Ne sacrifions pas nos plus beaux paysages aux éoliennes!
Des associations défendant le patrimoine, représentées notamment par Stéphane Bern, interpellent le président de la République dans une lettre ouverte pour exiger de protéger les paysages français de la pollution visuelle générée selon eux par l’implantation anarchique d’éoliennes.
Monsieur le Président,
En soulignant, le 14 janvier dernier, que «le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir», que «la capacité à développer massivement l’éolien est réduite» et «qu’on ne peut l’imposer d’en haut», tandis que Madame Élisabeth Borne reconnaissait l’existence de «saturations visuelles absolument insupportables», vous avez redonné espoir à tous ceux qui luttent contre une agression environnementale inouïe par son ampleur et sa brutalité.
Nous souhaitons vous alerter sur l’urgence de la traduction en actes de cette orientation nouvelle: chaque semaine de nouveaux projets éoliens sont autorisés par les préfets dans des sites emblématiques malgré l’opposition des riverains, des maires, des commissaires enquêteurs, des architectes des Bâtiments de France, comme sur les sites de la cathédrale de Sées dans l’Orne ou de Banyuls dans les Pyrénées orientales. Ces véritables coups de force administratifs provoquent désormais une très vive hostilité des populations riveraines.
Le cas de la Montagne Sainte Victoire connue mondialement grâce à Cézanne et figurant à la demande de la France sur la Liste indicative des biens de valeur universelle exceptionnelle destinés à être inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO est particulièrement édifiant: le projet d’implantation de 22 éoliennes à seulement 10 km de son sommet a suscité une pétition signée à ce jour par plus de 17.000 personnes alors que le promoteur de ce projet a lancé les travaux d’aménagement sans attendre l’issue d’un recours devant la juridiction administrative…
L’implantation « harmonieuse » de 6.500 nouvelles machines encore plus puissantes est un leurre qui va à l’opposé du diagnostic que vous avez porté.
De toute la France remontent les plaintes de ceux qui subissent déjà l’implantation anarchique des plus de 8.000 éoliennes existantes:
- pollution visuelle et sonore, de nuit comme de jour,
- impact sur la santé des personnes riveraines et effondrement de la valeur des biens immobiliers,
- impact sur la faune animale qu’il s’agisse d’espèces protégées ou de troupeaux d’élevage,
- artificialisation irrémédiable des sols par des socles en béton de plus en plus massifs,
- sous-estimation manifeste du coût du démantèlement, lequel restera largement à la charge des collectivités publiques le moment venu,
- caractère intermittent, aléatoire et imprévisible de la production d’électricité d’origine éolienne, qui oblige à recourir à des énergies de substitution, gaz ou charbon, lesquelles augmentent les rejets de CO2,
L’implantation «harmonieuse» de 6.500 nouvelles machines encore plus puissantes est un leurre qui va à l’opposé du diagnostic que vous avez porté.
La consultation publique récemment conduite à l’occasion de la révision de la «Programmation pluriannuelle de l’énergie» (PPE) a montré que 70% des avis recueillis étaient hostiles à l’éolien, confirmant ainsi votre jugement.
À présent surgissent des projets de 200 mètres de haut, soit la hauteur de la tour Montparnasse.
D’autres pays que le nôtre tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Danemark et l’Espagne, ayant fait l’expérience du coût prohibitif de l’éolien et de son inefficacité en termes de réduction des émissions de CO2, ont interrompu les systèmes d’aide en vigueur pour l’éolien terrestre et donné un coup d’arrêt à sa prolifération.
Alors que la PPE a été publiée en catimini le 20 avril dernier sans avoir tenu le moindre compte de la consultation organisée à l’occasion de sa «révision» pour laquelle nous avions présenté un projet alternatif, nous proposons que trois mesures soient prises au plus vite:
- Accroître la distance minimale entre les éoliennes et les habitations. Cette distance, 500 mètres à l’égard de toute habitation ou monument, a été fixée à une époque où les éoliennes étaient deux fois moins hautes qu’aujourd’hui et donc moins agressives. À présent surgissent des projets de 200 mètres de haut, soit la hauteur de la tour Montparnasse. La distance minimale devrait être portée à 10 fois la hauteur de l’éolienne, pale comprise, comme c’est le cas en Bavière ou en Pologne.
- Rendre obligatoire l’avis de l’architecte des bâtiments de France dans le cadre de l’instruction de projets d’implantation d’éoliennes, quel qu’en soit le nombre, dans un rayon de 10km des monuments historiques et des sites protégés (sites classés et sites patrimoniaux remarquables) ainsi que celui de la Commission régionale du Patrimoine et de l’architecture, pour ces mêmes projets, dans le cas de recours devant le préfet de région.
- Réduire le prix d’achat de l’électricité produite par les éoliennes en appliquant la procédure des appels d’offres à tout projet d’installation d’éoliennes quel que soit leur nombre. Cette formule préconisée par l’Union européenne permettra d’éviter le maintien de recettes garanties exorbitantes dont le coût pour la collectivité croît de manière exponentielle. Elle n’est actuellement applicable que pour les ensembles de plus de 6 éoliennes, et se trouve donc systématiquement contournée.
Les paysages de la France forment le cadre de vie des Français et l’écrin de nos monuments les plus précieux.
Nos associations nationales, mais aussi européennes et internationales, réaffirment leur attachement aux paysages de la France, qu’ils soient exceptionnels ou du quotidien. Ils forment en effet le cadre de vie des Français et l’écrin de nos monuments les plus précieux. Ils sont admirés et visités par des millions de touristes en provenance de l’Europe et du monde entier. On ne saurait les sacrifier à l’éolien dont l’impact environnemental est globalement négatif. Nous sommes à vos côtés pour construire une autre voie conduisant à une transition écologique acceptée par tous les citoyens.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de notre très vive considération.
* La lettre est signée par : Stéphane Bern ; Gilles Alglave, président de Maisons Paysannes de France ; Christine Bru, vice-présidente de Patrimoine Environnement ; Jean-Louis Butré, président de la Fédération Environnement Durable ; Denis de Kergorlay, président de la French Heritage Society ; Julien Lacaze, président de Sites et Monuments ; Olivier de Lorgeril, président de la Demeure Historique ; Marie-Georges Pagel Brousse, présidente de Rempart ; Hermann Parzinger, président exécutif d’Europa Nostra ; Olivier de Rohan Chabot, président de La Sauvegarde de l’art français ; Daniel Steinbach, président de Vent de Colère ; Philippe Toussaint, Président des VMF (Vieilles Maisons Françaises).
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