samedi 7 septembre 2019

Entebbe, 4 juillet 1976



Yitzhak Rabin s’adresse aux soldats engagés dans le raid. - Crédits photo : Mookie Betser/Mookie 



En 1976, des terroristes palestiniens détournent vers Entebbe un Airbus d’Air France parti de Tel-Aviv. Au bout d’une action audacieuse menée à 3000 km de leurs bases, les commandos de Tsahal récupéreront 104 captifs.









L’heure de vérité approche enfin, au terme d’un vol entamé il y a plus de sept heures. Dans la carlingue chahutée par les turbulences orageuses, les soldats étirent leurs membres engourdis et vérifient leur matériel. Certains ont réussi à dormir quelques heures. D’autres, incommodés par les secousses ininterrompues ou raidis par la tension, n’ont pas fermé l’œil. Aux commandes de l’avion C-130 Hercules qui survole la trame sombre du lac Victoria, le commandant Joshua Shani et son copilote découvrent deux sillons lumineux à travers les ténèbres. L’équipage, qui s’est entraîné la veille à atterrir dans une obscurité totale au cas où les contrôleurs aériens de l’aéroport d’Entebbe songeraient à couper l’éclairage de la piste, laisse échapper un soupir de soulagement. L’effet de surprise, leur a-t-on répété avant le déclenchement de cette opération si loin de leurs bases, est la clé de son succès.



«J’ai pensé que le premier ministre devait être devenu fou pour autoriser une telle opération»





Giora Zussman, l’un des officiers qui a dirigé l’assaut

À l’arrière, les hommes du lieutenant-colonel Yonatan Nétanyahou se sont tassés dans une Mercedes noire munie de fausses plaques et ornée d’un petit drapeau jaune-rouge-noir, ainsi que dans deux jeeps Land Rover armée chacune d’une mitrailleuse de calibre 7,62. Les trente-six soldats, tous membres de l’unité d’élite Sayeret Matkal, ont revêtu des uniformes aux motifs léopard semblables à ceux de l’armée ougandaise. Leur plan un peu fou consiste à tromper la vigilance des soldats déployés sur l’aéroport en faisant passer leur petit commando pour un cortège officiel transportant le président Idi Amin Dada. Une fois les véhicules déchargés sur le tarmac, ils disposeront de sept minutes pour gagner le terminal désaffecté où sont parqués 104 otages, neutraliser les terroristes qui les retiennent mais aussi parer à une possible riposte ougandaise. «Si chacun fait son travail, a annoncé la veille Yoni Nétanyahou devant ses supérieurs (1), nous ne devrions pas avoir de problème.»
La confiance affichée par le jeune et ombrageux officier, qui a écourté une mission dans la péninsule du Sinaï pour diriger cette opération hors norme, a sans doute contribué à forger la décision des dirigeants israéliens. Mais elle ne peut rien contre les craintes qui les assaillent à l’approche du dénouement. À Tel-Aviv, dans les locaux du ministère de la Défense, le premier ministre Yitzhak Rabin, le ministre de la Défense Shimon Peres et le chef d’état-major Motta Gur sont réunis. Le premier, craignant qu’une intervention militaire ne se solde par un bain de sang, s’est fait tordre le bras pour l’autoriser. Malgré la créativité des stratèges de Tsahal et la moisson de renseignements collectés ces dernières heures par le Mossad, trop d’incertitudes entourent à son goût l’issue du raid.



En survolant la mer Rouge à une trentaine de mètres d’altitude, les quatre C-130 Hercules qui transportent les forces spéciales ont déjoué les radars égyptiens, saoudiens et soudanais. Mais après? Comment être certain que les précieuses informations livrées par les captifs relâchés, 48 heures plus tôt, sur la localisation de leurs compagnons d’infortune ne sont pas devenues caduques? Et surtout: quelle sera la réaction des forces ougandaises, dont l’attitude depuis le début de la prise d’otages témoigne au minimum d’une certaine bienveillance envers les terroristes? «Jusqu’au dernier moment, expliquera des années plus tard Giora Zussman (2), l’un des officiers qui a dirigé l’assaut, j’ai pensé que le premier ministre devait être devenu fou pour autoriser une telle opération.»
Les dirigeants israéliens, en ce début d’été 1976, n’en sont pourtant pas à leur première prise d’otages. Depuis la guerre de juin 1967, le Front populaire de libération de la Palestine-Opérations extérieures (FPLP-OE) s’est spécialisé dans le détournement d’avions civils en provenance ou à destination de Tel-Aviv. Il prétend ainsi compenser la supériorité militaire de l’État hébreu. En 1968, le piratage vers Alger d’un vol en provenance de Paris a pour la première fois contraint le gouvernement israélien à libérer seize condamnés arabes. Le 30 mai 1972, une attaque menée sur l’aéroport de Lod par trois membres de l’Armée rouge japonaise prétendant agir pour le compte du FPLP-OE a fait 26 morts. Les mesures de sécurité ont aussitôt été renforcées et, la même année, l’unité Sayeret Matkal y a mené un assaut victorieux contre des terroristes palestiniens retranchés dans un Boeing 707 de la Sabena.

Le pire des scénarios

Ce 27 juin, lorsqu’ils apprennent que des pirates de l’air ont profité d’une escale à Athènes pour prendre le contrôle d’un Airbus 300 d’Air France en provenance de Tel-Aviv, les généraux israéliens ne tombent donc pas totalement des nues. Convaincus que l’appareil et ses 246 passagers vont bientôt se poser à Lod, ils dépêchent une équipe d’intervention et se préparent à y rejouer un scénario connu. Mais les événements ne tardent pas à leur donner tort. L’avion, au lieu de virer vers Israël, met le cap sur la Libye. Trois hommes et une femme armés de revolvers et de grenades en ont pris le contrôle peu après le décollage. Deux d’entre eux, Wilfried Böse et Brigitte Kuhlmann, sont allemands et se réclament de la Fraction Armée rouge. Les deux autres sont des militants palestiniens du FPLP-OE.



L’un des quatre C-130 qui ont participé au raid.
L’un des quatre C-130 qui ont participé au raid. - Crédits photo : Government Press Office /MOSHE MILNER

Sur leurs ordres, l’avion se pose d’abord à l’aéroport de Benghazi, où le gouvernement de Mouammar Kadhafi autorise son ravitaillement en carburant. Puis l’appareil redécolle et fait route vers la région des Grands Lacs pour atterrir, au beau milieu de la nuit, sur l’aéroport d’Entebbe. Presque aussitôt, des militaires ougandais se déploient sur le tarmac tandis que la France, légalement responsable de la sécurité de ses passagers, dépêche son ambassadeur. Pour l’État hébreu, qui dénombre 76 ressortissants à bord, c’est le pire des scénarios. D’abord parce que jamais, jusqu’à ce jour, des preneurs d’otages palestiniens ne s’étaient aventurés aussi loin d’Israël. Mais surtout parce qu’ils ignorent tout du rôle et des intentions du président ougandais.
Idi Amin Dada, qui a pris le pouvoir cinq ans plus tôt lors d’un coup d’État, s’est un temps comporté en ami de l’État hébreu. Mais les deux pays sont brouillés depuis que ce tyran paranoïaque, dont le règne se solda par la disparition de dizaines de milliers d’Ougandais, a brusquement expulsé en 1972 les officiers israéliens venus former son armée de l’air. Est-il, pour autant, de mèche avec les preneurs d’otages du vol AF139? Et protégera-t-il les terroristes en cas d’opération pour libérer les otages? Quelques heures après l’atterrissage, ceux-ci ont été transférés dans le vieux terminal désaffecté. Les Israéliens ont été rassemblés dans une pièce à part. Trois dirigeants du FPLP-OE, arrivés à Entebbe par leurs propres moyens, sont venus prêter main-forte aux preneurs d’otages. Lors de sa première visite aux captifs, le 28 dans l’après-midi, Amin se présente comme un simple médiateur. Soucieux, dit-il, de veiller à ce que leur mésaventure se termine au mieux.




À Jérusalem, cependant, où les familles des otages le supplient d’engager des négociations, le gouvernement se divise. Les ravisseurs réclament la libération de 53 prisonniers propalestiniens d’ici 48 heures sous peine de les liquider. Shimon Peres, convaincu qu’Israël s’expose à devenir la cible d’un chantage permanent s’il cède aux terroristes, presse l’armée d’imaginer un plan d’action. L’état-major hésite. Plusieurs scénarios sont envisagés, puis aussitôt repoussés. Un assaut naval mené depuis la rive kenyane du lac Victoria? Un raid conduit par plusieurs centaines de parachutistes? Mais comment, alors, évacuer les otages? Quant à envoyer des avions les récupérer en territoire hostile, à plus de 3000 km d’Israël…
Yitzhak Rabin répugne à prendre un tel risque et annonce, le 1er juillet, qu’il est prêt à négocier par l’intermédiaire de la France. Les ravisseurs, soucieux de montrer leur «bonne volonté», repoussent alors l’ultimatum au 4 juillet et libèrent en deux fois 147 otages aussitôt transférés à Paris. À leur descente d’avion, plusieurs d’entre eux sont approchés par des agents du Mossad qui cherchent à glaner un maximum de renseignements sur l’état d’esprit des terroristes, l’agencement des lieux et l’attitude des autorités ougandaises.



Maquette de l’aéroport d’Entebbe conservée par l’armée à Ramat Gan.
Maquette de l’aéroport d’Entebbe conservée par l’armée à Ramat Gan. - Crédits photo : Government Press Office

Malgré les réticences du premier ministre, les forces spéciales ont intensifié leurs préparatifs. Le hasard voulant que le bâtiment où sont retenus les otages ait été construit par une entreprise israélienne, leur commandement n’a pas eu de mal à s’en procurer les plans détaillés. Une réplique grandeur nature est fabriquée dans l’urgence sur une base proche de Tel-Aviv, où les commandos de Sayeret Matkal commencent à répéter leur manœuvre. Des repérages effectués au-dessus de l’aéroport d’Entebbe par un avion de tourisme loué par le Mossad leur fournissent des renseignements sur l’état des forces ougandaises. Entre soixante et cent hommes, discerne-t-on sur les clichés un peu flous, déployés tout autour et sur le toit du terminal.
Le témoignage des otages libérés complète le tableau. Depuis que Dora Bloch, une septuagénaire anglo-israélienne, a été transférée à l’hôpital de Kampala suite à un malaise, ils ne sont plus que 104 dont une majorité d’Israéliens et une dizaine d’enfants. Tous sont désormais réunis dans la même pièce sous la garde tournante de quatre geôliers - tandis que les trois autres se reposent à tour de rôle dans le salon VIP. Détail crucial: les otages ont ordre de rester allongés chaque soir à partir de minuit. L’armée israélienne opte pour un assaut à ce moment précis, espérant qu’il sera alors plus facile d’identifier immédiatement les preneurs d’otages.



Tout bascule le 3 juillet au matin, lorsque Yitzhak Rabin constate que les négociations avec les preneurs d’otages s’enlisent dangereusement






Tout bascule le 3 juillet au matin, lorsque Yitzhak Rabin constate que les négociations avec les preneurs d’otages s’enlisent dangereusement. Il ne reste plus que 24 heures avant l’expiration de l’ultimatum. Shimon Peres, son bouillonnant rival, profite de cet instant de doute pour lui présenter l’«Opération Tonnerre». Quatre C-130 Hercules, seuls appareils à disposer d’une autonomie suffisante pour rejoindre l’Ouganda sans escale, décolleront de Charm el-Cheikh, à l’extrême sud de la péninsule du Sinaï dont Israël a pris le contrôle en juin 1967. Une vieille Mercedes de même modèle que celle d’Idi Amin Dada a été livrée la veille aux forces spéciales, puis repeinte en noir. Ehoud Barak, jeune officier prometteur, a pris l’avion pour Nairobi afin de s’assurer que les autorités kenyanes accepteront de ravitailler les avions après l’assaut. L’heure est venue d’agir, reconnaît à l’unanimité le gouvernement israélien, qui donne son feu vert au lancement de l’opération.


La Mercedes noire est déchargée sur l’aéroport Ben-Gourion. - Crédits photo : Mookie Betser/Shlomo Rizman

Effet de surprise éventé

Les ministres, avant de se séparer, ont été invités à garder le secret. Pas un mot ne filtrera jusqu’à l’atterrissage, à 0 h 01, du premier avion militaire sur l’aéroport d’Entebbe. Contrairement à ce qu’on pourrait craindre, un calme absolu règne aux abords du nouveau terminal. La rampe de chargement située à l’arrière du C-130 Hercules, partiellement baissée dès la phase finale de l’approche, achève de s’ouvrir tandis que l’appareil s’immobilise en bout de piste. La Mercedes jaillit hors de ses entrailles, suivie des deux jeeps. À vive allure, le convoi remonte l’ancienne piste sur près de deux kilomètres puis emprunte la bretelle qui mène au terminal désaffecté avant de ralentir soudainement à l’approche de la tour de contrôle.



Plan de l’aérodrome présenté par Tsahal après l’opération.
Plan de l’aérodrome présenté par Tsahal après l’opération. - Crédits photo : Keystone/Getty Images

En lisière de la route, la Mercedes vient de tomber nez à nez avec un soldat ougandais qui la tient en joue. Yonatan Nétanyahou saisit son pistolet Beretta muni d’un silencieux. «Non Yoni, ne tire pas!», l’interrompt son adjoint. Le lieutenant-colonel Moshe «Muki» Betser, qui a participé sept ans plus tôt à une mission de formation en Ouganda, sait que les militaires ont pour habitude de pointer leur arme au passage d’un convoi officiel. Trop tard. Le soldat s’effondre, touché par au moins une balle. «Roule», ordonne Nétanyahou, qui espère encore ménager l’effet de surprise. Mais quelques instants plus tard, une rafale de kalachnikov déchire la nuit. Un membre du commando israélien a achevé le soldat ougandais qui tentait de se relever. De tous les côtés, des balles se mettent à pleuvoir. Il n’est plus temps de faire dans la discrétion.
Sans dévier de son plan initial, l’équipe d’assaut rejoint la porte du hall où sont retenus les otages puis se jette à l’intérieur. Comme prévu, les captifs sont couchés au sol tandis que leurs ravisseurs tirent, lancent des grenades et tentent de se dissimuler. Malgré la pénombre, les hurlements et la fumée, il faudra moins d’une minute au commando pour les neutraliser un par un. Lorsque la fusillade s’éteint dans le bâtiment, l’un des soldats se saisit d’un mégaphone. «Restez couchés, hurle-t-il, nous sommes des soldats de Tsahal!» Ses camarades mènent une rapide inspection à la recherche de terroristes encore en vie. Au sol, ils découvrent les corps inertes de trois otages. Ida Berkovitch et Pasco Cohen, sans doute tués par les preneurs d’otages, ainsi que Jean-Jacques Mimouni, fauché par une balle israélienne.



Les otages saluent la foule venue les attendre à l’aéroport Ben-Gourion.
Les otages saluent la foule venue les attendre à l’aéroport Ben-Gourion. - Crédits photo : Bettmann Archive

Dehors, au même moment, le vacarme redouble. Postés au sommet de la tour de contrôle, les soldats ougandais mitraillent sans relâche. Yoni Nétanyahou, grièvement blessé, est évacué tandis que Muki Betser donne l’ordre à ses hommes d’engager toute leur puissance de feu. Mitrailleuses, lance-roquettes: il faudra de longues minutes aux militaires israéliens pour prendre le contrôle de l’aéroport. Au moins une vingtaine de soldats ennemis sont tués, les autres ont pris la fuite. Au passage, les MiG ougandais stationnés près du vieux terminal sont détruits. Tandis qu’une fumée âcre s’élève dans le ciel, les 104 otages sont installés à la hâte dans l’un des trois C-130 qui se sont posés sept minutes après l’équipe d’assaut. Parmi eux, le fils de Dora Bloch s’enquiert de sa mère hospitalisée à Kampala. Un officier, gêné, lui répond qu’il ne peut rien pour elle. Non loin de là, Yoni Nétanyahou vient de rendre son dernier souffle.
Peu avant une heure du matin, les combattants de Sayeret Matkal décollent pour Nairobi où ils feront une brève escale - avant de mettre le cap sur Tel-Aviv pour y recevoir un accueil triomphal. Betser et ses hommes, meurtris par la mort de leur camarade, n’imaginent pas une seconde ce qui les attend. Dans l’avion qui survole la mer Rouge, ils prêtent à peine attention au bulletin d’information par lequel la radio militaire annonce le succès du raid et la libération des otages. Israël vient de perdre un héros, l’«Opération Tonnerre» entre dans la légende.





(1) Saul David, Operation Thunderbolt - Flight 139 and the Raid on Entebbe Airport.
(2) Raid sur Entebbe, documentaire diffusé par National Geographic Channel.





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Moshe «Muki» Betser
Moshe «Muki» Betser - Crédits photo : OLIVIER FITOUSSI/OLIVIER FITOUSSI

+ )          INTERVIEW - Le lieutenant-colonel Moshe «Muki» Betser dirigea l’assaut des forces israéliennes dans l’aéroport d’Entebbe au côté de Yonatan Nétanyahou. Aujourd’hui âgé de 73 ans, il savoure sa retraite dans le nord d’Israël mais n’a rien oublié de ces heures décisives.
- Décrivez-nous l’état d’esprit qui, en ce 3 juillet 1976, règne à bord de l’avion en vol pour Entebbe.
Moshe «Muki» BETSER.- Nous nous sentons très forts. On s’est beaucoup entraîné à ce type d’intervention, qui implique d’identifier instantanément les otages pour concentrer nos tirs sur les terroristes. Bien sûr, cette opération recèle certaines difficultés spécifiques mais elles nous paraissent surmontables. Le fait que, parmi nous, plusieurs soldats israéliens aient servi en Ouganda quelques années plus tôt est assurément un atout. Les pilotes aux commandes de l’avion ne savent pas dans quelles conditions ils vont atterrir mais ils ont déjà emprunté ce couloir aérien. Et puis, avec Yoni, on en a vu d’autres… En 1972, nous avons participé à la capture de cinq officiers des services de renseignements syriens dans le but de les échanger contre trois pilotes israéliens retenus par le régime de Damas. De notre point de vue, cet assaut n’a donc rien d’une mission impossible. L’essentiel, à nos yeux, est de maximiser l’effet de surprise. L’atterrissage est la première phase délicate du raid.
Comment déjouer la vigilance des contrôleurs aériens ougandais?
Nous partons du principe qu’ils ne s’attendent pas à ce que les forces spéciales israéliennes interviennent si loin de leurs bases. Mais si notre approche éveille leur suspicion, nous savons qu’ils risquent d’éteindre l’éclairage de la piste. C’est pourquoi notre avion est équipé d’un radar qui doit lui permettre d’atterrir dans l’obscurité. Finalement, je crois me souvenir que Joshua Shani (le pilote, ndlr) s’est identifié auprès de la tour de contrôle comme le commandant d’un avion de ligne britannique qui devait se poser dans ce créneau horaire. Une fois au sol, il ralentit suffisamment pour qu’une partie de nos hommes descendent et disposent des lanternes de chaque côté de la piste à l’intention des avions qui, en sept minutes, doivent se poser en renfort.
Que savez-vous des soldats ougandais qui gardent l’aéroport? Et à quelle réaction vous attendez-vous?



«Rétrospectivement, notre seul faux pas fut d’ouvrir le feu contre le soldat que nous avons croisé sur la route du terminal»






Je sais, pour avoir personnellement formé certaines unités de l’armée ougandaise, que leurs connaissances sont très basiques. Ils savent charger un fusil, évoluer en terrain découvert et lire une carte mais ne sont pas habitués à combattre de nuit. Nous supposons par ailleurs que les hommes déployés depuis près d’une semaine sur l’aéroport s’ennuient et se sentent assez peu concernés par l’issue de cette prise d’otages qui leur est tombée sur les bras. En 1994, alors que j’étais de retour à Entebbe pour participer au tournage d’un documentaire, j’ai rencontré un colonel ougandais. Il m’a raconté qu’il était alors un jeune officier. «Lorsque nous avons entendu que ça tirait sur l’aéroport, m’a-t-il confié, nous avons décidé de rester à l’écart le temps que les choses se calment…»
Ne commettez-vous pas l’erreur de sous-estimer l’adversaire?
Je ne le crois pas. Nous savons, grâce à l’étude des plans de l’aéroport et aux clichés pris par le Mossad, que les soldats ougandais et/ou les terroristes postés au sommet de la tour de contrôle bénéficient d’un poste de tir redoutable. C’est pourquoi nous sommes équipés d’un armement qui nous permet d’engager rapidement une grosse puissance de feu et de neutraliser l’ennemi. Rétrospectivement, notre seul faux pas fut d’ouvrir le feu contre le soldat que nous avons croisé sur la route du terminal. Mais ce fut une erreur lourde de conséquences…
Yonatan Nétanyahou, le commandant de votre unité, l’a payé de sa vie.
Yoni a fait une entorse aux plans, qui étaient de ne nous laisser distraire par aucun événement dans notre marche sur le terminal. Lui et moi étions de proches camarades. C’était un homme droit, silencieux, tout en retenue. Lorsque nous avons appris qu’il avait succombé à ses blessures, ce fut un coup terrible pour toute l’unité. Dans l’avion du retour, j’ai rappelé à mes hommes que l’opération était une réussite et que la mort de notre chef ne nous empêcherait pas de continuer à faire notre devoir pour le pays.

pcc Cyrille Louis 
Mis à jour le 28/08/2019 à 10h53 | Publié le 28/08/2019 à 10h53






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