vendredi 1 septembre 2017

Baudelaire









150 ans de la mort de Baudelaire: Ferré et Gainsbourg chantent le poète




L'auteur des Fleurs du mal s'est éteint le 31 août 1867 à Paris. En hommage à son génie, on vouprésente trois fleurs maladives, L'albatros, Le serpent qui danse et L'horloge interprétés, en musique, par Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Mylène Farmer.

Baudelaire qui croyait à la musicalité des mots et des phrases aurait peut-être écouté avec volupté les interprétations de L'albatros et d'un serpent qui danse par Léo Ferré et Serge Gainsbourg. Déjà de son vivant il écrivit à la nièce de Victor Hugo ce qu'il pensait de l'adaptation en musique de ses poèmes: «Madame, voici des mélodies de mon ami Cressonnois, que je n'ai jamais entendu exécuter. Je compte un peu sur vous pour me faire cette grâce».
L'idée n'est donc pas nouvelle. Le disque et les possibilités modernes du milieu du XXe siècle ont pu mener les prémices mélodiques esquissées en 1863, quatre ans avant la mort de Charles Baudelaire.
Léo Ferré (et son héritier Jean-Louis Murat) ont été les plus respectueux et les plus humbles en ne faisant qu'effleurer les fameuses fleurs maladives, qui firent tant de scandales à leur première publication. Mais Il faut admettre que c'est Serge Gainsbourg le maudit, et Mylène Farmer, la poétesse libertine qui ont approché au plus près son esprit en créant des mélodies subversives en adéquation avec la geste baudelairienne qui proclamait au début des Fleurs du mal: «C'est le diable qui tient les fils qui nous remuent!»
Voici trois poèmes de Charles Baudelaire, revus mais pas corrigés, par Léo Ferré, Serge Gainsbourg, MylèneFarmer.


L'albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées 
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Léo Ferré

Le serpent qui danse

Que j'aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d'enfant
Se balance avec la mollesse
D'un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D'étoiles mon coeur !


Serge Gainsbourg

L'horloge

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : " Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. 

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! "

Mylène Farmer

2 commentaires:

  1. Un grand "Merci Nuage Neuf !" pour cette juxtaposition de mise en musique des mots de notre Grand Charles.
    Je vois ça comme des ronds dans l'eau à la fois vivifiants et rédempteurs.

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    1. Pour la date du 31 août, il y avait le choix entre la mort de Baudelaire ou celle de la princesse Diana. Pour une fois notre choix fut tout sauf subjectif!

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