mercredi 21 avril 2021

Mallarmé


Brise marine


La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.

Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres

D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !

Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux

Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe

O nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe

Sur le vide papier que le blancheur défend

Et ni la jeune femme allaitant son enfant.

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,

Lève l'ancre pour une exotique nature !



Un Ennui, désolé par les cruels espoirs

Croit encore à l'adieu suprême des mouchoirs !

Et, peut-être, les mâts, invitant les orages

Sont-ils de ceux qu'un vent penche sur les naufrages

Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots...

Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots ! 



Stéphane Mallarmé

In Poésies 




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