Dans ses "Essais", Philippe Muray ne se contente pas de donner des noms. Il leur accole toujours une petite gentillesse. Florilège.
Le philosophe Philippe Muray, dont le premier tome du Journal était paru aux éditions des Belles Lettres, a longtemps pratiqué l’art noble, antique, et même homérique, de l’épithète. On en trouvait déjà mille exemples dans les premiers de ses Essais (1812 pages, même éditeur). Par la suite, il semble avoir moins cultivé le genre. On peut le regretter, car il en avait renouvelé le principe.
Homère se contentait, le paresseux(!), d’un seul trait: «Achille aux pieds légers», «Athena, déesse aux yeux pers», «l’Aurore aux doigts de fée». Ou même, platement : «Ulysse, fils de Laerte». Si Muray se satisfait parfois d’un seul adjectif, il pousse fréquemment son effort plus loin: quelques attributs, parfois une image, ou tout un tableau.
Aubry (Martine) : « Indignante »
Blair (Tony) : « Crétin ravi »
Boulez (Pierre) : « Transgresseur décoré», «Novateur contemporain à perpétuité»
Boutin (Christine) : « Providentielle »
Buffet (Marie-George) : « Aux grandes oreilles »
Char (René) : « Cacographe officiel »
Charlie-Hebdo : « Feuille paroissiale »
Chirac (Jacques) : « Bourrin de Troie de l’Otan», «Philosophe de fast-food»
Clinton (Bill) : « Tueur humanitaire»
Cohn-Bendit : « Pénible », «Candidat-Mickey aux élections européennes»
Darrieussecq (Marie) : «Désagréable», «Terrifique»
Delanoë (Bertrand) : «Delanoël», «Infinitésimal», «Pimpant», «Avec son nom de Déluge dans Paris rollerisé»
Duras (Marguerite) : « Bouche d’Ombre de l’Ecrit Primal»
Eurodisney : « Ninive interactive», «colonie distractionnaire», «Eurobabylone», «Eros center infantile», «Disneygraal de l’Idiote au bois dormant»
Hue (Robert) : « Stalinien tendance Sacrée soirée»
Jardin (Alexandre) : « Tête à claque et à succès», «Jardin des supplices»
Jospin (Lionel) : « Rebellocrate», «Champion exemplaire des marathonades de la Vertu»
Kouchner (Bernard) : « Edulcoreur ministériel»
Lang (Jack) : «haut dignitaire techno», «Manitou de la rave comme volonté et comme représentation», «grosse légume en somme du monde hyperfestif», «Chapelier fou du Pays des Merveilles numériques», «Lièvre de Mars sur Internet», «Postillonneur numérique», «Tâcheron galonné de la modernité caramélisée», «Ministre des farces et attrapes», «Thespys des grandes surfaces», «Vieux cheval de Troie et de retour de toutes les imbécillitéslyriques», «Mondialisateur culturel», «Rhizome lyrique»
Le Pen (Jean-Marie) : «Saddam Hussein des Clinton de poche»
Libération : «Journal officiel»
Maastricht (Traité de) : «Sécrétion mégalomane», «Pataquès comploté par douze potentats en phase maniaque», «Micmac lugubre»
Mitterrand (François) : «Chef-d’œuvre des jeunes loups philanthropes et des golden boys éthiques», «Enfant des enfants trouvés», «Trouvaille de la “génération Mitterrand”»
Morin (Edgar) : «Approuveur polyvalent»
Nouvel Observateur (Le) : «Magazine néo-mystique»
Nova Magazine : «Organe de la bien-pensance jeune», «Publication officielle de l’Eglise hyperfestive»
Pivot (Bernard) : «télé-évangéliste», avec sa «fausse bonasserie postillonnante, ses fous-rires de pucelle, ses yeux ronds de poisson des Alpes, sa jovialité de ballot du Danube, ses extases d’épicier empâté, ses lunettes sur le front, ses finasseries de fanfare municipale et ses pseudo-sévérités de maître d’école ballonné de fleurs de rhétorique», «absolu de l’horreur anti-littéraire»
Royal (Ségolène) : «Mutine de Panurge», «Effrayante», «Désopilante»
Sartre et Beauvoir (Jean-Paul et Simone de) : «Les célèbres Thénardier des lettres»
Savigneau (Josyane) : «Castafiore du Mondial des livres», «Ecumeuse de lieux communs»
Serres (Michel) : «L’Alphonse Daudet de la néo-épistémologie médiatisée saisi par la débauche écologique», «Le petit Chose du Concept devenu Académicien», «Dispensateur suprême de la cyber-pommade des temps multimédias»
Tasca (Catherine) : «Effarante»
Technikart : «Juvénocrate», «Post-yéyé façon Age tendre et tête de nœud»
Trautmann (Catherine) : «Agent d’ambiance en chef de l’Espace Culture», «Métaphysicienne du millénarisme de proximité»
Viviant (Arnaud) : «Infinitésimal», «Roquet aux Inrocks», «Disc-roquet», «Empoté du bocal»
Voynet (Dominique) : «Anesthésiste gouvernementale»
Serres (Michel) : «L’Alphonse Daudet de la néo-épistémologie médiatisée saisi par la débauche écologique».
RépondreSupprimerEt cela ne s'est pas arrangé, pour ce ravi de la crèche, depuis la publication des Essais !
Voilà une excellence dose d'endorphine pour passer une journée ensoleillée, même sous la pluie !
Bonjour Jacques,
SupprimerSans oublier Lang (Jack): Ministre des farces et attrapes, Pivot (Bernard) : «télé-évangéliste», avec sa «fausse bonasserie postillonnante, ses fous-rires de pucelle, ses yeux ronds de poisson des Alpes, sa jovialité de ballot du Danube, ses extases d’épicier empâté, ses lunettes sur le front, ses finasseries de fanfare municipale et ses pseudo-sévérités de maître d’école ballonné de fleurs de rhétorique»,-tellement bien analysé, un régal-ou . encore Sartre et Beauvoir (Jean-Paul et Simone de) : «Les célèbres Thénardier des lettres».
On ne se lasse pas.
Oh que non, cher Nuage, on ne se lasse !
SupprimerMais dans la joyeuse et pétaradante mitraille de Muray, j'avoue un faible pour cette qualification "d'Alphonse Daudet", suspendue, comme une aile de moulin à vents philosophiques, aux abondants sourcils de notre chantre de l'Optimisme immarcescible et insubmersible .
Le lisant ou l'écoutant en des temps anciens (j'ai, depuis, pardon, rendu les armes) je ne pouvais jamais m'empêcher de songer à Bernanos, dans les Grands Cimetières sous la Lune :
" L’optimisme m’est toujours apparu comme l’alibi sournois des égoïstes, soucieux de dissimuler leur chronique satisfaction d’eux-mêmes. Ils sont optimistes pour se dispenser d’avoir pitié des hommes, de leur malheur."
Cela dit, "Thénardier des lettres" est tout autant meurtrier !
C'est aussi l'Alphonse Daudet que j'ai préféré ! 1 excellent exercice pour Atelier d'écriture ..
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