mardi 27 novembre 2018

La Fontaine. Le Lion et le Rat suivi de La Colombe et la Fourmi





Le Lion et le Rat

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un Lion
Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un Lion d'un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu'au sortir des forêts
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.






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Deux morales dans la même fable que chacun, aujourd'hui encore, connait par cœur. Sacré La Fontaine !
A l'origine, comme de coutume, il s'agit d' une fable d'Ésope, Le Lion et le Rat reconnaissant. Le thème fut repris par Marot dans son Épître à Lyon Jamet.





Ce même thème de l'entraide est exposé dans la fable qui suit :



La Colombe et la Fourmi


Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe.
Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,
La Fourmi le pique au talon.
Le Vilain retourne la tête :
La Colombe l'entend, part, et tire de long.
Le soupé du Croquant avec elle s'envole :
Point de Pigeon pour une obole.


Jean de la FONTAINE
Fables XI & XII du Livre deuxième, 1668


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Vocabulaire :
Croquant : gueux, misérable, qui n’a aucun bien, qui en temps de guerre n’a pour toutes armes qu’un croc. Les paysans qui se révoltent sont de pauvres croquants.  (Fur.)
Vilain : dans le vieux langage, signifiait un roturier, un paysan. 
Tirer de long : signifie s’enfuir. (Fur.)






...On a souvent besoin d'un plus petit que soi...




Labyrinthe du château de Chenonceau

                               ...Patience et longueur de temps...




Piet Mondrian
... Font plus que force ni que rage.



4 commentaires:

  1. Génie d'une langue toute en finesse et élégance, parfaitement accessible :

    "Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe (...)"

    "Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie(...)"


    On voudrait que ces deux vers aillent, pour leur faire honte, se planter dans le cerveau atrophié des initiateurs de "Black-Friday" et autres insanités consuméristes qui, hélas, ne sont pas des... fake-news.


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    Réponses

    1. C’est fin. C’est ça et c’est tout. C’est final, La Fontaine !

      Quatre mots : fin, ça, tout, final.



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  2. Gaulois réfractaire28 novembre 2018 à 18:12

    Je propose la francisation : "défèque-niouze".

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  3. Le clair et la terre.
    Merci "En passant". Je hais moi aussi le vendredi noir.
    Le venus die, pour certains jour de la mort du Christ, n'implique-t-il pas du poisson ?

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