Trois raisons de relire Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde
La beauté est le vrai secret de la vie... Pour l’auteur irlandais, rien n’est plus important que ce qui est futile.
Un recueil d’aphorismes
«Les livres que le monde appelle immoraux sont ceux qui lui montrent sa propre ignominie», explique Lord Henry à Dorian Gray. Si le roman de Wilde n’a pas vocation à nous enseigner une morale, il n’en reste pas moins un livre de leçons. Lord Henry agit comme un professeur pour le jeune Gray. De leur première à leur dernière rencontre, il livre un glossaire de citations que le disciple se charge de répéter. Sur l’amour, il lui fait son éducation sentimentale:«Les hommes se marient par fatigue, les femmes par curiosité», «Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands ils les jugent ; quelquefois ils leur pardonnent». Sauf que Dorian n’est pas le bon élève qu’il croit. En faisant le mal, il va confondre les deux notions clés de l’initiation à la vie selon Henry: beauté et vulgarité.
La vie est un art
Dans la préface du Portrait de Dorian Gray, Dominique Fernandez parle de ce livre comme d’un musée. «Wilde se promène au milieu d’objets d’agrément, plutôt que d’êtres humains.» On ne peut nier l’évidence. Le monde est un tableau. Une nature morte, même. Est-ce pour cela que Wilde saisit si bien le détail de ce qui l’environne? Il recueille sous sa plume la couleur d’un temps. Une époque victorienne que Dorian Gray va autant honnir que décrire. Ainsi, l’art devient-il «un refuge contre le monde» et le dandysme, le remède de l’esthète.«La beauté est le vrai secret de la vie», estime Lord Henry. Et «la vie est le plus grand de tous les arts». Pas étonnant que le roman séduise encore les lecteurs. Il est un hymne au présent. Avec lui, rien n’est plus important que ce qui est futile.
Mourir est un humanisme
On a tous en nous quelque chose de Dorian Gray. Pourquoi courrions-nous sinon contre le temps? Que pourrait bien nous faire une ride au milieu du front? Si Wilde avait existé à notre époque, son héros eût fait des injections de Botox. À l’époque néanmoins, il doit vendre son âme pour avoir une plastique éternelle. Certes, Dorian Gray émet quelques regrets quant à la damnation de son âme, mais il ne craint pas la mort. Il a peur de vieillir. C’est pourquoi le dandy cherche à abolir le passage du temps et jalouse les objets, dont la beauté ne peut pas mourir, au point d’en devenir un par la grâce d’un portrait. L’ennui, c’est qu’en rompant avec toute temporalité, Dorian Gray renonce à son humanité. Lord Henry avait pourtant trouvé un remède aux pattes-d’oie: «Pour redevenir jeune on n’a guère qu’à recommencer ses folies.»
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