui a la mine si hautaine. Eh bien! cher ange, je me figure que c'est vous." Et il ferma les yeux et il lâcha la détente. La poupée fut nettement décapitée.
     Alors s'inclinant vers sa chère, sa délicieuse, son exécrable femme, son inévitable et impitoyable Muse, et lui baisant respectueusement la main, il ajouta: "Ah! mon cher ange, combien je vous remercie de mon adresse!"



Charles Baudelaire

In Petits poèmes en prose
XLIII

_____________

A propos du poème

Refusé en 1865 par la Revue nationale et étrangère, "Le galant Tireur" fut édité pour la première fois dans Les Œuvres complètes de Baudelaire chez Michel Lévy (1869). On trouve une esquisse de ce texte dans les pages de Fusées (La Pléiade, pp. 1198-1199):
"Un homme va au tir au pistolet, accompagné de sa femme.  /- Il ajuste une poupée, et dit à sa femme: Je me figure que c'est toi. - Il ferme les yeux et abat la poupée./ - Puis il dit, en baisant la main de sa compagne: cher ange, que je te remercie de mon adresse!"(1)
L'action est ici réduite à l'essentiel et Baudelaire a visiblement conçu son poème à partir de sa chute pour que l'esprit du lecteur soit impressionné par la froideur sadique du personnage masculin.


mardi 30 janvier 2018

Norge. La faune







La Faune



    Et toi, que manges-tu, grouillant ?

— Je mange le velu qui digère le pulpeux qui ronge le rampant.



    Et toi, rampant, que manges-tu ?

— Je dévore le trottinant qui bâfre l’ailé qui croque le flottant.



    Et toi, flottant, que manges-tu ?

— J’engloutis le vulveux qui suce le ventru qui mâche le sautillant.



    Et toi sautillant que manges-tu ?

— Je happe le gazouillant qui gobe le bigarré qui égorge le galopant.



    Est-il bon, chers mangeurs, est-il bon le goût du sang ?

— Doux, doux ! tu ne sauras jamais comme il est doux, herbivore !





Norge
In Les râpes











...Est-il bon, chers mangeurs, est-il bon le goût du sang ?...

Rembrandt
Le boeuf écorché.









Soutine
Etude sur Le boeuf écorché de Rembrandt





_______________________



Peintre français d'origine russe issu d'une famille juive, Chaïm Soutine fréquenta l'Académie de Vilnius, de 1910 à 1913, après avoir péniblement surmonté l'opposition de sa famille et de la communauté juive. En 1913, il se rendit à Paris où il participa à l'atelier du peintre Fernand Cormon à l'Académie des Beaux-Arts. Mais ce furent surtout les oeuvres conservées au Musée du Louvre qui attirèrent Soutine : il put notamment y admirer Rembrandt, Goya et Courbet. En 1915, l'artiste fit la rencontre de Modigliani, avec lequel il tissa une solide amitié qui lui permit de s'insérer dans le monde artistique parisien.





lundi 29 janvier 2018

Jacques DERRIDA. Archive et brouillon, extrait







Le désir de garder est aussi inséparable du désir de détruire. C'est que garder, c'est perdre. Si pour garder la trace de ce qui se passe maintenant, je prends une note pour ne pas l'oublier, je l'inscris sur du papier, et je la mets dans ma poche. Si ça s'arrête là ça veut dire que je perds, que j'expose le papier à sa perte. Pour garder, il faut que j'expose à la perte. Cette exposition à la perte, c'est un geste double dont la dualité est irréductible. Vouloir garder en mémoire, c'est exposer à l'oubli. C'est ce que j'appelle "le mal d'archive". Il y a la souffrance liée à l'archive et le désir d'archive. C'est le désir d'archive qui traverse cette expérience de la destructibilité radicale de l'archive. 

Si on était sûr que la destructibilité de l'archive était accidentelle, et que dans certains cas, il peut y avoir un accident mais que tout peut être gardé en principe, il n'y aurait ni besoin d'archive, ni souci d'archive. S'il y a un souci et une souffrance de l'archive, c'est parce qu'on sait que tout peut être détruit sans restes. Non seulement sans trace de ce qui a été, mais sans mémoire de la trace, sans le nom de la trace. Et c'est ce qui est à la fois la menace de l'archive et la chance de l'archive. L'archive doit être dehors, exposé au dehors.



Jacques Derrida.
"Archive et brouillon" 
In Pourquoi la critique génétique? 
1998

Jacques Derrida, 1930 -2004, est un philosophe français.




Berlin, Mémorial de l'Holocauste.
Inauguré en 2005, le Mémorial est situé dans le centre historique de Berlin, à deux pas de la Porte de Brandebourg et face à l'ambassade des Etats-Unis. Conçu par Peter Eisenman, architecte américain, il aligne 2711 stèles de béton gris anthracite, toutes identiques en longueur et largeur, seules les hauteurs diffèrent.

dimanche 28 janvier 2018

Le dimanche il n'y a pas photo







































































Le dos

Tout s'y lit l'or bleu du désir l'eau qui dort sousLe sable des caresses attendues le frisson du réveilComme une vague ramène le matin sur la peauOn voudrait s'y étendre y mourir à son tourEt la fine rainure qu'on suit avec le pouceDe la nuque aux reins comme un poème vertébréPartage l'est du sommeil et l'ouest des plaisirsQuand il est l'heure de lire le menu de la nuit avecLes doigts 

Alain Duault
In Nudités
2004












































les G.A.M.B.
Grace, Audrey, Marilyn et Brigitte




Grace















Audrey


















Marilyn



















Brigitte


















- ???...



















samedi 27 janvier 2018

Auschwitz





Journée de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanitéDans toute la France


27 janvier 1945 —  27 janvier 2018

73e anniversaire de la libération d'Auschwitz-Birkenhau 




        




Chaque année, le 27 janvier, l’UNESCO rend hommage à la mémoire des victimes de l'Holocauste et réaffirme son engagement contre l'antisémitisme, le racisme et toutes les autres formes d'intolérance qui peuvent conduire à une violence collective ciblée. Le 27 janvier est la date anniversaire de la libération du camp de concentration et d'extermination allemand nazi d'Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques en 1945. Cette date a été officiellement choisie comme Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste par l'Assemblée générale des Nations Unies. Cette année, la Journée internationale est placée sous le thème “Éduquer pour un avenir meilleur : le rôle des sites historiques et des musées dans l'enseignement de l'Holocauste”.

Au-delà de leur fonction initiale de porter témoignage des crimes commis, les sites de mémoire jouent un rôle éducatif essentiel sur le génocide du peuple juif et les autres crimes perpétrés par le régime nazi et par ses collaborateurs. Les sites de mémoire combinent les fonctions d'éducation, de centres culturels et de recherche ainsi que de musées. Ils assurent le renforcement des capacités des enseignants, produisent des ressources éducatives et, en partie grâce à l'expérience d'apprentissage particulière qu'ils procurent, constituent de véritables laboratoires en matière d’innovation pédagogique. Cette Journée internationale met en lumière leur rôle indispensable et examine la façon dont les mémoriaux et les musées traitent des problèmes contemporains avec les jeunes, les aidant à faire sens du passé pour mieux être actifs dans les sociétés d'aujourd'hui.

Tous les chemins mènent à Auschwitz




      

 Tous les chemins mènent à Auschwitz