samedi 30 juin 2018

Simone Veil meurt le 30 juin 2017







C’était il y a sept ans, au printemps 2010. Jean d’Ormesson avait trouvé les mots justes pour saluer cette « grande dame », Simone Veil, qu’il accueillait sous la coupole de l’Académie française : « Je vous vois comme une de ces figures de proue en avance sur l’histoire. » Evitant élégamment d’ajouter l’emphase à l’hommage, il avait choisi de ne pas mettre de « h » majuscule à histoire. Simone Veil, pourtant, l’aurait mérité tant elle a traversé, incarné, assumé les tragédies, mais aussi les promesses de la seconde moitié du XXsiècle.


Son premier combat fut celui de la survie, contre l’entreprise de mort de la Shoah. Elle le résuma d’une formule, terrible et pudique : « J’ai commencé ma vie dans l’horreur. » Horreur, à 16 ans, de l’arrestation par la police allemande, du transfert à Drancy et de la déportation, avec sa mère et l’une de ses sœurs, vers les camps de la mort nazis, Auschwitz-Birkenau, Bobrek, Bergen-Belsen. Avril 1944-avril 1945, un an de calvaire. Sa mère y périt. Simone Jacob et ses deux sœurs y survécurent. Elle en garda le matricule 78651, indélébile, sur le bras gauche. Et la volonté farouche de ne plus rien céder de sa liberté – en premier lieu, de sa liberté de femme. Elle ne sut jamais où étaient morts son père et son frère.





Toute sa vie, professionnelle et politique, l’atteste. Contre les réticences de son mari, contre les préjugés de son milieu et de l’époque, elle est l’une des premières femmes à intégrer la magistrature, réservée aux hommes jusqu’au lendemain de la guerre. Cette carrière de magistrate la conduit au parquet général, à l’administration pénitentiaire, au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature, en 1969 au cabinet du ministre de la justice, René Pleven, et plus tard, dans les années 1990, au Conseil constitutionnel.


Pionnière et combattante de la dignité des femmes, elle le sera plus encore lorsque, nommée ministre de la santé en 1974 dans le gouvernement de Jacques Chirac, elle fera voter le premier projet de loi reconnaissant, en France, le droit à l’avortement. Face aux oppositions virulentes, aux attaques ignobles, aux injures, elle fait front, inflexible, devant l’Assemblée nationale : « Personne n’a jamais contesté que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame. Mais nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année, mutilent les femmes de ce pays, humilient ou traumatisent celles qui y ont recours... »





Rescapée de la Shoah, Simone Veil n’était pas de celles, de ceux qui redoutent l’avenir. Elle le démontrera de nouveau, en 1979, en devenant la présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel. 



Un Parlement alors sans pouvoirs réels, mais qui lui offrait une tribune prestigieuse pour mener le troisième combat de sa vie : la réconciliation franco-allemande et la construction de l’Europe,d’une Europe naufragée dans la folie criminelle du nazisme, mais dont elle ne cessa jamais de croire qu’elle saurait porter haut, de nouveau, les idéaux de la démocratie et des droits de l’homme.

Longtemps, Simone Veil aura bénéficié auprès des Français d’une incomparable aura. Elle était, sans conteste, la personnalité politique qu’ils plébiscitaient, au-delà des divisions partisanes et des querelles politiques. Ils respectaient et admiraient le destin hors norme de cette femme de courage et de conviction. Pour beaucoup, sa disparition marquera la fin d’une époque, d’une génération, presque d’un siècle.



****Dans Une vie, Simone Veil raconte qu’en 2007 le cardinal Jean-Marie Lustiger lui demanda, quelques semaines avant sa mort, de prendre la parole le jour de ses obsèques, sur le parvis de la cathédrale, pour rappeler sa judéité. « Pour moi, ce vœu était sacré. J’ai été meurtrie de devoir renoncer à l’exaucer, la hiérarchie m’ayant fait savoir que c’eût été inopportun. »


Aujourd'hui sur le parvis du Mémorial



Vendredi 29 et samedi 30 juin 2018, le Mémorial de la Shoah permet au public de venir se recueillir devant les cercueils de 
Simone Veil et de son époux, Antoine Veil, 
dans sa crypte située sous le parvis.







3 commentaires:

  1. Le vœu du cardinal Jean-Marie Lustiger trahi par les Mitres Molles de la hiérarchie épiscopale...!

    On partage la meurtrissure de Madame Veil, femme d'honneur, de devoir et de probité.
    In memoriam, avec respect.

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    1. Nous pensions que tous connaissaient cette absurdité commise en dépit de tout bon sens, de toute "bonne" foi...

      Merci de votre partage cordial.

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  2. Je suis toujours saisie d'une admiration révérencieuse quand je vois Simone Veil. C'est un peu une déesse pour moi.

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