Berceuse de la Mère-Dieu
Gustav KLIMT
La Vierge, 1913
Berceuse de la Mère-Dieu
Mon Dieu qui dormez faible entre mes bras,
Mon enfant tout chaud sur mon cœur qui bat,
J’adore en mes mains et berce étonnée,
La merveille, ô Dieu, que m’avez donnée.
De fils, ô mon Dieu, je n’en avais pas.
Vierge que je suis, en cet humble état,
Quelle joie en fleur de moi serait née ?
Mais Vous, Tout-Puissant, me l’avez donnée.
Que rendrais-je à vous, moi sur qui tomba
Votre grâce ? Ô Dieu, je souris tout bas
Car j’avais aussi, petite et bornée,
J’avais une grâce et Vous l’ai donnée.
De bouche, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour parler aux gens perdus d’ici-bas…
Ta bouche de lait vers mon sein tournée,
Ô mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De main, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour guérir du doigt leurs pauvres corps las…
Ta main, bouton clos, rose encor gênée,
Ô mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De chair, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour rompre avec eux le pain du repas…
Ta chair au printemps de moi façonnée,
Ô mon fils, c’est moi qui te l’ai donnée.
De mort, ô mon Dieu, Vous n’en aviez pas
Pour sauver le monde… Ô douleur ! là-bas,
Ta mort d’homme, un soir, noire, abandonnée,
Mon petit, c’est moi qui te l’ai donnée.
Marie Noël
in Le Rosaire des joies
1930
Marie Noël est
une poétesse française née en 1883 et décédée en décembre 1967 à
Auxerre. Elle choisit le pseudonyme Noël - elle s'appelle Marie Rouget -
après le mort de son jeune frère, survenue un lendemain de la fête de
Noël. Animée et mue par une profonde foi catholique, elle reçut entre
autres le prestigieux Grand prix de poésie de l'Académie française en 1962. On notera qu'elle meurt l'avant-veille de Noël.
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