lundi 14 janvier 2019

L'habit ne fait pas le moine





« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre »
Blaise Pascal, In Pensées, fragment 139







Les signes sont forts. Le pays s’ennuie, la France s’emmerde. Trente années glorieuses, dix années sous crise et rien qui vienne palpiter à l’horizon… Au moins dans la France dite des régions -pardon- « des territoires » où cet horizon devient de plus en plus flou, incertain, indéchiffrable. Alors, dans l’évaporation du politique et l’endormissement d’un état providence au bord de la faillite, on va, on vient, entre le picon-bière, les jeux à gratter et Nagui ou mieux Hanouna. On expérimente le grand vide pascalien des villages déserts, la profonde déprime des ensembles pavillonnaires où le siège de jardin en plastique blanc tutoie le nain en plâtre polychrome. Et puis, un jour, entre deux plaintes et trois gémissements, dans la rage impuissante devant le train du monde qui passe et fonce sans vous, un imbécile un peu fort en gueule propose d’aller bloquer ce train, ce flux au rond-point d’à côté. Les yeux brillent. Le quart d’heure warholien du petit chef omnipotent est à portée de gilet… On braille, on exige le klaxon, on moque les « grandeurs d’établissement », on est le Roi. Se sentir lésé est un état d’esprit qui ne favorise pas la largeur de vue. On invective l’autorité, on insulte les élites, on se livre à des pantomimes macabres, on est le peuple. On voit « des autres » qu’on ne croisait que dans la queue à Intermarché, on se reconnaît, on se parle, on discute SMIC, RIC, CSG, ISF… sans trop savoir ce que cela recouvre. Pas d’importance, le courant passe, c’est chaleureux, on se dilate, ça fait du bien, on n’est plus seul. Les « y’a qu’à » et les « faut qu’on » fusent; l’économie dont l’opacité est impénétrable est réduite à quelques slogans (contre « les riches »). On repeint le monde à la couleur de ses désirs bafoués, de ses rêves désespérément rognés. Le ciel se noircit de pneus incendiés. L’Elysée s’émeut, Jupiter lâche beaucoup de billets. On veut plus. Avec ces « miettes » on pense déjà à remplacer le picon-bière par le Jack Daniels, les jeux à gratter par le tiercé, Nagui par Netflix… Et puis, un autre imbécile – un de ces loups pelés aux yeux bleu marine et au poil insoumis – lance sournoisement: « Et si on foutait le feu à la préfecture? ». Les yeux brillent. La demi-heure de célébrité du petit barbare gaulois est à portée de cocktail Molotov…


Paradoxe des temps actuels: le gilet jaune fluorescent dit de haute visibilité ou gilet de sécurité destiné à mieux rendre visible son porteur est devenu l’habit d’anonymat derrière lequel peuvent s’abriter impunément turpitudes et vilénies, se cacher hypocritement violences et exactions de tous ordres.

L’habit ne fait pas le moine mais le gilet peut faire l’émeutier embusqué et le factieux  dégonflé…







Pcc L.L.M&L.A

3 commentaires:

  1. Gaulois réfractaire14 janvier 2019 à 11:08

    Ne connaissant pas l'auteur du papier d'en dessous, je m'en vais répondre à la tirade de mon pote Blaise que j'ai un peu (oh ! un tout petit peu) connu au collège.

    Blaise, tu suggères de rester au repos dans une chambre. Pourquoi pas après tout ? Tu me permettras deux petites conditions quand même : d'une, faut avoir des revenus qui te dispensent d'aller bosser. Et de deux, faut avoir d'oseille pour la chauffer un peu la piaule, non ?

    Allez, sans rancune !




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  2. Nuage neuf...
    Un blog que l'on aime pour ses croquis délicieusement colorés de la vie, pour ses poèmes tirés du ciel sans égal de la Beauté, celle de Baudelaire;
    un blog stimulant pour ses joyeuses, et profondes, impertinences;
    un blog où tintent sans relâche les horloges de la mémoire vive d'une Humanité bafouée et niée;
    un blog qui chante si bien les amours, et l'amour de l'amour, et l'envol fraternel des cœurs...

    Et patatras! Lire, ce tissu de poncifs sur les recalés, les sans-grades, les sans-dents, ou simplement les pas-chanceux de notre société, amalgamés dans les mêmes sous-entendus et non-dits : tous violents, tous racistes évidement, xénophobes c'est certain, sexistes ça va de soi, tous nostalgiques des bons vieux temps de la Coloniale et de l'esclavagisme pourquoi pas ! Tous ces petits gaulois barbares dont les yeux brillent de rage mauvaise au milieu de foules haineuses, on vous l'a dit, qui ne songent qu'à griller du poulet à la flamme des cocktails-Molotov !

    Eh bien, Messieurs les Marquis de la Vertu et de la Moraline incarnées, irremplaçables BHL, Gluksmann, Apathie, Joffrin, Enthoven, Duhamel et Tutti quanti, je vous informe que tous vos libelles, qui quotidiennement piétinent cette misérable et si peu productive plèbe française, sont ici, cette fois, carrément enfoncés : oui, par cette charge d'où suinte un irrépressible et suffocant mépris de classe.

    Messieurs, vous avez trouvé votre maître. Ici. Sur ce blog. Aujourd'hui. Et je voudrais tant n'en pas croire mes yeux.


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    1. Désolé de cette réponse bien tardive.
      j'ai toujours tenu à ouvrir ce blog à tous les points de vue. C'est le cas pour celui-ci. Il vous déplait et vous le dites. C'est parfait.
      Portez-vous bien cher En passant et à très bientôt j'espère.

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