vendredi 27 novembre 2020

Houellebecq chroniqueur

 





Michel Houellebecq, pour la troisième fois, publie ses Interventions - un recueil de textes divers parus au gré de ses envies et des sollicitations dans différents titres de presse: entretiens, préfaces, chroniques, billets… sur des sujets variés allant, sans prétention d’exhaustivité, du cinéma muet au statut de l’écrivain en passant par Dieu, les beaufs, la pédophilie, Philippe Muray ou le roman de science-fiction. L’intérêt premier et non des moindres est de connaître avec une relative précision son avis sur ces différentes choses et parfois même de comprendre le raisonnement qui l’a conduit à se faire une opinion (encore qu’il ne prenne pas toujours la peine de l’étayer avec force détails). Une fois reposé l’ouvrage, le lecteur peut sans trop de peine estimer que Houellebecq est donc contre l’euthanasie, les supermarchés ou le traité de Maastricht. Qu’il aime Auguste Comte et pense que «Jacques Prévert est un con».

C’est déjà bien, mais ajoutez à cela quelques très belles pages de théorie littéraire, notamment au sujet de la poésie qu’il tient pour «la seule manière d’exprimer le manque à l’état pur, à l’état natif ; d’exprimer simultanément chacun de ses aspects complémentaires», et vous tenez un véritable bijou dont la lecture ne laisse pas indemne. Surtout que, d’une «intervention» à l’autre, Houellebecq tend l’un des fils d’Ariane qui permet de suivre le cours de son œuvre. L’une des clés est peut-être sa fascination pour le positivisme et, d’une manière générale, son obsession pour la science.


D’où son intérêt aussi pour la littérature de science-fiction, qu’il tient pour l’un des arts majeurs de la seconde moitié du XXe siècle. Tout le drame de notre temps se joue ici, à l’en croire: dans cet espoir déçu, cette illusion que la connaissance nous rendrait un peu meilleurs que nous n’étions. Or, selon lui, il n’en est rien, et c’est même plutôt l’inverse. De cette idée qui l’étreint comme une angoisse, et avec le talent qu’on lui sait, il a bâti une œuvre dont le sens et le génie ne ressortent que davantage à la lecture de ce recueil savoureux - et avouons-le, souvent drôle.


Interventions 2020, de Michel Houellebecq, Flammarion, 464 p., 21 €.







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci d'utiliser cet espace pour publier vos appréciations.