suite...et fin
● Prétantan, prétentaine
Il y a des formules qui meurent, dérivent ou se transforment. En 1842, apparaît l'expression «aller par quatre chemins» qui évoque quelqu'un qui marche ou parle sans savoir où il va. Elle n'est plus usitée que sous sa forme négative - «ne pas aller par quatre chemins».
En 1642, on disait d'un homme qui allait et venait sans but ni raison qu'il «courait la prétentaine». Utilisée au sujet d'une femme, l'expression prenait un sens figuré, signifiant que la personne du sexe se livrait à un vagabondage interdit par la bienséance et donc suspect de libertinage! Le mot prétentaine ne nous est plus familier, et pour cause, il évoque un bruit qu'on n'entend plus au 21e siècle. Ménage expliquait dans son dictionnaire que c'est «une onomatopée du bruit que font les chevaux en galopant: prétantan, prétantan, prétantaine».
● Au goût du jour depuis un siècle ou 1000 ans.
On utilise tous les jours des centaines d'autres expressions idiomatiques que le cours des siècles a charriées jusqu'à nous. Florilège, des plus récentes aux plus anciennes:
- «Il ne manquerait plus que ça!», «Ca ne nous rajeunit pas», «mettre la puce à l'oreille», «de source sûre» datent du 19e siècle
- «Mon petit doigt m'a dit», «motus et bouche cousue», «mettre sa main au feu», «jeter la pierre» remontent au 17e siècle.
- Au 16e, apparaissent des expressions qui n'ont pas pris une ride: «Comme dit l'autre», «tenir à quelqu'un comme à la prunelle de ses yeux», «prendre quelqu'un au mot», «avoir quelque chose au bout de la langue», «en catimini», «mentir comme un arracheur de dents», «prendre quelqu'un au mot» .
- Au 15e, on «sautait du coq à l'âne» et on «revenait à ses moutons».
- Au 14e, on «n'en pensait pas moins».
- Au 13e, on «découvrit le pot aux roses» et on inventa l'expression «de fil en aiguille».
- Au 12e «pêle-mêle» apparut.
● Parler par B. et F.
Mais c'est à un gros mot que revient la palme de l'ancienneté. Au 11e siècle, on disait déjà «fils à putain». Mille ans après, l'expression s'est à peine modifiée.
Quant au bon vieux «merde», on le trouve dans le Roman de Renart au 12e siècle: «Passe outre, dist Renart, fi! merde».
Autre expression multiséculaire qui a encore la faveur des cours de récréation: «gros porc», répertorié depuis le 16e siècle. Nos enfants parlent donc comme au temps de Rabelais.
Au 18e, on disait de quelqu'un qui a un langage ordurier «qu'il ne parle que par B et F» c'est-à-dire par «bougre» et «foutre» (la décence interdit de traduire ici ces mots en vocables contemporains). On composa alors de nouvelles insultes comme «peigne-cul» et «jean-foutre». Depuis le lexique a changé mais le registre est toujours le même. On tourne en rond. À quand un concours de jurons inédits, de noms d'oiseaux qui volent plus haut que le niveau de la ceinture?
● Libérons la langue
C'était une gageure de constituer un dictionnaire de ces locutions qui fleurissent notre parler de métaphores surgies d'on ne sait où. Transmise oralement mais exclue de l'université, leur définition est volage et leur origine s'est souvent perdue. «Les expressions n'ont pas toujours un sens bien droit, bien carré, le même pour tous les individus qui les emploient», remarque Claude Duneton. Cette fantaisie poétique qui contrevient à la règle d'or de la «rationalité française» l'enchante. Et il regrette qu'on n'enseigne pas aux écoliers que les rigueurs de la grammaire française peuvent se conjuguer avec la liberté d'inventer et d'associer des mots de tous les jours, pour tous les jours.
Le Bouquet des expressions imagées
Le Bouquet des expressions imagées
Claude Duneton et Sylvie Claval,
collection Bouquins, Robert Laffont, 1728 p., 35€.
Au beau pays de Provence, il advient que l'on assassine les ânes à coup de figues.
RépondreSupprimerBernard-Henry, prends garde !
J.
"Autant vouloir tirer du sang à une rave !"
RépondreSupprimer- Tu te sens visé, Bernard-Henry ?