vendredi 27 avril 2018

ROSEMONDE GERARD. L'éternelle chanson






Rosemonde Gérard





L'éternelle chanson


Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs
Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants ;
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encor de jeunes amoureux,
Et je te sourirai, tout en branlant de la tête,
Et nous ferons un couple adorable de vieux ;
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec de petits yeux attendris et brillants,
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs.


Sur le banc familier, tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois, nous reviendrons causer.
Nous aurons une joie attendrie et très douce,
La phrase finissant souvent par un baiser ;
Combien de fois, jadis, j'ai pu dire : " Je t'aime ! "
Alors, avec grand soin, nous le recompterons,
Nous nous ressouviendrons de mille choses,
même De petits riens exquis dont nous radoterons ;
Un rayon descendra, d'une caresse douce,
Parmi nos cheveux blancs, tout rose, se poser,
Quand, sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,
Sur le banc d'autrefois, nous reviendrons causer.


Et, comme chaque jour je t'aime davantage,
- Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain -
Qu'importeront alors les rides du visage
Si les mêmes rosiers parfument le chemin.
Songe à tous les printemps qui, dans nos coeurs, s'entassent
Mes souvenirs à moi seront aussi les tiens ;
Ces communs souvenirs toujours plus nous enlacent
Et sans cesse entre nous tissent d'autres liens ;
C'est vrai, nous serons vieux, très vieux, faiblis par l'âge,
Mais plus fort chaque jour je serrerai ta main,
Car vois-tu, chaque jour, je t'aime davantage,
- Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain -


Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs
Au mois de Mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants ;
Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
Nous nous croirons encore aux heureux jours d'antan,
Et je te sourirai, tout en branlant la tête,
Et tu me parleras d'amour en chevrotant ;
Nous nous regarderons, assis sous notre treille,
Avec des yeux remplis des pleurs de nos vingt ans...
Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs !


Rosemonde GERARD
in Les Pipeaux, 1889



Rosemonde Gérard et son mari, Edmond Rostand




3 commentaires:

  1. "Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants (...)"

    Oh ! Rosemonde !

    RépondreSupprimer
    Réponses

    1. Que vous avez l'esprit bien mal tourné ! C'est à désespérer nos efforts réitérés pour favoriser l'accès de chacun à la poésie...
      Vous osez voir dans ce vers un kakemphaton. Qu'auriez-vous pensé si Me Gérard avait écrit "Où s'était-on perdu?" (ses tétons) ou encore si nous avions publié deux vers de Polyeucte "Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle/Et le désir s'accroît quand l'effet se recule."?

      Nous vous souhaitons néanmoins - ou nez en plus, comme disait Cléopâtre - le bonjour.

      Supprimer
  2. Tsss, Tsss, laissez Rosemonde en paix car elle me plaît !

    RépondreSupprimer

Merci d'utiliser cet espace pour publier vos appréciations.