En ces temps-là j'avais vingt ans et j'étais fou. J'avais perdu un pays mais j'avais gagné un rêve. Et si j'avais ce rêve le reste était sans importance. Travailler ou prier ou étudier à l'aube auprès des chiens romantiques. Et le rêve vivait dans le vide de mon esprit. Une chambre en bois, dans la pénombre, dans l'un des poumons du tropique. Et parfois je retournais en moi et je rendais visite au rêve : statue qui s'éternise en des pensées liquides, un ver blanc qui se tord dans l'amour. Un amour le mors aux dents. Un rêve dans un autre rêve. Et le cauchemar me disait : tu grandiras. Tu t'éloigneras des images de la douleur et du labyrinthe et tu oublieras. Mais en ce temps-là grandir aurait été un crime. Je suis ici, ai-je dit, avec les chiens romantiques et c'est ici que je vais rester.
Roberto Bolaño , Les Chiens romantiques traduction de Robert Amutio. |
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