jeudi 16 décembre 2021

Eoliennes etc

 

 Panneaux photovoltaïques, éoliennes, écoquartiers ont en commun d’être hideux. Sous prétexte d’écologie, on détruit ce qui fait la beauté de nos paysages et de nos villes, et ceci avec la plus parfaite bonne conscience. 

 

Barbara Pompili, entre deux circulaires aux préfets les enjoignant de ne plus s’opposer à l’implantation d’éoliennes, fût-ce en objectant que les parcs prendraient pied dans des zones «non favorables», se pose en adepte du photovoltaïque. Bien. Peu après, le secrétaire d’État au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, nous avise pour sa part que, «en plus de viser davantage de visiteurs, il (l’État) se fixe un objectif quantitatif, devenir la première destination touristique durable en 2030.» Pourquoi pas? Mais outre des redondances (car qu’est-ce qu’un «objectif quantitatif» sinon «viser davantage de visiteurs»), la déclaration tombe à l’eau si nos visiteurs n’ont à admirer que fermes photovoltaïques, chaos éoliens et banlieues métastasiques.


L’essor du photovoltaïque, Mme Pompili l’envisage essentiellement au sol, prenant la forme de mille fermes solaires implantées sur les friches du domaine public. Des fermes géantes, bien entendu, du genre de celle de Cestas: un million de modules photovoltaïques concentrés sur 260 hectares. De quoi faire au pays une croûte d’écailles que nul touriste ne viendra gratter.

Quant à l’intégration - possible - de ces panneaux solaires au bâti, la ministre ne l’envisage que dans le cas d’entrepôts et de parkings de plus de 500 m2. Et pourquoi pas sur les grandes surfaces commerciales? Il suffirait pourtant de peu pour renforcer leur ossature et déplacer les superstructures dédiées à la ventilation ou la sécurité qui encombrent leurs toits-terrasses (on en profiterait pour imposer aux promoteurs d’aménager les parkings sous le supermarché et non plus autour, avec pour profit une économie d’espace, une moindre imperméabilisation des sols et des abords moins rébarbatifs). Il suffirait de repenser nos modes de construction.

Il ne faudrait guère plus d’imagination pour exploiter les toits de Paris. Avec leurs combles à brisis, aux faîtages peu inclinés, ils feraient aux panneaux solaires un support idéal, parce qu’indécelable depuis la chaussée. Trop lourd? Certainement pas plus que le zinc qui les couvre.

Frugalité énergétique

Nous ne nous appesantirons pas ici sur l’impact paysager des éoliennes. Il suffit de rappeler la question irrésolue du recyclage de leur socle - des «palets» de 60.000 m3 de béton - ou de leurs pales. Nul n’entend prendre en charge la désagrégation fastidieuse des premiers ni la reconversion vertueuse des secondes. Celles-là, on en fait des cimetières dont la localisation est tenue secrète et l’approche défendue. Les toutous de Pavlov qui vantent la «beauté» des moulins à watts n’accepteraient pas pour tout l’or du monde de vivre à leur pied. En attendant, nous payons l’électricité au prix fort pour subir là où l’on s’y attend le moins (c’est-à-dire là où notre présence se fait la plus discrète, là où c’est le plus beau, en somme), un traumatisme rétinien vraiment durable, lui.

Convenons-en, en matière de frugalité énergétique, de «propreté», la vertu n’accouche que d’une camelote laide à faire crier les chiens. Un exemple, un dernier: l’écoquartier. Très dans le vent, l’écoquartier. Et puis, les communes rurales y trouvent prétexte à subventions publiques. Pas cher, donc. Accessible aux plus démunis. Des pavillons cubiques, bardés de lattis en polystyrène veiné, cerné, façon bois - le côté nature -, et percés de jours minuscules afin de réduire les déperditions de chaleur - le côté écoresponsable -, des casemates, en somme, au fond desquelles on ne voit rien, faute de jour, justement, à moins de vivre toutes lampes allumées du matin au soir. Vingt mille ans d’efforts méritoires pour guérir une humanité morveuse de sa cécité de cavernicole, ruinés d’un coup par l’écoquartier!

Prétexte écologique

On n’en finirait pas d’énumérer les injures au regard que déchaîne le prétexte écologique. En cette grand-messe de la résilience à laquelle l’urgence climatique nous astreint, jamais un mot de ce qu’il nous est donné de voir, de ce qui nous environne, tout bonnement. C’est bien simple, le mot même «environnement» a disparu du discours écologiste. Comme s’il n’y avait de pollution que celle de l’air ou de l’eau. Comme s’il n’était question que de trier ou de pédaler. Eh bien non! La hideur est une pollution. Un crime, quand elle est programmée donc préméditée. Un «écocide», pour s’essayer à un néologisme cher à Mme Pompili.

Car nous sommes écœurés de la flagellation de nos paysages! Las de la frénétique lacération de notre socle! La sauvegarde de la Terre appelle-t-elle son inéluctable avilissement? Notre bienveillance ne se paierait-elle que de verrues et de balafres? «Vivre du territoire avec égards», pour reprendre l’expression du philosophe Baptiste Morizot, exige de ménager le spectacle qu’il offre. Le désordre environnant signe l’exploitation irréfléchie de ce territoire, alors même que les «égards» qu’on lui doit nous interdisent de le défigurer. Concevoir l’écologie ne peut faire l’économie d’une préoccupation esthétique. Ne serait-ce que pour accorder les ambitions paradoxales de la ministre de la Transition écologique et du secrétaire d’État au Tourisme.

Nicolas Chaudun est écrivain et réalisateur de documentaires. Dernier ouvrage paru: «La Nuit des aventuriers» (Plon, 2021).

1 commentaire:

  1. N'est-ce pas la capacité au discernement et à l'anticipation qui caractérise un décideur politique.Il en est de ce sujet comme de bien d'autres, le politique se prend les pattes dans la précipitation et l'électoralisme.

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