vendredi 13 avril 2018

Marceline Desbordes-Valmore






Un billet de femme

Puisque c'est toi qui veux nouer encore
Notre lien,
Puisque c'est toi dont le regret m'implore,
Ecoute bien :

Les longs serments, rêves trempés de charmes,
Ecrits et lus,
Comme Dieu veut qu'ils soient payés de larmes,
N'en écris plus !

Puisque la plaine après l'ombre ou l'orage
Rit au soleil,
Séchons nos yeux et reprenons courage,
Le front vermeil.

Ta voix, c'est vrai ! Se lève encor chérie
Sur mon chemin ;
Mais ne dis plus : " A toujours ! " je t'en prie ;
Dis : " A demain ! "

Nos jours lointains glissés purs et suaves,
Nos jours en fleurs ;
Nos jours blessés dans l'anneau des esclaves,
Pesants de pleurs ;

De ces tableaux dont la raison soupire
Otons nos yeux,
Comme l'enfant qui s'oublie et respire,
La vue aux cieux !

Si c'est ainsi qu'une seconde vie
Peut se rouvrir,
Pour s'écouler sous une autre asservie,
Sans trop souffrir,

Par ce billet, parole de mon âme,
Qui va vers toi,
Ce soir, où veille et te rêve une femme,
Viens ! Et prends-moi !


Marceline Desbordes-Valmore



La statue de Marceline devant les jardins de l'église Notre-Dame à Douai (Nord)
Photo Nuageneuf


Marceline Desbordes-Valmore nait à Douai le 20 juin 1786 et meurt à Paris le 23 juillet 1859.


 Marceline Desbordes-Valmore  est la fille d'un peintre en armoiries, devenu cabaretier à Douai après avoir été ruiné par la Révolution. À la fin de 1801, Marceline et sa mère partent pour la Guadeloupe, après un séjour à Rochefort et à Bordeaux, où Marceline est comédienne. En mai 1802 la mère de Marceline meurt de la fièvre jaune et en septembre de la même année Marceline, de retour en métropole, joue au théâtre à Lille et à Douai. Comédienne et chanteuse, elle se produit notamment à l'Opéra-Comique et au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, où elle incarne Rosine dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. Au cours de sa carrière théâtrale elle joue souvent des rôles d'ingénue. Elle crée plusieurs pièces de Pigault-Lebrun, rencontre Talma, qu'elle admire, Marie Dorval et surtout Mademoiselle Mars, qui sera son amie jusqu'à la fin de ses jours.

   Elle perd un fils de cinq ans, en 1816, né d'une liaison avec un comédien, qu'elle nomme Olivier dans ses poèmes. Elle se marie en 1817 avec un acteur, Prosper Lanchantin, dit Valmore. Elle en a trois enfants, dont un seul, Hippolyte Valmore, lui survivra. Elle publie en 1819 son premier recueil de poèmes, Élégies, Marie et Romances. Par la suite ses ouvrages les plus importants sont en 1824 des Élégies et poésies nouvelles, en 1833 les Pleurs, en 1839 Pauvres fleurs et en 1843 Bouquets et prières, toutes œuvres dont le lyrisme et la hardiesse de versification sont remarqués, ce qui lui vaut une pension royale sous Louis-Philippe et plusieurs distinctions académiques. Elle donne aussi des nouvelles et compose des Contes, en prose et en vers, pour les enfants.

   Son instruction limitée est compensée par son grand travail d'autodidacte. Honoré de Balzac, qui admirait sincèrement son talent et la spontanéité de ses vers « assemblages délicats de sonorités douces et harmonieuses et qui évoquent la vie des gens simples » lui écrivait en avril 1834 en parlant d'elle-même :« (...) Elle a donc conservé le souvenir d'un cœur dans lequel elle a pleinement retenti, elle et ses paroles, elle et ses poésies de tout genre, car nous sommes du même pays, Madame, du pays des larmes et de la misère. Nous sommes aussi voisins que peuvent l'être, en France, la prose et la poésie, mais je me rapproche de vous par le sentiment avec lequel je vous admire. ».


   Elle est ainsi considérée comme une poétesse ayant joué un rôle majeur dans l'évolution de l'écriture par Paul Verlaine, qui déclare : « Nous proclamons à haute et intelligible voix que Marceline Desbordes-Valmore est tout bonnement […] la seule femme de génie et de talent de ce siècle et de tous les siècles […] ». On lui sait gré d'avoir introduit des formes nouvelles : « […] Marceline Desbordes-Valmore a, le premier d’entre les poètes de ce temps, employé avec le plus grand bonheur des rythmes inusités, celui de onze pieds entre autres […] ». Son personnage romantique d'autodidacte dont la vie malheureuse aurait nourri une sensibilité féminine n'est pas non plus étranger à ce succès. Charles Baudelaire s'intéresse plus à la personne qu'aux vers quand il affirme : « Mme Desbordes-Valmore fut femme, fut toujours femme et ne fut absolument que femme ; mais elle fut à un degré extraordinaire l’expression poétique de toutes les beautés naturelles de la femme. », suivi en cela par toute une tradition au XXe siècle.





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