samedi 23 décembre 2017

Hugo. La rencontre de Cosette et Marius.






Ce 26 février 1802,Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte, / Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,  " naît Victor Hugo à Besançon. Plutôt qu'une ennuyeuse "causette", on retrouvera cet extrait tiré des Misérables -1862 - Tome IV, livre V, chapitre VI. 





La rencontre entre Cosette et Marius  


Le soir venu, Jean Valjean sortit, Cosette s’habilla. Elle arrangea ses cheveux de la manière qui lui allait le mieux, et elle mit une robe dont le corsage, qui avait reçu un coup de ciseau de trop, et qui, par cette échancrure, laissait voir la naissance du cou, était, comme disent les jeunes filles, «un peu indécent». Ce n’était pas le moins du monde indécent, mais c’était plus joli qu’autrement. Elle fit toute cette toilette sans savoir pourquoi.



(…)



Il la prit, elle tombait, il la prit dans ses bras, il la serra étroitement sans avoir conscience de ce qu’il faisait. Il la soutenait tout en chancelant. Il était comme s’il avait la tête pleine de fumée ; des éclairs lui passaient entre les cils ; ses idées s’évanouissaient ; il lui semblait qu’il accomplissait un acte religieux et qu’il commettait une profanation. Dureste il n’avait pas le moindre désir de cette femme ravissante dont il sentait la forme contre sa poitrine. Il était éperdu d’amour.
      Elle lui prit une main et la posa sur son cœur. Il sentit le papier qui y était. Il balbutia :
      — Vous m’aimez donc ?
      Elle répondit d’une voix si basse que ce n’était plus qu’un souffle qu’on entendait à peine :
      — Tais-toi ! tu le sais !
      Et elle cacha sa tête rouge dans le sein du jeune homme superbe et enivré.
      Il tomba sur le banc, elle près de lui. Ils n’avaient plus de paroles. Les étoiles commençaient à rayonner. Comment se fit-il que leurs lèvres se rencontrèrent ? Comment se fait-il que l’oiseau chante, que la neige fonde, que la rose s’ouvre, que mai s’épanouisse, que l’aube blanchisse derrière les arbres noirs au sommet frissonnant des collines ?

Un baiser, et ce fut tout.
      
Tous deux tressaillirent, et ils se regardèrent dans l’ombre avec des yeux éclatants. Ils ne sentaient ni la nuit fraîche, ni la pierre froide, ni la terre humide, ni l’herbe mouillée, ils se regardaient et ils avaient le cœur plein de pensées. Ils s’étaient pris les mains, sans savoir.


.../...


Note :  Que ce « ce fut tout » est équivoque, hors contexte !
« ce fut tout » et ensuite l'emportement, le ravissement ?

ou

« ce fut tout » et ensuite l'absence puis le silence ?

Autrement dit:

« ce fut tout » : pas de mots pour le dire. 

ou

« ce fut tout » : plus rien à dire.


?...

Edvard MUNCH
Le baiser, 1897


.../...

Ils ne sentaient ni la nuit fraîche, ni la pierre froide, ni la terre humide, ni l’herbe mouillée, ils se regardaient et ils avaient le cœur plein de pensées. Ils s’étaient pris les mains, sans savoir.
Elle ne lui demandait pas, elle n’y songeait pas même, par où il était entré et comment il avait pénétré dans le jardin. Cela lui paraissait si simple qu’il fût là.
De temps en temps le genou de Marius touchait le genou de Cosette, et tous deux frémissaient.

Par intervalles, Cosette bégayait une parole. Son âme tremblait à ses lèvres comme une goutte de rosée à une fleur.
Peu à peu ils se parlèrent. L’épanchement succéda au silence qui est la plénitude. La nuit était sereine et splendide au-dessus de leur tête. Ces deux êtres, purs comme des esprits, se dirent tout, leurs songes, leurs ivresses, leurs extases, leurs chimères, leurs défaillances, comme ils s’étaient adorés de loin, comme ils s’étaient souhaités, leur désespoir, quand ils avaient cessé de s’apercevoir. Ils se confièrent dans une intimité idéale, que rien déjà ne pouvait plus accroître, ce qu’ils avaient de plus caché et de plus mystérieux. Ils se racontèrent, avec une foi candide dans leurs illusions, tout ce que l’amour, la jeunesse et ce reste d’enfance qu’ils avaient leur mettaient dans la pensée. Ces deux cœurs se versèrent l’un dans l’autre, de sorte qu’au bout d’une heure, c’était le jeune homme qui avait l’âme de la jeune fille et la jeune fille qui avait l’âme du jeune homme. Ils se pénétrèrent, ils s’enchantèrent, ils s’éblouirent.
Quand ils eurent fini, quand ils se furent tout dit, elle posa sa tête sur son épaule et lui demanda :
— Comment vous appelez-vous ?
— Je m’appelle Marius, dit-il. Et vous ?
— Je m’appelle Cosette.


Victor HUGO
In Les Misérables
1862



5 commentaires:

  1. Dommage.
    Pas de Hugo pour raconter la rencontre de Brizitte et de p'tit Manu.

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  2. Mon beau-père, peu cultivé et que j'ai fort aimé, se présentait en disant : je suis né lorsque ce siècle avait deux ans. Pitié, Nuage Neuf-Neuf... Faites en sorte avec votre haut blog, que les beaux-pères d'aujourd'hui ne se référencent pas à celui que nomme avec justesse Anémone : le pantin Johnny !

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  3. @R.Cavalié

    - N'avons pas tout compris. Désolés. Préciseriez-vous ? -;)

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