mardi 22 janvier 2019

Claude ROY. Deux poèmes





Claude ROY est né à Paris, le 28 août 1915. Il est d’ascendance charentaise et espagnole. Il fait des études de droit et exerce en même temps des petits métiers, "gagne-pain incertains".

Claude ROY est poète mais son style ne peut pas être cantonné à la poésie car il aime utiliser des moyens d’expression très variés ; il choisit la multiplicité pour mieux transmettre son message. Poèmes ou prose, de ses mots, naissent des images, des émotions.
Chez Claude ROY, deux facettes, l’homme sérieux, le penseur philosophe et le poète rêveur qui veut rire de tout, jouer avec les mots.

Il meurt en décembre 1997, à 82 ans.

Extrait de la biographie écrite par Catherine Réault-Crosnier




Une patte à tâtons



Le petit chat nommé Chaton

Mettait sa patte-z-à-tâtons

Dans le tricot de Madelon,


Dans la soupe de potiron,   

Dans la barbe d’oncle Léon,

Dans le pot de lait de Suzon,

Madelon, Suzon et Léon,

Et la soupe de potiron

Disaient au chat nommé Chaton :



« Si tu mets ta patte à tâtons

Dans la soupe de Madelon,

Dans la barbe d’oncle Léon,

Méfie-toi, chat nommé Chaton,

On te donnera du bâton. »



Chaton n’entendait pas raison,

Il mit la patte-z-à-tâtons

Dans la braise et dans les brandons.



Voilà pourquoi le chat Chaton

Porte une poupée de chiffon

Qu’à sa patte noua Madelon.



Claude Roy

*

Le hibou et l’hirondelle



Moi, dit le hibou

A l’hirondelle,

J’ai un beau jabot,

Des gants élégants

Je suis un monsieur

Tout à fait sérieux.

Je suis important



Moi, dit l’hirondelle

Qui file à tire d’aile

Moi, dit l’hirondelle

Je vole et je vais

Je suis bien contente

Et c’est beaucoup mieux.



Claude Roy

*
Tout autre chose maintenant; à l'annonce du cancer qui veut le réduire, en 1982, il écrit dans son Journal intime:

« A mon tour maintenant. Le peuple élu du cancer. C’est banal. J’y suis arrivé, comme tant d’autres. Je me demande comment je vais prendre ça. Je suis comme celui perdu dans une foule qu’un flic interpelle et qui se demande si c’est vraiment à lui qu’on en veut.
- Hep, vous, là-bas !
- Moi ?
- Oui. Vous.

Pas d’erreur. C’est bien de moi qu’il s’agit. Inutile de prendre l’air ahuri. Je m’aperçois que j’ai toujours vécu avec un oeil en coin sur la mort, comme on garde en réserve un sujet qu’on se propose de traiter sérieusement et à fond, un jour, plus tard. Mais on a bien le temps. »

3 commentaires:

  1. Merci pour cette publication, légère et profonde à la fois.

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  2. Claude Roy est à l'évidence meilleur poète que "bon français" ( il s'est égaré au début de la guerre sur des chemins de traverse).

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