vendredi 29 septembre 2017

Baudelaire. L'Examen de Minuit





         

L’Examen de Minuit
           
La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
À nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s’enfuit :
— Aujourd’hui, date fatidique,
Vendredi, treize, nous avons,
Malgré tout ce que nous savons,
Mené le train d’un hérétique.

Nous avons blasphémé Jésus,
Des Dieux le plus incontestable !
Comme un parasite à la table
De quelque monstrueux Crésus,
Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons
Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau,
Le faible qu’à tort on méprise ;
Salué l’énorme bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière
Avec grande dévotion,
Et de la putréfaction
Béni la blafarde lumière.

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire,
Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,
Dont la gloire est de déployer
L’ivresse des choses funèbres,
Bu sans soif et mangé sans faim !...
— Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres !
 


Charles BAUDELAIRE.





Nettoyons un peu nos yeux endoloris ! 
Profitons de la luminosité extraordinaire de cette toile de Claude Monet.








Claude Monet, "Jeanne-Marguerite Lecadre au jardin" ou "Femme au jardin", 1866 ou 1867.

Note : Ce jardin serait situé à Sainte-Adresse, près du Havre, où une tante de Claude Monet possédait une demeure. Jeanne-Marguerite Lecadre serait une petite cousine de Monet. Sous toutes réserves. La toile, en revanche et sans réserves, est propriété du Musée de l'Ermitage de Saint-Petersbourg.




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