Le nouvel ouvrage du philosophe se veut une contre-histoire du gaullisme, mais aussi, à la façon de Plutarque, une comparaison entre le Général et son éternel adversaire. Le premier en ressort sublimé ; le second misérable.
«Après la mort du général de Gaulle, il ne fut plus question de grandeur. Le Général avait dit que le peuple avait choisi d’être un petit peuple, il eut donc de petits gouvernants. Le plus petit des petits de ceux-là eut à cœur de détruire tout ce qu’avait fait le général de Gaulle ; ce fut sa seule constance: faire que ce qui avait été grand devînt petit, comme lui - il s’appelait François Mitterrand. […]
L’opposition entre Charles de Gaulle et François Mitterrand met dos à dos un homme qui lutte contre l’effondrement d’une civilisation et un individu qui se moque que la civilisation disparaisse pourvu qu’il puisse vivre dans ses ruines à la façon d’un satrape. Le premier donne sa vie pour sauver la France ; le second donne la France pour sauver sa vie. L’un veut une France forte, grande et puissante, à même d’inspirer l’Europe des États ; l’autre la veut faible, petite et impuissante, digérée par l’Europe du capitalisme. L’un est un sénateur romain ; l’autre un citoyen de Capoue. De Gaulle vit dans une cellule de moine ; Mitterrand dans une cambuse de Cythère. Le premier est un ascète qui aime Jeanne d’Arc ; le second un jouisseur compagnon de route des héros d’un marquis de Sade charentais.
Le Général aime la madone de France et n’a qu’une seule femme sa vie durant ; le socialiste s’arrête sur tout jupon qui passe et épouse une nouvelle femme chaque jour que Dieu fait. De Gaulle a le sens de l’Histoire et des longues durées, les premières phrases de ses Mémoires témoignent: la France vient de la nuit des temps et il la veut éternelle, elle n’est pas sans passé ni futur, mais il la veut sans naissance et sans mort - elle serait là depuis toujours et pour toujours ; Mitterrand a le sens de son histoire et de la brièveté de son temps personnel inscrit dans les grands espaces infinis qui le déroutent et le conduisent dès qu’il le peut sous les jupes du philosophe pétainiste et catholique Jean Guitton, le confident de ses petites angoisses existentielles qu’il presse de questions sur ce qui advient après la mort. L’un ressuscite Caton ; l’autre réincarne Néron.
De Gaulle se sait et se veut au service de la France, et ce dès ses plus jeunes années où, à peine âgé de quinze ans, il s’imagine déjà en général boutant les envahisseurs allemands hors de France ; Mitterrand veut une France à son service et, pour parvenir au pouvoir suprême, il sera de toutes les intrigues politiciennes, avec Pétain puis avec les communistes, avec l’extrême droite puis avec les socialistes, avec les bigots puis avec les laïcards, avec les tenants de l’Algérie française puis avec des décolonisateurs, mais jamais avec les gaullistes - qui, de toute façon, n’auraient jamais voulu de lui. L’un sait avoir un destin ; l’autre se veut une carrière. De Gaulle n’ignore pas qu’il est plus petit que la France ; Mitterrand se croit plus grand que tout. L’un construit parce qu’il sait que la France lui survivra ; l’autre détruit et sacrifie à l’adage «après moi, le déluge!».
Le Général sait que le corps du roi prime et assujettit le corps privé ; l’homme de Jarnac croit que son corps privé est un corps royal. L’un écoute le peuple et lui obéit quand il lui demande de partir ; l’autre reste quand le même peuple lui signifie deux fois son congé. L’un se recueille en dehors de tout regard et, sur un prie-Dieu modeste, il invoque un genre de Dieu pascalien qui apaise la misère de l’homme sans Lui ; l’autre cherche matière à génuflexion chez une voyante ou un médecin charlatan condamné par le Conseil de l’ordre, dans les livres de sagesse égyptienne ou dans les délires des tenants d’un Grand Architecte occultiste. L’un a lu Péguy, Bergson et Nietzsche ; l’autre Paul Guimard et Erik Orsenna. De Gaulle est en Pléiade chez Gallimard ; les livres de Mitterrand s’achètent en solde chez les bouquinistes pour un ou deux euros. De Gaulle a eu Malraux ; Mitterrand, Jack Lang. L’homme de Colombey-les-Deux-Églises était une ligne droite ; celui de Jarnac un nœud de vipères. L’un a laissé une trace dans l’Histoire de son vivant, mais aussi, tel César ou Napoléon, après lui ; l’autre pèse désormais autant qu’un obscur président du Conseil de la IVe République. L’un a fait la France ; l’autre a largement contribué à la défaire… […]
à suivre ...
Il fallait que quelqu’un ose ces comparaisons.
RépondreSupprimerElles nous font mieux respirer.
Elles aident à dissiper les subterfuges et les artifices du Florentin.
Oui Michel Onfray, merci. L'un des deux donnait. L'autre prenait. Tout est dit.