«Mon ami François me manque»
QUAND REVIENDRONT LES JOURS HEUREUX - Réciter de la poésie avec un ami cher.
Mon ami François me manque. J’aime son petit bureau qui donne sur un parc qui doit, ces jours-ci, arborer de jolies couleurs d’automne. Naguère, nous parlions sans relâche dans cette pièce encombrée de livres, de papiers et d’encriers…
François écrit-il toujours? Parvient-il à cette «vie recluse en poésie», privilège quasi monastique dont parlait Patrice de La Tour-du-Pin? En a-t-il la force, l’envie? Le confinement a peut-être tari son inspiration en le privant d’images, de parfums et de couleurs. Lit-il seulement des vers? Un temps qui prive un poète de son art est un temps bien cruel.
Il me tarde de lui parler.
Un jour, demain, bientôt, je traverserai la ville, à pied ou en autobus. Je sonnerai à la porte d’un immeuble sis dans une rue déserte de Paris, propice à la contemplation, et j’entendrai sa voix à l’interphone, ce traînant et interrogatif, reconnaissable entre mille. Il m’aura attendu. Au sortir de l’ascenseur, je verrai sa silhouette frêle se dessiner dans l’encadrement de la porte. Dans la lumière du jour revenu, je retrouverai inchangé ce beau visage creusé de rides régulières, ces yeux ardents surmontés de cheveux noirs en brosse.
Je lui apporterai un livre, en écho à nos conversations passées ; il servira de prétexte à celles qui viendront. Stèles, de Segalen. J’aime ce recueil, ne serait-ce que parce que l’auteur l’a orné de calligraphies semblables à celles que François dessinait jadis et qu’il offrait à ses amis. En poésie, Claudel, Segalen et lui forment ma ligne d’horizon, à l’Orient.
Et François poursuivra, comme une hymne: «Laisse-moi ô joie qui déborde, commander à mon soleil et le ramener à mon aube: que j’épuise ce bonheur aujourd’hui!»
Ces seuls mots me diront que le temps de l’absence a passé et que vient, miraculeusement, celui des retrouvailles et de l’action de grâce
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