vendredi 25 mai 2018

Pierre Louÿs. Oui, des lèvres aussi...





Oui, des lèvres aussi... 



Oui, des lèvres aussi, des lèvres savoureuses
Mais d'une chair plus tendre et plus fragile encor
Des rêves de chair rose à l'ombre des poils d'or
Qui palpitent légers sous les mains amoureuses.

Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,
Pétales délicats alourdis de rosée
Qui fléchissent pliés sous la fleur épuisée
Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.

Ô lèvres, versez-moi les divines salives
La volupté du sang, la vapeur des gencives
Et les frémissements enflammés du baiser.

Ô fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines
Balancez vers mon cœur sans jamais l'apaiser
L'encens mystérieux des senteurs féminines.


Pierre Louÿs
In Le crépuscule des Nymphes
1925


Oui, bien sûr, de Pierre-Félix Louis, dit Pierre Louÿs, tout le monde sait deux ou trois choses. Qu'il était lié, dès sa jeunesse, avec Gide et Valéry, pour la gloire de qui il fit beaucoup et qui ne firent, en revanche, presque rien pour la sienne. Que Henri de Régnier et lui étaient tous les deux amoureux de Marie, la fille de José Maria de Heredia, et qu'un pacte unissait les deux garçons : aucun des deux ne se déclarerait sans avoir prévenu l'autre. Profitant d'une absence de Pierre Louÿs, Henri de Régnier demanda et obtint la main de Marie de Heredia, persuadée que Pierre Louÿs ne s'intéressait plus à elle. Mais, le lendemain de ses noces avec Régnier, Marie, détrompée, se donna à Louÿs. Tigre de Régnier sera le fils de Pierre Louÿs et de Marie de Heredia. Ce que nous savons tous aussi, c'est que Louÿs aimait les femmes à la folie.
Pierre Louÿs est l'auteur de quelques chefs-d'oeuvre mineurs où il chante le corps des jeunes filles : Les chansons de Bilitis, poèmes en prose, ou Aphrodite, roman de "moeurs antiques", et de plusieurs récits savoureux : La femme et le pantin ou Les aventures du roi Pausole, conte philosophique à la manière du XVIIIe siècle. Mais l'essentiel de son oeuvre est sans doute ailleurs. Et il était plus ou moins occulté jusqu'à aujourd'hui.  Pcc. ©Jean d'Ormesson



Marie de Régnier chez et par Pierre Louÿs vers 1897






Marie de Régnier par Pierre Louÿs
Du grand art, propre à indigner les imbéciles, mais les imbéciles ne lisent pas Pierre Louÿs.




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