Jean-Claude Pirotte (1939-2014) est poète, romancier et peintre.
Il exerce la profession d'avocat de 1964 à 1975. Il est condamné à 18 mois de prison sans sursis et deux mois de contrainte par corps pour avoir soi-disant favorisé la tentative d'évasion d'un de ses clients (acte qu'il a toujours nié). Condamné à un emprisonnement, il s'y soustrait en vivant clandestinement jusqu'à la péremption de sa peine en 1981.
Sa vie n'est alors qu'une longue errance entre la Bourgogne, la Charente, la Catalogne au gré de l'accueil que lui fournisse ses amis. Cette vie précaire, douloureuse parfois, se retrouve dans ses livres. Même après la péremption de sa peine il poursuivra ses errances.
En 1995 il s'installe au Portugal, revient en France en 1996, réside à la villa Mont-Noir, la résidence d'écrivains installée dans la propriété de Marguerite Yourcenar, près de la frontière belge, en 1998, et s'installe dans l'Aude en 1999.
Il expose ses dessins et peintures et illustre de nombreux ouvrages. Il tient une chronique de poésie dans le magazine Lire.
Depuis 2007 sa vie se partage entre le Revermont et les polders du Nord.
En 2010, il s'installe à Beurnevésin dans le Jura, à la frontière suisse, avec sa compagne, l'écrivaine Sylvie Doizelet (1959). Ils se sont rencontrés en 1999 à la Villa Mont-Noir.
En 2012, il reçoit le Goncourt de la Poésie pour l'ensemble de son œuvre.
croque-mort et croque-au-sel
on dit mourir pour des prunes
ou travailler seul
se fatiguer pour le roi
de Prusse ou la galerie
se vouer à la monarchie
faut-il être bête pour croire
à la gratitude du ventre
chacun sait que tout est à vendre
les chats les chiens les enfants
cela dure depuis longtemps
on en fait des poèmes faux
truqués comme des bilans
les ombres autrefoisavoir vraiment peu de moyenset pas d'idées du toutc'est la gloire à l'infinion entend les pins sylvestresmurmurer des mots éparset par les soirs la chevêchechuchoter avec la luneon ne comprend rien mais c'est beaud'être égaré
croque-mort et croque-au-sel
je vais à la chasse aux fées
qui est interdite en été
le bonheur de braconner
c'est de conter fleurette aux fées
moins farouches qu'en hiver
et beaucoup moins habillées
mais la chasse aux faits d'hiver
je la laisse aux hommes verts
les ombres autrefois
dans l'épuisement du matin
l'homme est courbé comme le saule
au bord de la rivière mauve
l'homme se prend la tête à deux mains
je me sens couler doucement
entre les roseaux de la rive
je ne rime plus je dérive
un papillon mon ultime compère
attrape un rayon de soleil
il ne sait rien de la durée
mais quant à moi j'ai trop duré
je demande que l'on me laisse
les ombres autrefois
en ouvrant la valise
on n'a trouvé qu'un poème
le corps gisait dans le fossé
sous un buisson de vipérines
le poème disait ceci
me voici libre comme l'air
je voyage avec les insectes
et les mouches familières
en compagnie d'une épeire
sa toile couronne ma vie
mon destin passe par l'oubli
et l'abandon des horaires
en ouvrant la valise
on n'a trouvé qu'un poème
le corps gisait dans le fossé
sous un buisson de vipérines
le poème disait ceci
me voici libre comme l'air
je voyage avec les insectes
et les mouches familières
en compagnie d'une épeire
sa toile couronne ma vie
mon destin passe par l'oubli
et l'abandon des horaires
croque-mort et croque-au-sel
c'est au mètre que j'écris
les poèmes du carnet
ils sont fanés ils sont gris
canés avant d'être nés
les pages multicolores
de ce carnet pour artistes
elles m'inspirent l'horreur
de n'être pas ébéniste
ou simple cultivateur
ou fabricant de moteurs
ou notaire ou parasite
ou déjà mort à cette heure
j'espère prendre la fuite
mais le carnet me menotte
et me tient ici captif
de moi-même en quelque sorte
c'est au mètre que j'écris
les poèmes du carnet
ils sont fanés ils sont gris
canés avant d'être nés
les pages multicolores
de ce carnet pour artistes
elles m'inspirent l'horreur
de n'être pas ébéniste
ou simple cultivateur
ou fabricant de moteurs
ou notaire ou parasite
ou déjà mort à cette heure
j'espère prendre la fuite
mais le carnet me menotte
et me tient ici captif
de moi-même en quelque sorte
Jean-Claude Pirotte
in Plein emploi
"j'espère prendre la fuite
RépondreSupprimermais le carnet me menotte
et me tient ici captif
de moi-même en quelque sorte"
Courage. Fuyez.
J.