mercredi 30 mai 2018

Shoah. Le convoi 75






Convoi 75 du 30/05/1944


La 3e période de la déportation des Juifs de France (sous la direction d'Aloïs Brunner) entre juillet 1943 et août 1944 se déroule de façon similaire aux périodes précédentes, à l’exception du fait que les déportations sont moins fréquentes (environ un convoi tous les 15 jours). 
Au cours d’une période de 13 mois, 20 convois acheminent environ 20.000 Juifs de France à Auschwitz (les convois 57 à 77; il n'y a pas de convoi 65). Ces convois ne sont pas composés uniquement de Juifs étrangers, mais également de Juifs français. En juin 1943, le SS-Hauptsturmführer Aloïs Brunner, un fonctionnaire nazi sous le commandement de l'administrateur des transports le SS-Obersturmbannführer Adolf Eichmann, arrive en France. Eichmann dirige depuis Berlin la section IV B4 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt - office central de la sécurité du Reich), chargée des « affaires juives et de l'évacuation ». Il confie à Brunner la gestion des déportations des Juifs d'Autriche, de Berlin et de Grèce et envoie ensuite celui-ci en France avec l'objectif d’accélérer les déportations. En juillet, Brunner est nommé chef du « Sonderkommando » (unité spéciale) pour les affaires juives en France et dirige les arrestations des Juifs de France et leurs déportations. Brunner prend également le commandement du camp de Drancy qui est placé directement sous l'autorité de la Gestapo. Il réquisitionne la gare de Bobigny d'où les trains de déportations partent pour les camps de concentration et d'extermination.

Le convoi 75 part de la gare de Paris-Bobigny le 30 mai 1944. 1004 noms figurent sur la liste établie au camp de Drancy avant le départ, dont un exemplaire a été transmis à l’UGIF puis récupéré par le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC) après la guerre et édité par Serge Klarsfeld en 1978 dans le « Mémorial de la déportation des Juifs de France ». Dans ce convoi, on compte plus de 100 déportés de moins de 18 ans selon « Le Calendrier de la persécution des Juifs de France » (Fayard 2001) également édité par Serge Klarsfeld, ainsi que des détenus du camp Vittel qui avaient été épargnés de la déportation jusque-là pour servir d'échange éventuellement. Parmi eux se trouve le poète juif franco-roumain Benjamin Fondane figurant dans la liste du convoi 75 sous son nom de naissance Benjamin Vecsler (aussi Wechsler); le philosophe et poète est principalement d'expression française et naturalisé français en 1938. Sa dernière lettre de Drancy contient des instructions spécifiques pour la publication de son œuvre.

Parmi les déportés se trouve également un groupe de 30 Juifs du département de Haute-Savoie. Ils sont arrêtés entre le 23 avril et le 18 mai et acheminés ensemble à Drancy. 

Le 29 mai, les détenus désignés pour ce convoi sont parqués dans une partie du camp réservée spécifiquement pour les déportés. Avant de partir, certains détenus inscrivent des graffitis sur les murs de la cage d'escalier qui sont découverts en 2009 lors des travaux de rénovation de l'immeuble. Parmi les inscriptions se trouve un dernier message des membres de la famille Eskenazi de Paris. Il mentionne qu'ils partent le 30 mai 1944 pour une destination inconnue, mais qu'ils sont « de bonne humeur ». Le message se termine par « Vive les Juifs! » Un autre graffiti dans une autre partie du camp est attribué à la survivante Sarah Lichtsztejn-Montard. Il est inscrit : « Vengeance ! Nous reviendrons ! 26 mai 1944 . » Dans son livre « Chassez les papillons noirs», elle rapporte quelques détails de l'épreuve qu'elle a subie: 

« Alors les soldats nous poussent à coups de crosse dans les wagons : hommes, femmes, enfants, vieillards, à plus de cent par wagon. (…) Il faisait très chaud ce jour-là. Nous étions entassés, nous pouvions tout juste nous asseoir, les genoux repliés sur la poitrine. Le train est resté immobile pendant des heures. J'ai cru que j'allais étouffer. Heureusement, ma mère avait la bonne idée de nous placer près d'une des deux lucarnes qui encadraient la porte ; nous pouvions au moins respirer un peu et lorsque le convoi s'est ébranlé, nous avons pu avaler avec délice de l'air, tiède, mais de l'air ! Les portes des wagons étaient verrouillées. Un peu de paille était étalée sur le sol. On avait posé un baril d'eau au milieu du wagon et au fond un autre baril pour les besoins naturels. (…) La nuit : une nuit de cauchemar ! Pour pouvoir dormir un peu, il fallait que quelqu'un se mette debout afin qu'un autre puisse allonger ses jambes ; ceci à tour de rôle. On avait soif et on suffoquait dans cette pestilence. (…) Pendant un arrêt dans une gare (…) des gens circulaient, pas du tout étonnés de voir des êtres humains dans des trains de marchandises et des soldats autour d'une mitrailleuse sur le toit du dernier wagon. Je l'ai vu parce que je me suis portée volontaire pour aller chercher l'eau. (…) La troisième nuit fut encore plus cauchemardesque que les autres. Pas la place de se retourner. Des enfants pleuraient, des gens âgés gémissaient, d'autres étaient malades et se vidaient par toutes les ouvertures. »

Nadine Heftler, une autre survivante du convoi 75, qui a 15 ans lorsqu'elle est incarcérée à Auschwitz, a retenu de nombreux détails de ce trajet dans son livre « Si tu t'en sors ...» Selon son témoignage, les déportés sont amenés en bus à la gare et forcés dans le wagon à environ 10 heures. Le train part à 13 heures et s'arrête à plusieurs reprises pour des raisons inconnues. Le convoi passe la frontière franco-allemande vers minuit. Heftler évoque aussi un arrêt en rase campagne, après deux jours de voyage, où les déportés sont autorisés à descendre du train pour faire leurs besoins. Il n'existe aucune possibilité d'évasion. Le train est bien gardé et les gardes allemands sont armés. Dès leur arrivée à Birkenau, Heftler et quelque 60 déportés sont sélectionnés pour aller à gauche (pour une mission de travail forcé):
« Nous passons devant un premier officier allemand. Maman, sur mes supplications, se décide à mentir en prétendant avoir trente-huit ans. Quant à moi, ne sachant que faire, je dis la vérité, quinze ans. Au lieu de nous renvoyer vers la gauche, comme on le fait pour la majorité d'entre nous, le Boche nous laisse avancer de quelques mètres avant de nous présenter à un autre officier. Même comédie, trente-huit ans, et quinze ans, mais il ne prend pas le temps de nous écouter et pousse maman vers la gauche. Je me dis en une seconde: 'Pas grave, si je n'habite pas le même block que maman, nous nous reverrons dans la journée.' Puis le Boche se ravise et nous envoie à droite, maman et moi, rejoindre un tout petit noyau de personnes. Une fois ce choix terminé, nous sommes une soixantaine de femmes, presque toutes des jeunes filles entre dix-huit et vingt-cinq ans. Maman était une des plus âgées, mais paraissait très jeune. Moi, au contraire, j'étais la plus jeune, mais je paraissais plus que mon âge. Nous nous retrouvions soixante femmes sur un convoi de 1,200 prisonniers des deux sexes (…). Nous ne savions pas encore que tous les autres étaient dirigés vers la chambre à gaz ».

Le convoi empruntera l’itinéraire habituel, tel que révélé par la Deutsche Reichsbahn (littéralement le « Chemin de fer de l'empire allemand ») à la Gestapo en novembre 1943 (voir Le Calendrier, Klarsfeld) : Paris-Bobigny, Noisy-le-Sec, Épernay, Châlons-sur-Marne, Revigny, Bar-le-Duc, Novéant-sur-Moselle , Metz, Saarbrücken, Homburg, Kaiserslautern, Mannheim, Frankfurt am Main, Fulda, Burghaun, Erfurt, Apolda, Weißenfels, Engelsdorf Mitte (Leipzig), Wurzen, Dresden, Görlitz, Kohlfurt, Arnsdorf,(Miłkowice), Liegnitz (Legnica), Königszelt (Jaworzyna Śląska), Kamenz, Niederschlesien (Kamieniec Ząbkowicki), Neisse (Nysa), Cosel, Heydebreck, Katowice (Kattowitz), Mysłowice (Myslowitz), Auschwitz.

Le train est manœuvré par les ingénieurs et les conducteurs de la SNCF jusqu'à la nouvelle frontière franco-allemande à Novéant-sur-Moselle, une commune en Lorraine annexée, rebaptisée Neuburg an der Mosel. À Neuburg, l'équipe française est remplacée par du personnel des chemins de fer allemands de la Reichsbahn. Le train s'arrête ensuite à Metz, poursuit sa route vers la Saar, traverse la Hesse et la Saxe, et continue le long de la frontière entre l'Allemagne et le Protectorat de Bohême-Moravie, pour entrer à travers Görlitz en Silésie. Le convoi passe par le carrefour ferroviaire à Kohlfurt (depuis 1945 Węgliniec) et la ville de Liegnitz (Legnica) en Basse-Silésie et se rend via Schweidnitz (Swidnica) et Kandrzin (Kędzierzyn), renommé Heydebreck à l'extrémité sud-est du Reich jusqu'à ce son arrivée à Katowice (Kattowitz) qui sert en tant que capitale de la Haute-Silésie-Orientale, une nouvelle province formée surtout du territoire polonais. La distance entre Katowice et Auschwitz est d'environ 40 km. L'ancienne ville de garnison Habsbourgeois au sud de Katowice est également annexée au Reich.

Il y a également trois wagons sanitaires, bien que ces dispositions n’aient pas vraiment pour but la sauvegarde des malades, comme l’explique le docteur Marc Klein dans son témoignage : « J’avais été chargé du contrôle d’un des trois wagons dits «sanitaires» qui ne se distinguaient des autres wagons à bestiaux que par la présence de quelques matelas, par des réservoirs d’eau qu’on nous permettait de remplir à certaines stations, et par une réserve importante de médicaments. (…) Le travail médical de jour et de nuit fut lourd pour deux camarades médecins, une infirmière et moi-même ; il fut d’autant plus inutile, qu’à part les survivants de ce personnel sanitaire, les occupants de mon wagon devaient disparaître à l’arrivée ».

Le convoi arrive au camp d’Auschwitz-Birkenau le 2 juin 1944. Désormais, comme pour le convoi précédent arrivé de France le 23 mai, et les convois suivants, le débarquement se fait sur la nouvelle rampe située à l’intérieur du camp qui vient d’être achevée pour faciliter l’arrivée prévue de nombreux convois de déportés de Hongrie. 239 hommes de ce convoi sont sélectionnés pour les travaux forcés et tatoués des numéros A-11841 à A-12079 ainsi que 134 femmes, également sélectionnées pour les travaux forcés et tatouées des numéros A-7065 à A-7198. Le reste du convoi, c'est-à-dire 624 Juifs, sont immédiatement gazés. 

Après la libération d'Auschwitz, on compte 99 survivants du convoi 75, parmi lesquels se trouvent 54 femmes. Deux de ces survivants font partie du groupe de déportés de Haute-Savoie : Freda Olejnik qui a 23 ans au moment de son arrivée à Auschwitz. Elle survit parce qu'elle a été affectée dans une équipe de travail forcé d'abord à Ravensbrück puis à Malkow (près de Stettin). L'autre survivant s'appelle Robert Weil qui a 32 ans au moment de son arrivée à Auschwitz et qui a été transféré à Gross-Rosen et ensuite à Buchenwald.

Bibliographie  :
  • Serge Klarsfeld, Le memorial de la deportation des Juifs de France, ( Paris : Beate & Serge Klarsfeld), 1978, 1 vol. (unpaged
  • Marc Klein, Témoignage strasbourgeois, Paris, Les belles Lettres, 1954, p. 429.
  • Sara Lichtsztejn, Chassez les papillons nois - recits d'une survivante des camps de la mort nazis, Paris, Le manuscrit, 2011, 351 p.
  • Nadine Heftler, Si tu t'en sors... - Auschwitz 1944-1945, Paris, La Découverte, 1992, 189 p.



DRANCY. 30 Mai 1944. Convoi 75. Lieux de Mémoire


              

Drancy. 30 mai 1944


Rue de la Station, face à la gare du Bourget-Drancy, arrivent les autobus.
Les déportés sont entassés dans les wagons à bestiaux de la S.N.C.F.
Le convoi numéro 75 emporte vers Auschwitz 1000 personnes, dont 60 petites filles et 52 petits garçons.


Seront sélectionnés dès leur arrivée à Auschwitz 134 femmes et 239 hommes.

Seront assassinés par gazage dès leur arrivée à Auschwitz 627 personnes.

Survivront en 1945 : 35 hommes et 64 femmes.












dimanche 27 mai 2018

Pierre GAMARRA. Je te souhaite un jour de velours






Je te souhaite un jour de velours


Je te souhaite un jour de velours,
d'iris, de lis et de pervenches,
un jour de feuilles et de branches,
un jour et puis un autre jour,

un jour de blés, un jour de vignes,
un jour de figues, de muscats,
un jour de raisins délicats,
un jour de colombes, de cygnes.

Je te souhaite un jour de diamant,
de saphir et de porcelaine,
un jour de lilas et de laine,
un jour de soie, ô ma maman,

et puis un autre jour encore,
léger, léger, un autre jour
jusqu'à la fin de mon amour,
une aurore et puis une aurore,
  
car mon amour pour toi, ma mère,
ne pourra se finir jamais
comme le frisson des ramées
comme le ciel, comme la mer…


Pierre GAMARRA



..."car mon amour pour toi, ma mère,
ne pourra se finir jamais
comme le frisson des ramées
comme le ciel, comme la mer…"






Louis-Eugène BOUDIN
(1824-1898)
Ciel nuageux au dessus d'une mer calme - Musée d'Orsay 










samedi 26 mai 2018

Philip Roth, Milan Kundera, Alain Finkielkraut




[Découvertes -7- un article du Monde des livres ]



*




Milan Kundera, Veronica Geng et Philip  Roth, Connecticut, automne 1980
Photo de ©Vera Kundera




Alain Finkielkraut  :


« Grâce au roman, Philip Roth s’élevait au-dessus de ses propres engagements »



Dans son dernier entretien au « Monde des livres », Philip Roth rappelait qu’il devait le mot « uchronie », utilisé pour son roman Le Complot contre l’Amérique, à Alain Finkielkraut. L’écrivain américain et le philosophe français se connaissaient bien. Nous avons demandé à ce dernier comment il envisageait l’héritage de Philip Roth, mort mardi 22 mai 2018 à New York.



Vous avez appris la mort de Philip Roth. Quel rapport entretenez-vous à son œuvre ?

Il me serait plus facile de dire quelques mots sur l’œuvre de Philip Roth au lendemain de sa mort si je ne connaissais pas l’homme. Or je l’ai rencontré chez Milan Kundera, au tout début des années 1980, et depuis lors nous nous sommes vus assez fréquemment, à Londres, à New York ou dans le Connecticut. Son amitié, comme celle de Kundera, a été l’une des chances de ma vie. Alors aujourd’hui, je le pleure. En tant qu’écrivain, il ne nous manquera pas, car son œuvre est là, imposante, majestueuse, achevée. Mais la personne a disparu à tout jamais. Ce constat est banal. Cela ne l’empêche pas d’être pour moi très douloureux. Parce que j’ai eu l’extraordinaire privilège de le connaître, Philip Roth me manquera. Voilà ce que je voulais dire d’abord.

Vivre selon la littérature, disait Roland Barthes, c’est « vivre selon la nuance », refuser de voir les choses en noir et blanc… Pensez-vous que Roth s’inscrit dans cette tradition ?

Le mot qui me vient à l’esprit pour caractériser son œuvre, ce n’est pas celui de « nuance », même s’il faisait preuve de beaucoup de finesse dans son exploration du cœur humain. C’est plutôt celui d’« exubérance ». Il y a, dans ses romans, une énergie prodigieuse. Ils sont émaillés de dialogues et même de querelles inoubliables. Ainsi de La Contrevie, où il fait vivre toutes les dissensions d’Israël. C’est en cela qu’il est un grand romancier. Il ne défend pas une thèse, il met en scène des postures divergentes sans prendre parti. C’est par l’exubérance qu’il rejoint la nuance.

Dans votre livre Un cœur intelligent, vous consacrez un beau texte à La Tache, de Philip Roth, et vous dites qu’une des leçons décisives de ce livre est la suivante : « Tout ce qui arrive nous parvient sous la forme de récit. »

Nous passons en effet notre vie à nous raconter des histoires. Et le roman est là pour nous libérer de notre activité fantasmatique. La Britannique Iris Murdoch dit que le grand art ne relève pas du fantasme, justement, il casse son emprise et nous amène à une vision vraie. Je crois que la littérature est ce passage. Pour parler comme Kundera, elle permet de déchirer « le rideau magique tissé de légendes » suspendu devant le monde. C’est exactement ce que fait Philip Roth. Il déchire le rideau.

Vous avez qualifié son tempérament de « batailleur ». Qu’est-ce à dire ?

Il n’était pas un essayiste. Il a été par exemple meurtri par les polémiques qu’ont suscitées, dans la communauté juive, Goodbye, Columbus et le livre que je persiste à appeler Portnoy et son complexe. Au lieu de régler ses comptes, il a mis en scène cette petite guerre dans la première grande série des Zuckerman. Chacun y a la parole. Il « bataillait », mais grâce au roman, il s’élevait au-dessus de ses propres engagements.

A propos de Zuckerman, vous avez écrit que ce personnage d’alter ego prouve qu’il y a, dans l’œuvre de Roth, au moins autant d’« alter » que d’« ego »…

Au début, Zuckerman était le héros des romans où il apparaissait. Roth racontait son histoire et on lui a beaucoup reproché de faire à travers lui une autobiographie déguisée. Certains critiques affirmaient qu’il n’était capable de parler que de lui-même en changeant de nom. Et puis, à partir de La Contrevie, la série des Zuckerman a pris une autre orientation. Il est devenu non plus un héros, mais une oreille. Il a raconté des histoires qui arrivaient à d’autres. Ainsi, d’abord, dans Pastorale américaine, l’un des plus beaux romans de Philip Roth, le personnage central est un juif calme, aux antipodes de Roth lui-même. Et puis il y a La Tache, ce livre inouï dont le héros est Coleman Silk, un Noir qui se fait passer pour juif afin de n’être pas défini par sa couleur et de pouvoir exister comme individu, et qui est rattrapé par l’antiracisme débile sévissant sur les campus américains…

Un mot pour conclure ?

Je voudrais quand même rappeler que Philip Roth a été le non-lauréat annuel du prix Nobel de littérature. Il a payé ainsi l’accusation de misogynie qui a été portée contre lui après la parution de Ma vie d’homme. C’est un scandale absolu qui discrédite de façon définitive, à mes yeux, le jury de Stockholm.


In ©LE MONDE DES LIVRES 
 • Mis à jour le  | 
Propos recueillis par 



addendum du 26/05 à 10h40

On lira (en anglais) un brillant article paru dans The New Yorker daté du 7 octobre 2013 



vendredi 25 mai 2018

Pierre Louÿs. Oui, des lèvres aussi...





Oui, des lèvres aussi... 



Oui, des lèvres aussi, des lèvres savoureuses
Mais d'une chair plus tendre et plus fragile encor
Des rêves de chair rose à l'ombre des poils d'or
Qui palpitent légers sous les mains amoureuses.

Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,
Pétales délicats alourdis de rosée
Qui fléchissent pliés sous la fleur épuisée
Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.

Ô lèvres, versez-moi les divines salives
La volupté du sang, la vapeur des gencives
Et les frémissements enflammés du baiser.

Ô fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines
Balancez vers mon cœur sans jamais l'apaiser
L'encens mystérieux des senteurs féminines.


Pierre Louÿs
In Le crépuscule des Nymphes
1925


Oui, bien sûr, de Pierre-Félix Louis, dit Pierre Louÿs, tout le monde sait deux ou trois choses. Qu'il était lié, dès sa jeunesse, avec Gide et Valéry, pour la gloire de qui il fit beaucoup et qui ne firent, en revanche, presque rien pour la sienne. Que Henri de Régnier et lui étaient tous les deux amoureux de Marie, la fille de José Maria de Heredia, et qu'un pacte unissait les deux garçons : aucun des deux ne se déclarerait sans avoir prévenu l'autre. Profitant d'une absence de Pierre Louÿs, Henri de Régnier demanda et obtint la main de Marie de Heredia, persuadée que Pierre Louÿs ne s'intéressait plus à elle. Mais, le lendemain de ses noces avec Régnier, Marie, détrompée, se donna à Louÿs. Tigre de Régnier sera le fils de Pierre Louÿs et de Marie de Heredia. Ce que nous savons tous aussi, c'est que Louÿs aimait les femmes à la folie.
Pierre Louÿs est l'auteur de quelques chefs-d'oeuvre mineurs où il chante le corps des jeunes filles : Les chansons de Bilitis, poèmes en prose, ou Aphrodite, roman de "moeurs antiques", et de plusieurs récits savoureux : La femme et le pantin ou Les aventures du roi Pausole, conte philosophique à la manière du XVIIIe siècle. Mais l'essentiel de son oeuvre est sans doute ailleurs. Et il était plus ou moins occulté jusqu'à aujourd'hui.  Pcc. ©Jean d'Ormesson



Marie de Régnier chez et par Pierre Louÿs vers 1897






Marie de Régnier par Pierre Louÿs
Du grand art, propre à indigner les imbéciles, mais les imbéciles ne lisent pas Pierre Louÿs.




jeudi 24 mai 2018

Jules Renard. Extrait illustré





" La rêverie est le clair de lune de la pensée. "




Jules Renard 
In Journal
 1893

mardi 22 mai 2018

Charles CROS. Sonnet astronomique




Sonnet astronomique
Alors que finissait la journée estivale,
Nous marchions, toi pendue à mon bras, moi rêvant
A ces mondes lointains dont je parle souvent.
Aussi regardais-tu chaque étoile en rivale.
Au retour, à l’endroit où la côte dévale,
Tes genoux ont fléchi sous le charme énervant
De la soirée et des senteurs qu’avait le vent.
Vénus, dans l’ouest doré, se baignait triomphale.
Puis, las d’amour, levant les yeux languissamment,
Nous avons eu tous deux un long tressaillement
Sous la sérénité du rayon planétaire.
Sans doute, à cet instant deux amants, dans Vénus,
Arrêtés en des bois aux parfums inconnus,
Ont, entre deux baisers, regardé notre terre.
Charles CROS
In Le coffret de santal
1873





Petit rappel historique :

Le poète Charles Cros invente le phonographe avant Thomas Edison.

Le 30 avril 1877, l'Académie des sciences enregistre un pli cacheté déposé le 18 octobre précédent par un certain Charles Hortensius Émile Cros, 34 ans. Le document décrit un procédé d'enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l'ouïe. Cet appareil est nommé paléophone par son inventeur. Ce qui signifie : voix du passé. Sans entrer dans les détails, il est constitué d'une membrane vibrante dotée en son centre d'une pointe qui repose sur un "disque animé d'un double mouvement de rotation et de progression rectiligne". Animée par la membrane, l'aiguille trace un sillon...

lundi 21 mai 2018

Kundera. La plaisanterie, extrait













La Plaisanterie, 1967

(extrait saisissant et lumineux)


« Oui, j’y voyais clair soudain : la plupart des gens s’adonnent au mirage d’une double croyance : ils croient à la pérennité de la mémoire (des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des torts). L’une est aussi fausse que l’autre. La vérité se situe juste à l’opposé : tout sera oublié et rien ne sera réparé. Le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l’oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés. »


Lire La plaisanterie en ligne



dimanche 20 mai 2018

Le dimanche etc...




tout est en vrac ce dimanche, et
l'inspiration est due à 
Pancrace, Servais et Mamert



































Bardotmania:


















































Ford Ranchero 1976










































Claudia Schiffer for Versace. Automne-hiver 1992






Marilyn à Jones Beach, 1949




 
Monica Bellucci, 1993




Brigitte Bardot dans La Lumière d’en Face - Georges Lacombe - 1956