vendredi 9 avril 2021

Le Baiser

 




Le Baiser: pour tout l’or de Klimt




Le Baiser (détail), de Gustav Klimt, 1907-1908. ©Bridgemanimages/Leemage

C’est un très grand tableau qui vous enveloppe comme la mosaïque des motifs enveloppe les deux amants. Le Baiser, peint entre 1908 et 1909 par Gustav Klimt, est une toile carrée. «Elle fera 1,80 m sur 1,80 m. Le format, plutôt rare, accroîtra l’impression que je veux donner, de clôture et d’égalité dans les proportions. Mais sa réalisation sera longue, des mois, des années peut-être, pour parvenir au point d’acmé, à l’équilibre, quand tout autour la menace pèse encore», s’en explique le peintre autrichien, colosse hirsute, à sa muse Émilie Flöge, impériale comme une Vierge byzantine. Elle est modiste, styliste, couturière, habille l’élite fortunée de Vienne, la fleur de l’aristocratie. Dans ses collections, infusent des traces de l’art de Klimt.

Étoffes à larges ramages géométriques, très modernes, qu’elle façonne dans des robes amples, comme les vastes tuniques de ce Klimt «à l’air menaçant, de prophète antique ou de druide sacré». Docteur en histoire de l’art et des mentalités, Alain Vircondelet décortique la naissance d’une idée, dans une Vienne faite d’excès, de bals, de révolutions mentales (Sigmund Freud!...). Et raconte «Le roman d’un chef-d’œuvre», Le Baiser, le plus célèbre des Klimt, le plus violemment tendre, le trophée de son «Cycle d’or» conservé à l’Österreichische Galerie Belvedere.


«La toile aux dimensions inhabituelles sortait peu à peu de sa solitude de lin. Klimt l’avait recouverte d’une ample couche d’or mat, au cuivré profond, d’une densité puissante, propre à accueillir le motif. Il se souvenait des fonds des fresques de Ravenne et des coupoles de San Marco et de Torcello, imagine l’écrivain qui a œuvré sur Séraphine de Senlis, Balthus, Picasso, Dora Maar et Toulouse-Lautrec. Vienne était devenue une chambre d’écho d’une Europe exsangue et qui avait égaré sur la route des siècles les valeurs de la civilisation», insiste l’écrivain en se référant aux prophéties des poètes et des musiciens, de Byron à Schiller, de Novalis à Rilke, de Schubert à Debussy.


Elle fera 1,80 m sur 1,80 m. Le format, plutôt rare, accroîtra l’impression que je veux donner, de clôture et d’égalité dans les proportions


Sous sa plume se campe un sacré artiste, force de la nature, tyrannique et délicat, rebelle et jouisseur, croquant femmes de la haute société et modèles, pour ne retenir d’elles que le sourire vaincu et abandonné après l’extase. On pense à la Madonna dont Edvard Munch fit cinq versions entre 1894 et 1895. La plus explicite fait courir des spermatozoïdes autour du cadre, indiquant que cette brune aux yeux clos et au teint bleuté incarne «la petite mort» et le moment de la conception. Sauvage, Klimt qui n’accepte pas de disciples, hormis le jeune Egon Schiele, ne partage plus l’appétit compulsif de ce dernier pour la chair. Il peint donc l’Amour, l’amour divin chanté par Le Cantique des Cantiques, sensuel, mais altruiste, unique et plein. À protéger comme un dernier morceau de paradis. Il meurt à 55 ans le 6 février 1918 à Vienne, des suites d’un AVC. Egon Schiele meurt de la grippe espagnole, à 28 ans, le 31 octobre 1918 à Vienne.


«Le Roman d’un chef-d’œuvre», nouvelle collection des Éditions HD (Ateliers Henry Dougier). Trois premiers titres, «De l’or dans la nuit de Vienne selon Klimt», «La Femme moderne selon Manet» et «Les Heures suspendues selon Hopper», 12,90 €.




2 commentaires:

  1. Ah, merci, je ne connaissais pas cette nouvelle collection. En échange je vous signale la sortie du livre "Fleurs" chez Actes Sud de Marco Martella, jardinier écrivain, dont j'apprécie la revue Jardins (éditions des Pommes sauvages

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