vendredi 12 janvier 2018

Jean d'Ormesson. Et moi, je vis toujours








Et moi, je vis toujours
 de Jean d'Ormesson mort le 5 décembre 2017, est sorti jeudi 11 janvier en librairie. Ce livre "est une fête en larmes", a déclaré sur franceinfo jeudi Héloïse d’Ormesson, fondatrice des Editions Héloïse d’Ormesson et fille de l'écrivain. Elle a aussi indiqué qu'il y aura "probablement" un autre livre de son père "à la fin de l'année".





franceinfo : Est-ce difficile d'éditer le roman posthume de son père ?
Héloïse d’Ormesson : C'est particulier, évidemment, l'intensité est démultipliée, mais c'est la même chose pour tous ses lecteurs. C'est extraordinaire ! C'est tout à fait à son image. C'est un cadeau qu'il nous fait. On a vraiment l'impression qu'il nous écrit d'ailleurs. Avec ce titre absolument étonnant qui, quand on lit le livre, a une double entente. C'est le clin d'œil de Jean d'Ormesson. Ça lui ressemble tellement ! Encore aujourd'hui, il y a une surprise. Ce livre est une fête en larmes.
Est-ce lui qui a choisi le titre ?
C'est tout à fait lui. Il a hésité sur le titre. Il envisageait d'appeler ce livre "Histoire", parce que c'est le sujet du livre. C'est un personnage qui tour à tour est empereur, fauconnier, courtisane, homme, femme, puissant, modeste, mais qui parcourt toute l'histoire de l'humanité. Il hésitait avec "Et moi, je vis toujours" qui est un extrait du Juif errant. Pour mieux comprendre le titre, à l'époque où il l'a choisi, il faut relire cet extrait de la balade : "Oui, c'est moi, mes enfants, Qui suis le Juif errant, Chacun meurt à son tour, Et moi, je vis toujours !" C'était dans ce sens-là qu'il avait choisi ce titre, mais moi je ne peux pas croire qu'il ne se disait pas quelque part que, peut-être, on pourrait l'entendre avec un double sens.
Jean d'Ormesson écrit : "Tout passe, tout finit, tout disparaît, et moi qui m'imaginais devoir vivre toujours qu'est-ce que je deviens ? Il n'est pas impossible que je sois une espèce de cheval fou, sans dieu, ni maître, livré aux caprices du hasard et qui galope vers je ne sais quoi. Disons les choses d'un mot, il n'est pas impossible que je n'ai pas le moindre sens." Qu'en pensez-vous ?
C'est tout lui ! A la fois, il vous embarque dans cette extraordinaire promenade où il parle de l'immense de l'Histoire et du minuscule, où il parle d'empereur et de personnages modestes. Et puis, il y a sa voix, sa malice, son sourire qui frise à travers tout le livre.
Pouvez-vous nous dire à quoi ont ressemblé ses derniers jours ?
Il est resté intact, lui-même, toujours avec cette érudition souriante, cette extraordinaire jubilation intellectuelle, cet humour qui ne le quittait jamais et ce sourire. Sourire à la vie, c'est une forme de courtoisie. Je pense que ce livre réconciliera, comme tous les autres, les lecteurs avec la vie parce que c'est une célébration de la vie et, bien sûr, de l'Histoire.
Vous imaginiez que sa mort allait provoquer une telle émotion ?
Non, c'est inimaginable, mais je crois que chacun à son Jean d'Ormesson. Il y a beaucoup de gens qui l'adorent, qui savent que c'est un écrivain, mais qui ne l'avaient jamais lu. Il avait vécu un siècle, avait une culture du XVIIIe, mais qui était complètement adaptée à l'époque contemporaine. Une érudition complétement accessible. Non, je n'aurais pas anticipé une telle liesse populaire. Finalement, il n'y a pas eu de tristesse, il y a eu beaucoup d'émotion, mais les hommages n'étaient jamais tristes et il n'aurait pas souhaité que ce soit triste.
Est-ce qu'il y aura un autre livre ?
Oui, probablement à la fin de l'année.

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extrait


"Depuis le temps que nous nous connaissons, vous l'aurez remarqué plus d'une fois : plus souvent que la duchesse de Guermantes, plus souvent que la Sanseverina ou mon amie Nane chère à Toulet, plus souvent que toutes nos héroïnes de roman, j'ai beaucoup changé de vêtements. J'ai porté la tunique, la toge, la cuirasse, le voile, le pourpoint, les hauts-de-chausse, le frac, le froc, le complet veston, la dentelle, la mousseline, la jaquette, le corset, la cotte, la cotte d'armes ou de mailles, la salopette, le heaume, le haubert, le vertugadin, le jean, la crinoline, la soutane. Je me mettais à enfiler la blouse du médecin, de l'infirmière, de la pharmacienne, du laborantin, du technicien. Longtemps traitée par l'indifférence, par le stoïcisme, par le mépris, la santé devient une de vos préoccupations majeures, la clé et le but de la politique et de la science. Les précurseurs, les fondateurs, il était encore possible de les distinguer. Impossible de suivre la médecine et la science dans leurs aventures sans fin et dans leur développement. Elles m'envahissent tout entière. Elles se confondent avec moi comme je m'étais confondue jadis avec les conquérants, les peintres ou les poètes. Vous savez ce que je fais, ce que je n'ai cessé de faire ? Je change. Comme l'univers, la vie, le temps, je change et je reste la même. Je suis toujours là, et vous ne me reconnaissez pas."











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