mercredi 27 décembre 2017

MERIMEE. La dictée






"Blanquer annonce une dictée quotidienne en primaire"



                  La dictée faisait partie des passe-temps de la cour de l'empereur Napoléon III. Mythe ou réalité, la dictée attribuée à Mérimée a mis à l'épreuve les souverains ainsi que leurs invités.
                                Napoléon III commit 75 fautes, l'impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul un étranger, le prince de Metternich, ambassadeur d'Autriche, n'en fit que 3.
 Voici le texte de "la fameuse dictée" publiée par Léo Claretie en 1900.


La fameuse dictée :

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.

- Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.



La dictée du bicentenaire de Mérimée :

En septembre 2003, en hommage à Mérimée, Bernard Pivot a créé la dictée de Compiègne du bicentenaire de Mérimée, texte qui est publié dans l'ouvrage de Françoise Maison, La Dictée de Mérimée, Château de Compiègne, Séguier, 2003, 64p.


La dictée de Bernard Pivot :

NAPOLÉON III : MA DICTÉE D'OUTRE-TOMBE 


Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c'est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l'esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu'aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j'étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d'autres. Pourvus d'antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit.
 En échange de quoi ?
 D'un cuissot de chevreuil du Tyrol ?

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Une petite uchronie


LE GUÊPIER DE MÉRIMÉE 

À la cour de Napoléon III, Prosper Mérimée fut une sorte de phare de savoir et d’intelligence. Par un  après-midi pluvieux de 1857, pour distraire les beaux esprits assemblés au château, l’auteur de Carmen eut l’idée saugrenue de leur soumettre une dictée… Quelques lignes seulement, mais qui offraient une terrifiante concentration d’écueils parmi les plus imparables de l’orthographe française !  Cris, effrois, la plupart des courtisans se désistèrent : ils refusaient de se ridiculiser publiquement pour des participes passés trop complexes. Pourtant, un petit groupe suivit l’empereur et l’impératrice, décidés à tenter l’épreuve pour ne pas paraître lâches aux yeux de leurs sujets. Réunis autour d’une grande table, dont l’usage fut pour l’occasion détourné de son service de la chère, les courageux participants aiguisèrent leur plume. Aucun d’entre eux ne bayait aux corneilles : il s’agissait plutôt de se remémorer, en un tournemain, règles d’accord et conjugaisons étudiées quelques décennies plus tôt. Mérimée commença à dicter lentement un texte où il était entre autres question d’arrhes réglées. À ces mots-là, non qu’elle voulût provoquer d’esclandre public, mais l’impératrice renâcla : — Monsieur, vous vous moquez de nous ! Bientôt, les derniers mots de la dictée tombèrent. Quelle qu’eût été la difficulté du texte, Mérimée accorda à peine un tour de clepsydre aux concurrents pour se relire. Puis il ajusta ses bésicles dorées et se mit à corriger sur-le-champ… — Que de fautes ! Que de fautes ! ne cessait-il de répéter, comme s’il eût été atteint de psittacisme. Pour autant, la sentinelle du bien-dire se vit plusieurs fois obligée de se reporter au texte pour s’assurer d’une graphie correcte. Enfin, Mérimée proclama les résultats : — Le lauréat est le prince Richard de Metternich avec seulement trois fautes ! Ainsi donc, le plus féru en orthographe et sémantique françaises était ce diplomate viennois, ambassadeur à Paris de l’empire d’Autriche. L’Empereur, dit-on, avait aligné quelque quarante-cinq fautes et l’impératrice quelque soixante-deux… Quant à Alexandre Dumas fils — qui avait quand même malmené l’orthographe à vingt-quatre reprises —, il se montra beau joueur et alla serrer la main du gagnant… 


      Bonnes dictées, bonnes vacances !

1 commentaire:

  1. Je ne me souviens + du nombre de fautes que j'ai faites lors de ces dictées, celle de Mérimée de même que celle de Pivot. Seuls demeurent, le souvenir des chers amis avec lesquels j'ai planché et, l'inanité des textes à reproduire.
    Ceci dit, la dictée, j'adore car on est deux pour la faire : le lecteur et le scripteur, tous deux intéressés par une langue qu'ils tirent à bon escient.

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